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Camille Cousté et Grégoire Gérard dans les locaux de Très à Marseille © A.C.

Design : un éco-​score pour le mobilier

S'il devient de plus en plus cou­rant de faire atten­tion à notre empreinte envi­ron­ne­men­tale quand on achète de l'alimentaire ou des vête­ments, dif­fi­cile de bien faire quand il s'agit de meu­bler ou déco­rer son habi­ta­tion. Le dis­tri­bu­teur en ligne Très entend pro­po­ser la solution.

Un fau­teuil conçu avec des chutes de plas­tique et de métal issues de la pro­duc­tion indus­trielle en France noté A, une biblio­thèque fabri­quée en bois pro­ve­nant de « forêts durables » notée B+. Sur Très-ecodesign.com, le mobi­lier et les articles de déco­ra­tion pro­po­sés ont été vali­dés par un impla­cable algo­rithme étu­diant le cycle de vie d'un objet et relé­guant hors de la vente les pro­duits qui, sur une note envi­ron­ne­men­tale de A à F, ne dépassent pas le D. Une sorte de Yuka de desi­gn, du nom de cette incon­tour­nable appli­ca­tion qui scanne les codes barres ali­men­taires ou de pro­duits de beau­té pour aiguiller les consommateur·trices dans leurs achats en fonc­tion des com­po­sants, sauf qu'ici, le super­mar­ché est en ligne et ne vend que les articles à haute pré­oc­cu­pa­tion envi­ron­ne­men­tale. Une place à prendre puisque, contrai­re­ment à l'alimentation par exemple, les normes de trans­pa­rence sur la com­po­si­tion et la fabri­ca­tion d'un meuble res­tent très floues.

« Nous sélec­tion­nons dans un pre­mier temps de manière sub­jec­tive des meubles et des objets que nous trou­vons fon­ciè­re­ment beaux, détaille Camille Cousté, qui a lan­cé Très cet automne. Puis, nous deman­dons à la marque qui les pro­duit divers élé­ments sur la tra­ça­bi­li­té des matières pre­mières uti­li­sées mais aus­si sur sa dura­bi­li­té. Ce sont ces élé­ments objec­tifs qui vont être sou­mis à l'algorithme que nous avons conçu en nous basant sur les tra­vaux de l'Ademe [l'agence gou­ver­ne­men­tale de tran­si­tion éco­lo­gique, ndlr] qui prend en compte l'intégralité de la vie d'un pro­duit, des condi­tions d'extraction de la matière pre­mière aux pos­si­bi­li­tés de répa­ra­tion, réem­ploi ou recy­clage une fois le pro­duit usé. » La tren­te­naire fait par­tie de ces per­sonnes bien ins­tal­lées dans leur vie qui ont sou­dai­ne­ment eu à cœur de chan­ger de métier pour (re)trouver du sens. Passionnée de desi­gn et pas­sée par une grande plate-​forme de dis­tri­bu­tion d'ameublement, Camille Cousté a pris conscience au fil de sa car­rière des carences du sec­teur en matière d'impact envi­ron­ne­men­tal. Devenir loca­vore, choi­sir des des­ti­na­tions acces­sibles en train, s'habiller seconde main… Oui, mais à quoi bon si nos meubles sont fabri­qués dans des usines chi­noises fonc­tion­nant au char­bon ? La jeune femme met à pro­fit la crise sani­taire pour se lan­cer dans l'aventure : quit­ter Paris, direc­tion Marseille, cette ville qui sonne à tant de Parisien·nes comme une pro­messe de tout recom­men­cer face à la mer, et mon­ter son entre­prise durant l'été 2021. 

Petit stock et squat arty

Quelques mois plus tard, mi-​novembre, elle nous reçoit dans les locaux de Très, qui s'accordent avec cette nou­velle éthique slow-​life. Le petit stock (« Petit car, en tant que dis­tri­bu­teur, cela ne sert pas l'environnement de sto­cker à Marseille des pro­duits fabri­qués à Lille s'ils sont ache­tés à Paris », explique Camille Cousté) et le siège social de la jeune entre­prise sont per­chés dans les étages de Buropolis, une barre d'immeuble du IXème arron­dis­se­ment de Marseille, vouée à la démo­li­tion et squat­tée – avec l'accord de la muni­ci­pa­li­té – le temps que les tra­vaux s'engagent. Des artistes engagé·es sur des thé­ma­tiques de soli­da­ri­té, de réem­ploi et d'environnement et quelques start-​ups comme Très se par­tagent les neuf étages de l'édifice gérés par l'association Yes we camp, avec espaces de res­tau­ra­tion com­muns et ascen­seurs constel­lés de graf­fi­tis et de sti­ckers asso­cia­tifs, plus ou moins en panne. 

Une ambiance créa­tive dont pro­fitent Camille Cousté et Grégoire Gérard, les deux fondateur·trice de Très, mais aus­si Pauline Senia, élève ingé­nieure recru­tée en alter­nance pour créer le fameux « éco-​score du mobi­lier » qui fait la force de Très et, plus récem­ment, Lauriane Boscher, étu­diante en mar­ke­ting elle aus­si en alter­nance dans la start-​up. « C'est une fier­té que notre pre­mière recrue ait été une ingé­nieure, sou­ligne Camille Cousté. C'est la preuve que notre offre de dis­tri­bu­tion s'appuie sur une grande inno­va­tion technologique. »

Le made in France n'est pas tou­jours la panacée

Pour l'heure, l'algorithme est uti­li­sé dans de com­plexes fichiers Excel, mais à terme, Camille Cousté envi­sage de créer un logi­ciel ad-​hoc. Car en plus de la vente au par­ti­cu­lier de meubles éco-​responsables, la start-​up se donne pour mis­sion de pro­po­ser un ser­vice de conseil aux entre­prises d'ameublement, en pas­sant leurs pro­duits à la mou­li­nette de l'éco-score déve­lop­pé et en leur pro­po­sant des pistes d'amélioration pour obte­nir une meilleure note. « Il y a des marques qui ont vrai­ment du mal à savoir com­ment son fabri­qués les objets qu'elles conçoivent, raconte la jeune femme. D'autres sont venues nous voir très enthou­siastes pour être réfé­ren­cées sur Très et ont été désa­gréa­ble­ment sur­prises de décou­vrir que leurs pro­duits ou cer­tains de leurs pro­duits n'étaient pas assez "propres" pour que nous les ven­dions. Il faut alors leur expli­quer que, dans les cri­tères qui font une empreinte envi­ron­ne­men­tale, faire du made in France n'est pas une garan­tie de bien faire car de nom­breux autres para­mètres entrent en compte, comme l'origine des matières pre­mières par exemple. »

En matière d'empreinte envi­ron­ne­men­tale du mobi­lier, il y a quelques flous que Très escompte dis­si­per. Ce n'est pas parce qu'il est écrit « made in France » sur une chaise qu'elle aura été fabri­quée inté­gra­le­ment en France, cette indi­ca­tion peut sim­ple­ment signi­fier qu'en bout de chaîne, ses dif­fé­rents élé­ments auront été assem­blés en France. Par ailleurs, ce fameux « made in France » n'est pas for­cé­ment la pana­cée envi­ron­ne­men­tale, car une éta­gère fabri­quée en Roumanie mais grâce à du bois sour­cé dans une forêt qui n'est pas sur­ex­ploi­tée aura un coût envi­ron­ne­men­tal moins lourd qu'une éta­gère fran­çaise moins regardante.

Reste, au bout de toute cette volon­té de mieux faire et de mieux consom­mer la ques­tion du coût pour le·la client·e. Sur Très, les pro­duits ne sont clai­re­ment pas acces­sibles à toutes les bourses, avec par exemple un cana­pé deux places ven­du 3 570 euros. Le prix de l'éco-responsabilité, affirme Camille Cousté. « On a ten­dance à oppo­ser ces prix à ceux d'Ikea, mais ce genre de mul­ti­na­tio­nales qui pro­duit de façon indus­trielle ne peut pas tout faire rai­son­na­ble­ment. » D'ailleurs, lorsqu'elle a mené ses recherches pour lan­cer Très, la jeune femme a cru avoir été devan­cée par Ikea, puisqu'un article en ligne annon­çait la créa­tion, par la marque sué­doise, d'un éco-​score. Las, l'article en ques­tion date de 2011 et, dix ans après, tou­jours pas de révo­lu­tion chez le géant du mobi­lier, si ce n'est la pos­si­bi­li­té pour le·la client·e de retour­ner son meuble usa­ger pour qu'il soit recyclé.

Pour faire com­prendre au public les coûts de fabri­ca­tion d'un objet à haute valeur envi­ron­ne­men­tale, Très vient de s'associer à la desi­gner Louise Rué pour lan­cer un miroir à prix coû­tant, dont le plus petit modèle est à 60 euros (le prix de vente nor­mal aurait été envi­ron le double). « Nous ne gagne­rons pas d'argent des­sus, indique Camille Cousté, mais l'idée est de se faire connaitre avec une démarche qui a du sens, en sour­çant les com­po­sants du miroir et en fai­sant tra­vailler des arti­sans locaux. » L'occasion d'acquérir une jolie pièce fabri­quée avec amour pour la planète.

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