Amnesty International rappelle, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, qu’il est urgent de défendre ceux des Afghanes qui « sont actuellement incapables d’exercer pleinement leurs droits humains ».
« N’oubliez pas les femmes afghanes, soyez notre voix. » Le mot d’ordre de la pétition mondiale lancée par Amnesty International, le 25 novembre 2021, « doit résonner plus que jamais en cette Journée internationale des droits des femmes », a déclaré Yamini Mishra, directrice d’Amnesty International pour l’Asie du Sud en préambule de la conférence organisée la veille. Plus de 80 000 personnes ont déjà signé la pétition, remise aux gouvernements du monde entier, pour mobiliser la communauté internationale à défendre et mettre fin à la répression des droits des femmes et des filles par les talibans. « Un mécanisme de surveillance dirigé par l’ONU, par exemple, devrait être mis en place pour surveiller la situation des femmes et tenir les talibans responsables », a indiqué Shabnam Salehi, ancienne commissaire aux droits des femmes de la Commission indépendante des droits humains en Afghanistan (AIHRC).
Car aujourd'hui, sept mois après l'arrivée des talibans au pouvoir, « les Afghanes sont incapables d’exercer leurs droits et le régime échappe à toute forme de responsabilité », constate Yamini Mishra. Pourtant, depuis la prise de Kaboul en août dernier, le régime des talibans n’a eu de cesse de faire des promesses d’ouverture selon lesquelles il serait moins strict que durant son premier règne (1996−2001). Le régime a tenté aussi de donner quelques gages de bonne volonté afin d'obtenir un « dégèlement » de l'aide internationale – actuellement, sur les 37 millions d’habitant·es, 23 millions sont menacé·es par la famine.
Dernier gage en date, le 23 février, lorsque le ministère de la Promotion de la vertu et de la Répression du vice – qui remplace depuis septembre l’ancien ministère des Affaires féminines – a annoncé que les femmes fonctionnaires peuvent revenir travailler mais seulement si elles sont voilées. Jusqu’ici, la plupart des femmes occupant des emplois publics n’étaient pas autorisées à retourner travailler. Autre exemple, le 13 février, lorsque quatre militantes féministes arrêtées à Kaboul pour avoir protesté contre le port obligatoire de la burqa ont été relâchées.
Durcissement du régime
Mais globalement, les talibans grignotent jour après jour les droits humains, notamment ceux des femmes en instaurant des politiques qui ont sévèrement restreint la liberté de mouvement et d’expression des femmes afghanes et miné l’accès des filles à l’éducation et à l’emploi. Depuis le 26 décembre, il est ainsi interdit aux femmes de voyager sur des distances au-delà de 72 kilomètres sans être accompagnées par un homme de leur famille. Les conducteurs doivent également n’accepter à bord de leur véhicule que des femmes portant le voile islamique. De nouvelles restrictions qui s’ajoutent à d’autres, déjà appliquées depuis des mois, dont l’interdiction pour elles de jouer de la musique ou encore d'occuper des postes à responsabilité.
Pour Yamini Mishra, « nous assistons à une tentative d’effacer progressivement les femmes et les filles de la vie publique en Afghanistan ». Elle en veut pour preuve l’interdiction pour les chaînes télévisées afghanes de diffuser des « feuilletons et des séries à l’eau de rose dans lesquels des femmes jouent » et faire en sorte que les femmes journalistes portent le voile islamique à l’écran. Quant à l'éducation, si quelques étudiantes de quelques provinces ont pu retourner à l’université début février voilées et séparées des garçons, les filles de plus de douze ans n’ont toujours pas accès aux collèges et lycées. Les établissements du secondaire ont bien rouvert en septembre dernier, mais uniquement pour les enseignants et les élèves masculins. Les filles devraient pouvoir y retourner d’ici fin mars, ont promis les talibans.
La chute du régime taliban en 2001 avait pourtant conduit à une amélioration significative des droits des femmes. Au cours des deux dernières décennies, environ 3,3 millions de filles ont eu accès à l'éducation tandis que les femmes ont pu participer activement à la vie politique, économique et sociale du pays. « En l’espace de sept mois, déplore Yamina Mishra. ils ont érodé vingt ans de progrès en matière de droits des femmes et les craintes que les femmes afghanes nourrissaient depuis des décennies sont devenues une sombre réalité quotidienne. »
Pour signer la pétition en ligne d’Amnesty International, c’est par ici.
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