Edito. Verra-t-on un jour l’inscription du droit à l’avortement dans notre Constitution ? Pour l’heure, le Sénat ne semble pas tellement emballé par l’idée. La commission des Lois de la chambre haute, dominée par la droite, a en effet rejeté mercredi 12 octobre la proposition, portée par l’écolo Mélanie Vogel, d’inscrire le droit à l’IVG et à la contraception dans le marbre de la Constitution. La proposition avait été cosignée par 114 sénateur·trices mais la commission des Lois du Sénat a estimé, elle, qu’« une révision constitutionnelle ne s’impos[ait] pas ».
Ce qu’il se passe de l’autre côté de l’Atlantique, depuis le mois de juin, nous a pourtant mis la puce à l’oreille : l’avortement est un droit fragile. Même lorsqu’il est protégé par une loi. Et c’est d’ailleurs à la suite du revirement de la Cour suprême américaine – et pour ne pas subir un jour la même chose en France – que la sénatrice Mélanie Vogel avait déposé sa proposition de loi en juin, dans le sillon de celles déposées par la Nupes et par la majorité Renaissance à l’Assemblée. Dans un consensus politique suffisamment rare pour être souligné, les trois textes proposaient d’ajouter un article 66–2 à la Constitution, juste après celui interdisant la peine de mort.
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Pour expliquer son rejet, la commission des Lois a ajouté que « la démarche purement proclamatoire et symbolique, voulue par les auteurs du texte […], met[tait] au cœur de l’actualité un sujet sur lequel il n’y a[vait] pas de remise en cause ». C’est, hélas, voir le monde avec des œillères que de dire cela. Car la liste des pays où le droit à l’interruption volontaire de grossesse se réduit comme peau de chagrin, est longue. Depuis le mois dernier, les Hongroises qui souhaitent avorter devront écouter le battement de cœur du fœtus. Tandis qu’en Pologne, avorter est quasiment interdit aujourd’hui. Alors on radote, certes, mais on ne le dira jamais assez : le droit à l’avortement est friable. En voilà les dernières preuves.
En France, la loi Veil de 1975 – renforcée en janvier 2022 - garantit son accès jusqu’à la fin de la 14e semaine de grossesse. Certes, le droit à l’IVG n’est rejeté par aucun parti politique, et aucun juge ne peut l’abolir. Néanmoins, si une force conservatrice venait à prendre le pouvoir, il lui suffirait d’une majorité au Parlement pour le retirer. Il n’est donc pas futile de dire que ce droit fondamental à disposer de son corps a besoin d’être consolidé.
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Et maintenant ? La proposition de Mélanie Vogel sera examinée en première lecture au Sénat le 19 octobre dans le cadre d’une niche parlementaire du groupe écologiste mais devrait subir le même sort qu’en commission. Quant aux propositions de loi déposées par la Nupes et Renaissance, elles seront respectivement débattues les 24 et 28 novembre prochains à l'Assemblée.
Reste un espoir : que l’exécutif s’empare du sujet à travers un projet de loi. Dès lors, il suffirait d’un vote de la majorité des 3/5e des suffrages exprimés de l’Assemblée nationale et du Sénat réunis en Congrès. En janvier Emmanuel Macron défendait d’ailleurs le droit à l’Ivg devant le Parlement européen. Depuis, les États-Unis ont renversé l’arrêt Roe vs Wade, la Pologne et la Hongrie ont durci leurs lois.
« Préférons-nous mieux protéger le droit à l’avortement en l’ancrant dans la Constitution ou le laisser à la merci d’un simple changement de loi ? », s’est interrogée Mélanie Vogel sur Twitter, après le rejet de la commission des Lois. Une question dont la réponse, pourtant limpide, peine encore à trouver sa voie.
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