jean luc melenchon
Jean-Luc Mélenchon en 2013, lors d'une marche pour une VIe République (Pierre-Selim/Wikimedia Commons)

Est-​ce pos­sible d'inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution, comme le sou­haite Jean-​Luc Mélenchon ?

Depuis le scrutin présidentiel de 2012, Jean-Luc Mélenchon affirme vouloir inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution, afin de faire reconnaître « la pleine propriété de leur corps par les femmes ».

« Je voudrais que les libertés fondamentales de la personne humaine soient inscrites dans la Constitution. Par exemple, l'IVG ! » Invité en début de semaine de la « Matinale Spéciale présidentielle » de France Inter, Jean-Luc Mélenchon a égrené plusieurs de ses propositions, dont celle d'inscrire le droit à l'avortement dans ce texte fondateur du droit français.

« Qu'on arrête de rediscuter de ce sujet à chaque élection. Ou bien on reconnaît la pleine propriété de leur corps par les femmes, ou bien on pense que c'est une notion aléatoire », a justifié le candidat de La France insoumise (LFI). « Les femmes sont propriétaires de leur corps, elles et elles seules. Ni leur mari, ni leurs enfants, ni leur famille. C'est un droit fondamental [...] qui touche à la liberté la plus intime, la possession de soi. Monsieur Zemmour est contre ça, on croyait que c'était fini les idées pareilles », avait-il également expliqué en octobre dernier sur BFMTV.

Ce n'est pas la première fois que le chef de file de LFI fait état d'une telle idée. Déjà pour les deux précédents scrutins, de 2012 et de 2017, l'homme politique de 70 ans souhaitait inscrire dans le marbre cette avancée des droits des femmes, comme le rappellent cet article du Point de mars 2012 et ce texte issu du blog de Jean-Luc Mélenchon d'octobre 2016.

Une procédure possible mais difficile

Il est, en soi, possible d'un point de vue juridique de procéder à une révision de la Constitution, en respectant un certain nombre de règles de procédure contenues dans l'article 89 du même texte. Le président de la République doit, tout d'abord, faire voter un projet de révision au Parlement, donc obtenir l'accord de l'Assemblée nationale et du Sénat. Si le chef de l'État y arrive, il a ensuite deux possibilités. Soit réunir en Congrès, le même jour et à la même heure à Versailles, les députés et les sénateurs afin qu'ils adoptent définitivement le texte et la modification constitutionnelle. Soit opter pour la voie du référendum.

Il existe tout de même « une limite politique », souligne auprès de Causette Annabelle Pena, constitutionnaliste spécialisée dans le domaine des droits et des libertés. « Le Sénat a toujours été hostile à la reconnaissance d'un tel droit. Il pourrait bloquer ce projet dès le début. Ce n’est pas aussi facile que ça de l’inscrire à la Constitution », explique la juriste.

Lire aussi l Témoignages : treize personnalités brisent le silence sur leur avortement

Jean-Luc Mélenchon souhaiterait, de son côté, non pas modifier la Constitution, mais instaurer une VIe République avec un nouveau texte fondateur. Dans son programme, il affirme vouloir convoquer, dès son élection, un référendum afin de proposer aux Français·es de créer une Assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle Constitution, qui sera enfin soumise à référendum. Les droits à l'IVG mais aussi à la contraception et à « mourir dans la dignité » y seraient inscrits à cette occasion.

Inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution lui donnerait cependant « valeur constitutionnelle », ce qui signifie que le législateur « serait tenu de respecter ce droit » et « qu'aucune loi ne pourrait l'interdire », affirme Annabelle Pena. Mais cela ne signifie cependant pas qu'il deviendrait « intouchable », avertit la constitutionnaliste. Avant de préciser : « Aucun droit individuel n’a une portée absolue. Une fois garanti par la constitution, le législateur ne peut alors pas l'interdire, mais le limiter ou le restreindre s'il existe des raisons plausibles et légitimes. Nous avons, par exemple, le droit d’aller et de venir, mais pour autant, le pass sanitaire, et aujourd'hui le pass vaccinal, restreignent cette liberté. On considère qu’on peut la limiter en raison de la santé. »

Un reconnaissance symbolique importante

Selon l'universitaire, « la reconnaissance de la valeur constitutionnelle du droit de la femme d'avorter serait finalement symboliquement très forte et contraignante pour le législateur. » Pour Sarah Durocher, co-présidente du Planning Familial, « il s'agit d'un droit fragile, qui est toléré, mais pas totalement accepté. » « On l’a vu dans les récents débats sur l’allongement des délais ou dans des pays proches de nous, comme l'Espagne, la Hongrie ou la Pologne, poursuit-elle auprès de Causette. Même si, en France, on a une loi qui en cinquante ans a beaucoup progressé, des difficultés d'accès sont souvent remontées par les associations. L’inscrire dans la Constitution permettrait de dire : ''Ce droit-là, on n'y touche pas parce qu'il est essentiel et fondamental''. »

À la connaissance d'Annabelle Pena, aucun pays n'a encore modifié sa Constitution pour y faire figurer le droit à l'avortement. Causette n'a également trouvé aucune trace d'un État qui aurait appliqué la proposition de Jean-Luc Mélenchon. « C'est plutôt l'inverse de cette idée qui se produit », note la juriste. Le Honduras, par exemple, a durci l'année dernière sa Constitution, dans laquelle l'IVG était déjà interdite depuis 1982, afin de rendre quasiment impossible toute modification du texte, rapporte Le Monde. En Hongrie, si l'avortement est en soi légal, il est inscrit depuis 2018 dans la « loi fondamentale », qui a remplacé en avril 2011 la Constitution, que « la vie humaine est protégée dès le moment de la conception », relate l'Obs. La France pourrait-elle devenir le premier pays à inscrire le droit à l'IVG dans sa Constitution ? La réponse dans quelques mois.

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