Débattu dans la nuit de jeudi à vendredi, le texte des Républicains a bénéficié d'une entente avec les député·es de toute l'opposition. De son côté, le gouvernement dénonce une « loi au rabais » alors qu'une mission parlementaire est actuellement en cours sur le sujet.
À 41 voix pour et 40 contre, l'Assemblée nationale a voté dans la nuit du 1er au 2 décembre une proposition de loi déposée par le député Les Républicains (LR) Aurélien Pradié pour la création d'une juridiction spécialisée aux violences intrafamiliales. Étudié dans le cadre de la niche parlementaire LR, le texte du député du Lot Aurélien Pradié – qui brigue actuellement la présidence de son parti – a bénéficié du soutien du reste de l'opposition. Il vise à mettre en place des tribunaux jugeant les violences conjugales mais aussi celles commises sur les enfants.
Alors que des député·es de tout bord reprochaient au gouvernement une attitude d'« obstruction » à cause des longues prises de parole du ministre Éric Dupond-Moretti, accusé de vouloir faire jouer la montre pour ne pas procéder au vote, l'ensemble de l'opposition a décidé de supprimer tous ses amendements pour passer directement au vote. « Je crains que si la parole de monsieur le ministre n'est pas limitée, cela provoque des scènes tumultueuses car nous avons eu à vivre une niche parlementaire sabotée par le gouvernement et la majorité. Je ne voudrais pas que nos collègues Républicains subissent le même sort », a ainsi conspué l'Insoumis Antoine Léaument, rapporte Le Figaro. « Une manœuvre absolument détestable, qui plus est sur un sujet comme celui-ci, a abondé le rapporteur du texte. Vous faites tout pour que nous n’examinions pas ce texte parce que vous avez la trouille d’être battus. »
Le gouvernement se fait doubler la priorité
Selon la ministre à l'Égalité également concernée par cette proposition de loi, Isabelle Rome, le texte d'Aurélien Pradié constitue « une loi faite à la va-vite » et même « au rabais », a‑t-elle tonné dans l'hémicycle. Il y a quelques jours, la ministre donnait une interview à Causette dans laquelle elle affirmait être « très attachée à la notion de spécialisation des forces de l’ordre et des acteurs judiciaires sur les violences intrafamiliales », sans préciser pour autant si cette spécialisation devait prendre la forme de juridictions dédiées. Alors qu'une mission parlementaire est actuellement en cours pour étudier la question, l'initiative LR aurait « volé le débat » selon le garde des Sceaux. La mission parlementaire « aurait pu dire des choses intéressantes », a‑t-il déploré, arguant également que « ce texte est un danger, car il désorganise les juridictions ». « La vérité, surtout, c'est que la majorité ne souhaite pas donner le point à Pradié sur ce sujet », a glissé un élu de la majorité au Figaro.
S'inspirant du modèle espagnol en la matière, la proposition de loi précise que la juridiction associerait « les pouvoirs du juge civil et du juge pénal », en s’appuyant « sur des référents au sein de chaque parquet », rapporte Le Monde. Dans l'exposé des motifs de son texte, Aurélien Pradié détaille : en Espagne, « les résultats sont probants (le nombre de féminicides a baissé fortement depuis une quinzaine d’années en raison de plusieurs mesures caractéristiques) ». Et ajoute : « La juridiction spécialisée permet de juger vite, plus fermement et d’être saisie plus facilement par les victimes. Le déploiement effectif du bracelet anti‑rapprochement en phase préventive sera beaucoup plus large si notre pays est doté d’une telle juridiction. » Adoptée en première lecture, la proposition va désormais être transmise au Sénat, à majorité de droite.