Ce dimanche 21 janvier, plusieurs milliers de personnes participaient aux marches contre la loi immigration partout en France. Causette était présente dans la foule parisienne.
À l’appel de plus de deux cents personnalités, des marches contre la loi asile et immigration se tenaient ce dimanche 21 janvier partout en France. Selon le ministère de l’Intérieur, 75 000 manifestant·es étaient présent·es au rassemblement parisien. La CGT en dénombre, elle, 150 000. Dans la foule qui s’acheminait du Trocadéro aux Invalides, le rejet sans appel de cette nouvelle loi témoignait également d’une profonde colère envers les récentes décisions et déclarations du gouvernement.
Pour rappel, une version durcie de ce texte présenté par le gouvernement a été adoptée au Parlement le 19 décembre dernier avec le soutien de la droite (Les Républicains) et de l’extrême droite (Rassemblement national). Parmi les mesures répressives du texte final, on trouve le durcissement de l’accès aux prestations sociales, l’instauration de quotas migratoires, ou encore le rétablissement du “délit de séjour irrégulier”. Le Conseil constitutionnel a jusqu’au 26 janvier pour se prononcer sur la conformité de cette loi.
De l'importance de ce rassemblement
Salimatou, membre de SOS Racisme : “Je souhaite m’exprimer contre cette loi. Dans ma famille, des personnes ont immigré et ne sont pas encore régularisées. Si je me mobilise, c’est pour elles, parce qu’elles sont importantes pour moi, mais aussi parce qu’on est en France et qu’on est censé être le pays de l’égalité et du droit.”
Souad, membre de l’association Autremonde : “Cette loi est honteuse et ne va pas du tout avec les valeurs de la République. Ce n’est pas ce que je veux apprendre à mes enfants. J’aimerais que ce gouvernement soit en phase avec les valeurs que nous sommes censés leur inculquer. Ma fille m’a demandé comment ça se fait qu’à l’école, on lui apprend que tous les hommes naissent égaux et qu’en même temps, dans notre pays, une loi aussi discriminante existe. Cette loi montre aussi que le gouvernement – et pas forcément la population – est en train de rentrer dans des débats qui n’ont pas lieu d’être, des débats propres à une société qui met en place un régime d’extrême droite.”
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Convergence des luttes
De nombreuses associations, femmes et hommes politiques et représentant·es des médias étaient présent·es à la marche d’aujourd’hui. Les manifestant·es étaient issu·es de tous les pans de la population, uni·es contre la loi immigration. Un rejet de ces mesures gouvernementales qui cristallise aussi une colère plus grande et souligne plus que jamais la convergence des luttes.
Léa, membre de l’assemblée féministe Paris-banlieue : “On est là en tant que féministes, parce que la loi immigration est un vrai recul pour les droits des femmes. Beaucoup d’éléments de la loi touchent particulièrement les femmes [notamment en ce qui concerne le durcissement d’accès aux prestations sociales, ndlr]. C’est une loi islamophobe, qui s’attaque aux femmes musulmanes. Puis on est aussi là contre le gouvernement et les propos de Macron par rapport au ‘réarmement démographique’, qui sont également inquiétants pour les droits des femmes et le contrôle de la natalité. Il y a par ailleurs un relent de ‘grand remplacement’ dans ces propos, une sorte de discours identitaire qui nous ramène à la manifestation d’aujourd’hui.”
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Elud, manifestant·e : “Ce qui nous scandalise le plus, c’est la banalisation de l’extrême droite, c’est de voir la complaisance de l’État et des services publics en général. Le racisme qui émane de cette loi est horrible et très banalisé. Ces mesures sont un premier pas vers le fascisme et la suprématie blanche. En tant que personnes LGBT, on veut montrer qu’on est aux côtés des sans-papiers. Si on est trans, pédé ou gouine et qu’on n’est pas de leur côté, ça ne rime à rien.” Derrière Elud, des manifestant·es scandent entre autres : “Les papiers pour tous ou pas de papiers du tout.”
Michelle, membre de la Maison des femmes : “On est ici par solidarité, parce que c’est l’enfer, parce qu’on est en train de revenir à des choses que même moi – à l’âge que j’ai – je n’aurais pas imaginées. Déjà dans les années 85–88, on était énormément à soutenir les sans-papiers dans leur lutte. À l’époque, on a remporté des milliers de régularisations, notamment pour des femmes. Aujourd’hui, c’est terrifiant d’assister à ce recul. J’ai l’impression que les gens – que ce soit les vieux et vieilles militants et militantes comme nous ou les plus jeunes – s’habituent à devoir se mobiliser. Aujourd’hui au moins, il y a énormément de gens, plusieurs dizaines de milliers de personnes. Des vieux, des jeunes, des enfants. Ça, ça fait du bien.”
(Dés)espoir
Parmi les personnes interrogées par Causette, peu misent sur une décision du Conseil constitutionnel pour empêcher la promulgation de la loi immigration. Tous et toutes soulignent néanmoins l’ampleur du rassemblement de ce dimanche 21 janvier, signe d’une réaction massive de la population.
Une manifestante : “Je voudrais que le gouvernement soit dissous. Rien ne fait sens, rien n’est logique. Tout repose sur de la communication mais aucun acte derrière. En attendant, j’espère de tout mon cœur que la loi ne sera pas promulguée.”
Zacharie, manifestant : "Je n'attends rien de cette marche. C'est plutôt une question d'être présent et d'exprimer des revendications collectives. Résistance nationale plutôt que préférence nationale, voilà le message. C'est important de réaffirmer ensemble qu'on veut lutter contre l'extrême droite. Il y a plein de monde, c'est super. On sent qu'il y a un mouvement collectif."