Mercredi 8 décembre, France 2 diffuse Alcool au féminin, un documentaire de Marie-Christine Gambart qui donne la parole à des femmes luttant contre leur alcoolisme.
Le documentaire Alcool au féminin, diffusé ce 8 décembre sur France 2 dans le magazine Infrarouge, donne la parole à des femmes abstinentes ou non, qui racontent crûment leur aventure avec l’alcool. Comment elles y sont tombées, comment elles s’en sont sorties, ou comment elles luttent chaque jour pour sombrer le plus tard possible. Le film entremêle les témoignages et les consultations d’alcoologie, auxquels nous assistons dans le cabinet de Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre addictologue. Des consultations réservées aux femmes, car il existe bien des mécanismes et des difficultés spécifiques à l’alcoolisme au féminin. Causette a rencontré la réalisatrice d’Alcool au féminin, Marie-Christine Gambart.
Causette : En quoi l'alcoolisme des femmes et celui des hommes est-il appréhendé différemment dans notre société ?
Marie-Christine Gambart : Dès que j’ai commencé à travailler sur ce sujet, je me suis rendu compte que les discriminations faites aux femmes alcooliques reflètent parfaitement les discriminations que les femmes doivent subir en général. Elles sont donc différentes de celles que les hommes alcooliques affrontent. D’abord, on ne le reconnaît pas, le tabou qui pèse sur l’alcoolisme des femmes est très lourd, il est partagé par la société tout entière. On ne l’avoue pas aux proches, à la famille, même les médecins ont tendance à le minimiser, alors qu’on sait que 10% des cancers du sein sont dû à une consommation excessive.
Par ailleurs, alors qu’un homme qui boit sera considéré comme un bon vivant, un gars « qui fait des excès », une femme sera immédiatement cataloguée comme une « pochtronne », elle devient une proie, « une femme facile » et surtout, très vite, on lui reproche d’être forcément une mauvaise mère. Il faut avoir de la force pour supporter aussi ces discriminations-là.
La façon dont l’addictologue Fatma Bouvet de la Maisonneuve questionne ces femmes fait apparaître les traumatismes qui les ont fait plonger.
M.-C.G. : En effet, c’était important de montrer, grâce à ces témoignages, que ces femmes n’étaient pas des « déviantes », mais des personnes étranglées par l’addiction, par le poids des responsabilités et par des traumatismes multiples : abus sexuels, harcèlement… Une femme victime de violences sexuelles a 36 fois plus de risque de tomber dans la dépendance alcoolique au cours de sa vie. Fatma Bouvet de la Maisonneuve évoque le lien qu’elle établit entre l’alcoolisme et la question de l'intimité des femmes, dont on ne parle pas et qui pourtant est souvent au cœur des raisons de l’addiction.
Il y aurait aujourd’hui entre 500 000 et 1,5 million de Françaises à avoir une « consommation problématique d’alcool ». C’est un chiffre beaucoup plus élevé que par le passé. Avez-vous identifié les causes de cette accélération ?
M.-C.G. : L’une d’entre elles est clairement la charge mentale qui pèse sur les femmes. Ce perfectionnisme qui leur est constamment demandé, la volonté de mener à bien toutes ces vies qui font la leur, au boulot, à la maison, auprès des enfants, des parents âgés. On le voit d’ailleurs quand on observe le « profil » actuel de ces femmes : aujourd’hui la majorité des alcoolodépendantes sont très instruites, très diplômées. Ce sont des CSP +, elles viennent souvent des milieux des médias, de la santé, de l’enseignement… là où elles ont beaucoup de responsabilités et où il faut être meilleure en tout. L’alcool les aide à résister à cette pression de tous les instants.
Pour mon documentaire, je voulais absolument qu’il y ait des femmes de tout âge et de tout milieux. L’une d’entre elles vient d’une famille aristocrate, son témoignage est rare parce que précisément c’est un des milieux dans lequel le tabou est le plus vivace. Mais je voulais montrer comment toutes, à tout âge, partout, peuvent être touchées.
Dans ce sujet douloureux, malgré tout, les témoignages de celles qui s’en sont sorties sont particulièrement touchants. Vous avez découvert là de véritables communautés d’entre-aide ?
M.-C.G. : En effet, j’ai été surprise par le nombre d’associations, groupes d’entraide, de parole, de soutien, virtuels ou non, qui ont été créés par et pour les femmes. Pour mon film, celles qui témoignent l’ont d’abord fait pour aider les autres. Je ne sais pas si les hommes alcooliques ou anciens alcooliques tendent beaucoup la main à leurs frères, mais ce dont je suis sûre aujourd’hui, c’est que les femmes, elles, développent sur cette question une sororité débordante. Et rassurante.
Alcool au féminin, de Marie Christine Gambart diffusé mercredi 8 décembre à 22h55 dans le magazine Infrarouge sur France 2.
Pour aller plus loin : Les femmes face à l’alcool de Fatma Bouvet de la Maisonneuve, éditions Odile Jacob, 192 pages, 21.90 €
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