Fatiguées des gueules de bois, elles ont décidé d’arrêter l’alcool. Dans Jour zéro (L’Iconoclaste) et Sans alcool (Flammarion), Stéphanie Braquehais et Claire Touzard racontent leur cheminement vers la sobriété. Une décision à contre-courant des normes sociales, par laquelle elles se sont découvertes plus fortes. En plein mois du Dry January, Causette les a réunies pour une interview croisée.

Causette : Comment sortir de l’aveuglement social qui normalise l’alcool ?
Stéphanie Braquehais : C’est important de s’interroger sur les mots. Personnellement, j’ai du mal avec le terme « alcoolisme ». Il stigmatise les personnes qui ont arrêté de boire et il permet à celles qui continuent d’éviter de se poser des questions. C’est une catégorisation bien pratique pour que la zone grise au milieu – celles du « gros buveur », du « bon vivant »… – ne soit pas interrogée. Elle empêche de voir que nos relations sociales sont profondément codifiées par l’alcool. Dans les publicités, les repas familiaux, les retrouvailles entre amis, entre collègues… On nous propose de l’alcool toute la journée.
Claire Touzard : Objectivement, il existe une appli de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui évalue votre consommation. Mais plein de gens ignorent qu’ils sont dans le rouge. Ils ne se disent pas alcooliques, car ils se voient comme « jouisseurs du moment ». Ce qui est important, c’est de sonder à quel point ça assouvit une souffrance en nous. Ce qu’il faudrait, c’est proposer une autre image de la sobriété. La pop culture a fait de l’alcoolisme féminin quelque chose de cool. Sur les affiches, toutes les héroïnes qui incarnent une féminité moderne – je pense au film Bridesmaid ou à Amy Schumer – ont une bouteille à la main…
S. B. : Dans The Good Wife, le personnage principal se vide un ballon de vin tous les soirs, mais tout va bien ! L’image de la sobriété heureuse, calme et choisie n’existe pas. Quand on décide d’arrêter – c’est-à-dire non pas après avoir perdu mari, femme, enfant et chien à cause[…]