Bienvenue dans le dark Web, où il est pos­sible d'acheter du sperme pour une insé­mi­na­tion "mai­son"

Se pro­cu­rer du sperme sur Internet pour une insé­mi­na­tion « mai­son » est pas­sible de 30 000 euros d’amende et de deux ans de pri­son. Pourtant, en ligne, la manip semble très simple, à condi­tion d’écarter les don­neurs qui se croient sur Tinder…

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© Camille Besse

Quand j’ai « goo­glé » « sperme à domi­cile », le World Wide Web m’a d’abord mis un gros stop. « Le fait de pro­cé­der à une insé­mi­na­tion arti­fi­cielle par sperme […] pro­ve­nant de dons est puni de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende », m’a pré­ve­nue Légifrance. Mais, deux clics plus loin, je flir­tais déjà avec l’illégalité. Sur Facebook, notam­ment, on trouve une ribam­belle de groupes pour par­ta­ger ses demandes, ses offres de semence ou son témoi­gnage, dans le plus grand des calmes. « Votre don­neur a‑t-​il envoyé un bon volume de sperme ? Je n’ai qua­si rien eu », s’interroge une inter­naute. « Il a enrou­lé une seringue de sperme dans du papier et a sim­ple­ment mis un sac de gla­çons dans le colis », déplore Stéphanie, se deman­dant si le pro­cé­dé est « nor­mal ». Ça ne sen­tait pas très bon.

S’injecter le sperme avec une seringue

Heureusement, on m’informe que la crème de la crème (vous l’avez ?) se trouve plu­tôt du côté de Donneur natu­rel. Sur cet élé­gant forum ima­gé de gros sper­ma­to­zoïdes volants et où les femmes ont un pseu­do rose et les hommes un pseu­do bleu, 2 099 preux che­va­liers offrent de par­ta­ger leurs petites graines. Il existe trois méthodes, m’apprend le site. La « natu­relle », qui consiste en « un rap­port sexuel clas­sique avec un homme ». La « semi-​naturelle », pen­dant laquelle la péné­tra­tion inter­vient après que chacun·e se soit masturbé·e solo, « peu avant l’éjaculation », pour « écour­ter » le coït. Et l’« arti­sa­nale ». Celle-​ci n’est pas expli­quée. C’est Aude*, ex-​utilisatrice de 34 ans, qui éclaire ma lan­terne. « Il se mas­turbe, je récu­père le sperme et je me fais une insé­mi­na­tion avec une seringue. » Suffit de se pro­cu­rer « un pot sté­rile en phar­ma­cie », m’informe Camille*, une autre adepte. 

Je contacte une ving­taine d’hommes. Olivier, « grand blond aux yeux bleus », res­semble en fait à Cauet et approche les 50 balais, gage de fer­ti­li­té s’il en est. Pierre me ras­sure : chez lui, « tout fonc­tionne en bas ». Ouf ! Après le clas­sique échange de bana­li­tés, je pré­viens les wan­nabe-géni­teurs que « n’étant pas à l’aise avec la péné­tra­tion, je pré­fère la méthode arti­sa­nale ». Manière de tes­ter le niveau de gra­tui­té de leur geste. C’est la déban­dade. « La méthode natu­relle est plus effi­cace », tente de me convaincre Olivier. « Je bloque avec l’aspect médi­cal de la méthode arti­sa­nale », pleur­niche Christophe. Pléthore d’autres gent­le­men m’assurent que leur sou­hait le plus cher étant de m’aider à pro­créer, il me fau­dra pas­ser à la cas­se­role, puisque la méthode sans péné­tra­tion « est très aléa­toire ». Sur qua­rante dis­cus­sions, Camille m’indique que trois hommes l’ont accep­tée. Et « au moment du rendez-​vous, soit vous n’avez plus de réponse, soit il pré­texte un empê­che­ment, soit per­sonne ne vient ».

Je contacte un data­jour­na­liste pour cra­cker les don­nées du site et esti­mer l’arnaque. Il en res­sort que 55 % des don­neurs annoncent ouver­te­ment refu­ser de don­ner du sperme sans péné­tra­tion. L’asso Mam’en solo me confirme que c’est très fré­quent. Aude, qui a écu­mé les forums, aus­si. Parfois, même les don­neurs soi-​disant pro-​méthode arti­sa­nale changent de dis­cours au fil du temps et exercent une pres­sion. Et « cer­taines filles ont tel­le­ment envie d’un bébé qu’elles cèdent au chan­tage », relate-​t-​elle. « Des hommes déclarent aus­si l’enfant der­rière leur dos », ajoute Mam’en solo.

Quelques belles his­toires existent. Jasmine a trou­vé pénis à son pied sur Facebook. Un « spor­tif ave­nant qui bos­sait dans les assu­rances ». Elle l’a vu « deux fois par mois pen­dant trois mois » dans un hôtel (méthode natu­relle 100 % consen­tie), avant d’être enceinte. Le petit a 2 ans. Il n’empêche. Le dark Web du sperme porte bien son nom.


Copapa, où t’es ? 

Les annonces peuvent faire pen­ser à celles que l’on trouve sur les sites de ren­contres. Sauf qu’il ne s’agit pas de déni­cher l’âme sœur, mais le meilleur des édu­ca­teurs. Après tout, pas besoin de s’aimer pour par­ta­ger les devoirs et les sor­ties au parc ! Sur le forum de Co-​Parents, l’un des sites consa­crés au sujet à l’instar de Coparentalys, on trouve toutes sortes de recherches de paren­ta­li­té par­ta­gée. Comme celle de Marine, 31 ans : « Le pro­jet de deve­nir maman est de plus en plus pré­sent en moi. Le temps passe et je me dis que, si je ne fais pas le néces­saire, je n’aurais jamais la joie de connaître la mater­ni­té », a‑t-​elle écrit au mois de décembre. Sept hommes lui ont déjà fait part de leur inté­rêt de prin­cipe, comme Marius, 34 ans. « Mon envie de pater­ni­té est si forte que je ne peux attendre cet amour soi-​disant néces­saire et qui n’arrivera peut-​être jamais, plaide-​t-​il sur le fil de dis­cus­sion. Si une femme a la même envie, je suis prêt à répondre à toutes les ques­tions afin de réa­li­ser un rêve commun. »

À l’origine, ce sont sur­tout les couples gay et les­biens qui ont opté pour cette solu­tion afin de créer une famille. Les céli­ba­taires y ont aus­si recours, désor­mais, pour enga­ger une rela­tion pla­to­nique cen­trée autour de l’éducation d’un enfant. Attention, pour deve­nir le copa­pa offi­ciel, il faut que le géni­teur recon­naisse l’enfant à sa nais­sance. « En matière de filia­tion, les choses sont assez simples, rap­pelle l’avocate en droit de la famille Caroline Mecary. La mère sera celle qui aura accou­ché et le père, celui qui aura recon­nu l’enfant. » Tiphaine Thuillier


Paye ton coach

La fer­ti­li­té est un busi­ness, le plus sou­vent non rem­bour­sé : l’offre nais­sante est déjà plé­tho­rique, entre yoga de la fer­ti­li­té, natu­ro­pathes, dou­las et psys spé­cia­li­sés en PMA. Au Danemark, Helene Jakobsen a sui­vi une for­ma­tion en ligne de six mois et fac­ture entre 40 et 400 euros la séance : elle pro­pose aux mères solos accom­pa­gne­ment indi­vi­duel, aide pour le choix du don­neur, conseils en matière de tech­niques repro­duc­tives et de logis­tique pré­na­tale. En France, Bijou Bulindera exerce une acti­vi­té de coach béné­vole et négo­cie, via sa page Facebook « Concevoir en solo », des réduc­tions avec cer­taines cli­niques. C. G.

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