Mobilisation des agriculteur·rices, courrou de la FNSEA, débat annulé, contre-Salon de la Confédération paysanne… ce samedi, la visite d’Emmanuel Macron au Salon de l’Agriculture s’annonce labourieuse.
Le Salon de l’Agriculture ouvrira à nouveau ses portes ce samedi 24 février. Un rendez-vous annuel dont cette édition 2024 est placée sous le signe de la colère des agriculteur·rices, dans le sillage des mobilisations de ce début d’année. Des tracteurs sont arrivés à Paris ce vendredi, emmenés d’une part par la Coordination rurale jusqu’aux Invalides, et de l’autre par les syndicalistes des Jeunes Agriculteurs (JA) et de la FNSEA, selon Le Parisien. Ces derniers “veilleront toute la nuit jusqu’à l’arrivée du président de la République” devant le parc des expositions de la Porte de Versailles – où doit s’ouvrir demain le Salon – déclare la FNSEA. Emmanuel Macron est attendu samedi pour une visite de l’événement, ainsi qu’un grand débat avec le monde agricole, un format inédit censé répondre à la crise ouverte entre le monde agricole et le gouvernement… Mais qui aura entraîné un véritable drama dans une France un brin sous tension.
Acte 1 – Les syndicats agricoles refusent de débattre avec les “écoterroristes” des Soulèvements de la terre
Ce long débat d’ouverture doit réunir le président de la République et les représentant·es des syndicats paysans, les industriels de l’agroalimentaire et les distributeurs. Une initiative qui n’aura peut-être finalement pas lieu. En cause ? La supposée présence à ce débat des représentant·es du mouvement des Soulèvements de la terre.
Jeudi soir, Arnaud Rousseau, président de la FNSEA a commenté cette annonce sur X (ex-Twitter) et fait savoir qu’il ne souhaitait plus participer : "L’invitation par le PR [président de la République, ndlr] au #SIA d’un groupuscule dont la dissolution a été demandée par son propre gouvernement est une provocation inacceptable pour les agriculteurs. J’avais accepté de participer à un débat. Dans ces conditions, je refuse de prendre part à ce qui ne sera qu’une mascarade.” En juin dernier, le ministère de l'Intérieur avait indiqué dissoudre le mouvement des Soulèvements de la terre – qualifié d’“éco-terroriste” par Gérald Darmanin –, avant que le Conseil d’état retoque cette dissolution le 9 novembre. Informé de la présence supposée du collectif écologiste lors de cette discussion avec le chef de l’État, le président des Jeunes Agriculteurs, Arnaud Gaillot, a confirmé sur RTL vendredi qu’il n’irait “pas au débat” non plus.
Acte 2 – Macron retire une invitation que les Soulèvements ne comptaient pas honorer
Alors que ses invités se décommandaient de toute part, l’Élysée a assuré dans un tweet publié ce vendredi que les Soulèvements de la terre n’ont “été ni conviés ni contactés” et qualifie l’annonce de la présence du collectif d’“erreur”. Malgré cette clarification, les syndicats ne réintégreront pas le débat de demain. “On dirait que le Conseil d’État vient finalement d’annuler la décision d’Emmanuel Macron d’inviter les Soulèvements de la terre au débat. On marche définitivement sur la tête…”, a commenté le mouvement des Jeunes Agriculteurs sur X. Les Soulèvements de la terre ont pour leur part dénoncé une “pression” exercée par Arnaud Rousseau sur le président de la République. “Qu’il soit rassuré : nous n’aurions pas participé à cette supercherie, mais merci pour le spectacle !”, conclut le collectif.
Acte 3 – Macron annule tout et la contre-soirée s’organise loin de l’agro-industrie
De son côté, la Confédération paysanne fustige un “sketch” qui “détourne l’attention du sujet principal qui est celui du revenu des agriculteurs” auprès de France Info. Sa porte-parole, Laurence Marandola, confirme à Causette que le mouvement paysan est bien convié au débat prévu samedi, mais “décidera dans les heures qui viennent” de s’y rendre ou non. Pour l’heure, “on a refusé de fournir trente noms” de représentant·es de la Confédération pour y participer, affirme Laurence Marandola. La porte-parole dénonce l’organisation de cette initiative du président de la République, affirmant auprès de Causette : “Un grand débat avec cinq cents invités, ce n’est pas du dialogue.” La Confédération paysanne “n’attend rien [de ce débat, ndlr], la forme ne le permet pas”, reproche-t-elle.
Le syndicat a également d’autres préoccupations. En partenariat avec la Fadear (réseau de l’agriculture paysanne) et les Ami·es de la Confédération paysanne, il organise en effet la quatrième édition du Salon à la ferme, sorte de contre-soirée du Salon de l’Agriculture. L’événement prend la forme de visites et activités dans de nombreuses fermes à travers la France et se tient actuellement du 15 au 25 février. Le thème cette année est la “souveraineté alimentaire”, un “concept altermondialiste […] largement récupéré par les tenants du système productiviste et libéral”, selon un communiqué de la Confédération paysanne. Cette dernière compte porter “haut et fort la souveraineté alimentaire, dans sa définition basée sur la garantie du revenu paysan, la rupture avec le libre-échange, la protection et la répartition du foncier agricole, la démocratie alimentaire, la solidarité internationale et la transition agroécologique”. Une alternative donc au Salon de l’Agriculture qui s’ouvre demain et une opportunité de quitter la ville, à l’heure où les agriculteur·rices de la Coordination rurale allument des barbecues aux Invalides.
Que restera-t-il de cette édition 2024 du grand raout de l'agriculture dans ce contexte de défiances à tout-va ? En fin d'après-midi, on apprenait la pure et simple annulation du grand débat annoncé en fanfare la veille. Il faut dire que le président de la République ne pouvait pas se permettre de débattre seul face à lui-même.