four children standing on dirt during daytime
©Ben Wicks

Adoption : les craintes des asso­cia­tions face à la réforme Limon

La loi Limon, exa­mi­née depuis le 17 jan­vier à l’Assemblée en seconde lec­ture, sus­cite de nom­breuses craintes dans le milieu asso­cia­tif de l’adoption. 

Ouvrir l’adoption aux couples non mariés, abais­ser l’âge mini­mal requis pour les parents et faci­li­ter l’adoption des enfants délaissé·es. Tels sont les objec­tifs de la réforme Limon exa­mi­née par l’Assemblée natio­nale en seconde lec­ture depuis le 17 jan­vier. La pro­po­si­tion de loi, por­tée par la dépu­tée LREM Monique Limon et sou­te­nue par le gou­ver­ne­ment, vise à « faci­li­ter et sécu­ri­ser l’adoption » en par­tant du constat qu'aujourd’hui, peu d’enfants par­mi celles et ceux qui ont le sta­tut de pupille de l’Etat sont placé·es en vue d’une adop­tion. Pour y remé­dier, la loi Limon sou­haite notam­ment l'ouverture de l’adoption aux couples pac­sés et aux concubin·es. Actuellement seuls les couples mariés et les céli­ba­taires peuvent candidater. 

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Supprimer le « consen­te­ment à l’adoption » 

Une pro­po­si­tion de loi qui sus­cite depuis le départ les craintes et les inquié­tudes les plus vives de la part des asso­cia­tions d’adoption. Car si l'ambition est de « dérin­gar­di­ser » l'adoption selon les mots de Monique Limon, l'une des mesures – abro­gée par le Sénat en pre­mière lec­ture – serait un véri­table retour en arrière selon les asso­cia­tions. L’article 13 du texte ambi­tionne en effet de sup­pri­mer la facul­té pour les parents bio­lo­giques de consen­tir à l’adoption de leur enfant si ce ou cette dernier·ère a moins de deux ans. Cette mesure, pré­sen­tée comme une sim­pli­fi­ca­tion admi­nis­tra­tive, a fait l’objet d’une levée de bou­clier dans le milieu asso­cia­tif car elle pié­ti­ne­rait un droit fondamental. 

« Le consen­te­ment à l’adoption est par­fois le seul acte de pro­tec­tion que ces parents peuvent faire pour leur enfant, et sa por­tée a du sens pour l’adopté qui vou­drait com­prendre son his­toire », alerte en ce sens, la plus grande fédé­ra­tion d’adoptant·es, Enfance et familles d’adoption (EFA), dans les colonnes du Figaro. « On a repro­ché aux adop­tions à l’étranger d’avoir, autre­fois, trop sou­vent fait l’impasse sur le consen­te­ment éclai­ré des parents bio­lo­giques. Aujourd’hui, on s’apprête à se pas­ser de ce consen­te­ment en France ? C’est du grand n’importe quoi », a de son côté lan­cé Marc Lassere, le pré­sident du Mouvement pour l’adoption sans fron­tières (MASF) qui regroupe huit asso­cia­tions de parents adoptif·ves.

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Autre point de mésen­tente : un article de la pro­po­si­tion de loi ayant pour objet d'interdire aux Organismes auto­ri­sés pour l’adoption (OAA) de recueillir des enfants français·es et de leur trou­ver une famille. Avec la loi Limon, l’adoption ne pour­rait donc plus pas­ser que par les ser­vices publics de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). « On peut par­ler d’étatisation de l’adoption », sou­ligne la magis­trate Marie-​Christine Le Boursicot au Figaro. Une inquié­tude d’autant plus forte que cer­tains OAA se sont fait une spé­cia­li­té de trou­ver des familles pour des enfants en situa­tion de han­di­cap. « Combien d’enfants à par­ti­cu­la­ri­té en attente d’adoption vont encore être pri­vés de famille ? inter­roge Clothilde Noël, mère adop­tante et fon­da­trice de l’association Tombée du nid dans Le Figaro. Nous avons adop­té notre fille Marie, por­teuse d’une tri­so­mie 21, en 2013, grâce à la média­tion d’un OAA. »

Fin des adop­tions indi­vi­duelles à l’international

Une troi­sième pomme de la dis­corde concerne, elle, l'adoption à l'international, alors que son nombre ne cesse de chu­ter d’année en année, beau­coup de pays pri­vi­lé­giant désor­mais l’adoption natio­nale. Les asso­cia­tions dénoncent la mesure de la pro­po­si­tion de loi visant à mettre fin à l'adoption inter­na­tio­nale par démarche indi­vi­duelle, uni­que­ment per­mise dans les pays n’ayant pas rati­fié la conven­tion de La Haye. Avec la loi Limon, il ne sera plus pos­sible pour des candidat·es à l’adoption de se rendre sans l'aide d'un OAA dans les pays d’origine des enfants pour les recueillir. En cause notam­ment, les poten­tielles dérives que les adop­tions indi­vi­duelles sans pas­ser par des orga­nismes agréés produisent. 

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Or, dans les pays qui n’acceptent pas de tra­vailler avec des orga­nismes auto­ri­sés à l’adoption (OAA), « seules ces démarches indi­vi­duelles per­mettent de recueillir des enfants en attente d’une famille » aver­tit Marc Lasserre, pre­nant dans Le Figaro l’exemple de l’Ukraine. « Les adop­tions indi­vi­duelles sont les seules auto­ri­sées dans ce pays. […] En paral­lèle, une cir­cu­laire du minis­tère de la Justice demande au consu­lat fran­çais de Kiev de don­ner un visa ou un pas­se­port aux Français qui ont réa­li­sé une GPA en Ukraine, pour qu’ils puissent ren­trer chez eux avec l’enfant né d’une mère por­teuse ! C’est ubuesque. On abou­ti­rait au para­doxe de pou­voir reve­nir d’Ukraine avec un enfant conçu par GPA, pra­tique pro­hi­bée en France, mais de ne pas pou­voir adop­ter un enfant dans ce pays. »


Une nou­velle navette 

Cette pro­po­si­tion de loi fait suite au rap­port « Vers une éthique de l’adoption, don­ner une famille à un enfant » rédi­gé en 2019 par la dépu­tée LREM Monique Limon avec la séna­trice LR Corinne Imbert. Adoptée en pre­mière lec­ture par l’Assemblée natio­nale en décembre 2020, la pro­po­si­tion de loi avait ensuite été adop­tée par le Sénat en octobre 2021. La com­mis­sion mixte pari­taire n’ayant pas trou­vé d’accord début novembre sur une ver­sion com­mune du texte, une nou­velle lec­ture de la pro­po­si­tion de loi par les deux chambres a donc lieu à par­tir de ce 17 janvier. 

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