Les expérimentations locales de sécurité sociale de l’alimentation (SSA) essaiment un peu partout en France. La création de monnaies alimentaires, ou encore d’un système de prix solidaires, rencontre un intérêt croissant de la part de citoyen·nes désireux·euses de participer à un autre type de modèle économique, social et agricole.
Une initiative, portée par un maraîcher, a vu le jour fin 2021 sur un marché de Dieulefit, dans la Drôme provençale et a duré deux ans. Des producteur·rices du marché du Lavoir affichaient un “prix solidaire” (125 % du prix “juste” pour le producteur), un “prix accessible” (65 % du prix juste) et un prix standard. Environ quatre cents foyers faisaient leurs courses avec le système “trois prix”, à l’équilibre économique, selon le collectif “Vers une SSA à Dieulefit et alentour”.
Ce dernier travaille aujourd’hui à la création d’une caisse alimentée par des cotisations, chacun·e participant selon ses moyens. Une allocation mensuelle sera ensuite versée, la même pour tous et toutes, à dépenser dans des points de vente conventionnés selon des critères définis par des citoyen·nes. “La cotisation permet de se rapprocher de la notion de droit à l’alimentation”, souligne Raphaëlle Anginot, coordinatrice de l’initiative, avec des notions de qualité et de hoix qui ne sont pas abordés dans l’aide alimentaire.
Une "caisse alimentaire commune" à Montpellier
Le projet, piloté localement par la Fédération régionale des Civam (centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural) d’Occitanie et soutenu par vingt-cinq associations, a vu le jour en février 2023. Les quelque 350 “expérimentateurs” cotisent selon leurs moyens et reçoivent tous 100 euros, sous la forme d’une “monnaie alimentaire” numérique (monA), qui peut être dépensée dans une cinquantaine de lieux (vente directe, marchés, épiceries bio et locales). “Le montant de la participation se base sur une relation de confiance. Mais il est plus élevé que ce qu’on attendait”, indique Marco Locuratolo, responsable montpelliérain des Civam.
La caisse est ainsi financée à 60 % par les cotisations des participant·es, “d’un montant moyen de 60 euros”, le reste étant pris en charge par la Ville, la métropole et une fondation privée. La phase initiale d’expérimentation devait durer un an, mais le bon état de ses finances lui permettra de fonctionner “jusqu’à la fin de l’été”, soit une durée totale de dix-huit mois, affirme Marco Locuratolo.
En Gironde, une SSA pour urbains et ruraux
Depuis le mois d’avril 2024 et durant un an, quatre cents Girondin·nes tiré·es au sort expérimentent l’accès à une SSA. La particularité de ce projet est qu’il mêle des territoires ruraux et urbains, dont deux quartiers populaires de Bordeaux. Portée par le département de la Gironde et la ville de Bordeaux, l’expérimentation est coordonnée par l’association Acclimat’Action. Pour Jean-Luc Gleyze, président socialiste du département, c’est une manière de “repenser toute la chaîne de valeur de l’alimentation, de la terre à l’assiette”. “Et une volonté affirmée de donner aux citoyens le moyen de reprendre leur autonomie sur la décision alimentaire”, abonde le maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic.
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La cotisation, libre, est de minimum 10 euros mensuels par participant·e, qui, en retour, bénéficie d’une allocation de 150 euros sous la forme d’une monnaie numérique alimentaire (MonA), à dépenser dans des points de vente conventionnés. Pour chaque membre supplémentaire de son foyer, la contribution est de 5 euros minimum pour une allocation fixe de 75 euros. Le budget alloué à cette expérimentation de caisse commune est de 534 000 euros, financé à 40 % par les cotisations. Le reste provient de subventions publiques et de donations privées.