Le Selam, la structure qui verse les éventuelles réparations financières de victimes de pédocriminalité dans l’Église, vient d’indemniser six premières personnes. D’autres indemnisations devraient survenir au cours de l’été.
C’est un premier acte concret très attendu pour les victimes. Mis en place par l’épiscopat en juillet 2021, dans le sillage du rapport Sauvé révélant en octobre l'ampleur de la pédocriminalité dans l'Église depuis 1950, le fonds Selam (Fonds de solidarité et de lutte contre les agressions sexuelles sur mineurs) vient de verser ses premières indemnisations. Elles concernent six premières victimes, a rapporté samedi Le Journal du Dimanche.
L’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), chargée des réparations pour les faits de pédocriminalité dans les lieux d’Église autres que les instituts et congrégations, expertise depuis mi-janvier chacun des 736 dossiers qu’elle a reçus afin de déterminer, le cas échéant, le montant de l’indemnisation financière que le fonds Selam versera aux victimes. Pour cela, elle a établi sept paliers, en fonction de la gravité des cas, selon trois axes, qui vont chacun de un à dix. La première échelle évalue la gravité des faits de violences sexuelles, la deuxième mesure la gravité des « manquements » de l’Église par rapport à ces faits tandis que la troisième évalue « la gravité des conséquences sur la santé » physiques, mentale et sociale des victimes.
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Pour François Devaux, ancien président de l’association de victimes La parole libérée, ces paliers d’indemnisation sont, sur le plan théologique, « un naufrage ». « On ne rachète pas des fautes aussi graves en nivelant par le bas le préjudice des victimes, et en mettant en place des commissions qui travaillent dans l’opacité », a‑t-il déclaré auprès de France Info, faisant référence à l’Inirr et à la Commission renaissance et réparation (CRR) qui traite les cas de pédophilie au sein des congrégations et des instituts catholiques.
Début juin, plusieurs collectifs de victimes avaient en effet regretté la lenteur à laquelle avancent, selon eux, les dossiers six mois après le dépôt des premières demandes. « Je ne connais aucune victime qui soit au courant de comment s’organisent ces instances », a déploré François Devaux. La présidente de l’Inirr, Marie Derain de Vaucresson, avait précisé en juin devant la presse que la structure avait déjà statué à l’époque sur dix dossiers avant qu’ils ne soient ensuite transmis au Selam.
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Les montants versés aux six premières victimes sont restés confidentiels, mais peuvent aller jusqu'à 60 000 euros maximum. Marie Derain de Vaucresson avait évoqué en juin des montants allant de 8 000 à 21 000 euros pour ces premiers dossiers.
En parallèle de l’Inirr qui traite les cas de pédophilie hors congrégation, la CRR, chargée d’évaluer le préjudice des victimes au sein des congrégations et instituts catholiques, a dévoilé en avril son barème, s’échelonnant lui aussi sur sept niveaux allant de 5 000 euros à 60 000 euros. Pour l’heure, aucune indemnisation des 300 victimes ayant pris contact avec la CRR n’a été rendue publique.
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Quant à l’Inirr, d’autres indemnisations devraient survenir au cours de l’été. France Info précise qu’à ce jour, le fonds Selam dispose d’une enveloppe de vingt millions d’euros provenant de l’Église, de certains évêques et de donateur·rices privé·es. Cette enveloppe devrait en outre servir au financement de la première année d’un diplôme universitaire (DU) « abus et bientraitance ». Il sera mis en place à la rentrée par l’Institut catholique de Paris pour mieux former les personnes d’Église à la prévention et la lutte contre les abus.
Pour rappel, le rapport Sauvé, du nom de Jean-Marc Sauvé, président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (Ciase), a estimé à 216.000 le nombre de mineur·es victimes d'abus sexuels de clercs ou religieux depuis 1950.