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© Capture d'écran Street View

Paris : à l'école hôte­lière Vatel, les étudiant·es en grève contre le har­cè­le­ment sexuel des professeurs

Une pro­mo­tion entière d'étudiant·es en mana­ge­ment hôte­lier de la célèbre école hôte­lière pari­sienne Vatel est en grève depuis trois semaines. Ces dernier·ères réclament, en vain, des expli­ca­tions à la direc­tion du groupe lyon­nais sur la ges­tion de pro­fes­seurs du res­tau­rant d’application pari­sien aux com­por­te­ments problématiques.

Depuis le 27 mars, la soixan­taine d'élèves de troi­sième année de Bachelor de l'école hôte­lière Vatel dans le 17e arron­dis­se­ment de Paris sont en grève, refu­sant d'aller en cours de cui­sine. Les étudiant·es entendent dénon­cer le com­por­te­ment de cer­tains pro­fes­seurs du res­tau­rant d'application ouvert au public, qui sont accu­sés de tenir des pro­pos homo­phobes, d’insulter les élèves et d’être à l’origine de har­cè­le­ment sexuel. Les élèves reprochent éga­le­ment à la direc­tion de l'école son « inac­tion ».

Vatel est le 1er groupe mon­dial de l'enseignement du mana­ge­ment de l'hôtellerie. Il se com­pose de 52 écoles dans 32 pays et dégage un chiffre d'affaires de 90 mil­lions d'euros par un, détaille Ouest France. Un groupe qui mise sur l’« esprit Vatel » incul­quant à ses 42.000 diplômé·es des valeurs de « savoir-​faire » et « savoir-​être », pré­cise le quotidien.

Mais selon une enquête du site d'investi­ga­tion Mediacités, publiée il y a un mois, en 2020 déjà, 141 étudiant·es avaient signé une tri­bune adres­sée au fon­da­teur de Vatel, Alain Sebban, fai­sant état de « dys­fonc­tion­ne­ments » dans l'école, dont « le mépris et le manque de res­pect du per­son­nel enca­drant ». Transmise au direc­teur géné­ral de l'école pari­sienne, son fils Dov Sebban, la direc­tion du groupe lyon­nais a main­te­nu en poste les ensei­gnants et n’a pas don­né de réponse à cette lettre, explique le média d'enquête.

Des témoi­gnages choquants 

Parmi ces étudiant·es en colère, Sarah1, intor­ro­gée par Ouest France, est reve­nue sur ce qu’elle a vécu pen­dant sa pre­mière année à l'école.  « On nous criait des­sus tous les jours, on me disait "Tu n'es qu'une merde". Le matin je pleu­rais, j'en vomis­sais le soir tel­le­ment j'étais angois­sée », a racon­té la jeune fille au quo­ti­dien. Une autre élève, Marine1, elle, se sou­vient que dès sa pre­mière semaine à Vatel Paris pen­dant l'automne 2020, elle a reçu « des mains der­rière le dos, des caresses sur les bras » du chef pâtis­sier. Elle a expli­qué au quo­ti­dien avoir aler­té la direc­tion sur les « gestes inap­pro­priés avec les élèves » de ce pro­fes­seur, mais celle-​ci « n'a jamais don­né suite ». Ces deux élèves ont éga­le­ment pré­ci­sé au jour­nal que durant leurs années de sco­la­ri­té elles ont « sou­vent récu­pé­ré des filles de pre­mière année en pleurs, qui n'en pou­vaient plus », cibles de « pro­pos obs­cènes chu­cho­tés à l'oreille » et de « coups de spa­tules sur les fesses » de la part du chef pâtissier.

Les élèves interrogé·es par le quo­ti­dien ont rap­por­té que deux autres chefs, celui du ser­vice du midi et celui du soir, ont éga­le­ment un « com­por­te­ment violent ». D'après une élève de l'école, « ils perdent beau­coup leur sang froid, ils insultent les élèves, leur disent qu'ils ne servent à rien, qu'ils ne réus­si­ront jamais », cite Ouest France. « Un jour, l'un d'eux pose sa cas­se­role brû­lante sur ma main. Je le regarde et je lui dis "tu m'as lit­té­ra­le­ment brû­lée". Il me fait "Oui" […] après j'ai fait la gueule et il a fini par s'excuser », a‑t-​elle conti­nué de racon­ter selon le quo­ti­dien, avant de pré­ci­ser : « Et je suis loin d'être la seule à avoir été ain­si brû­lée ».

Mise en place d'un dis­po­si­tif d'alerte

Au début de la grève, le direc­teur géné­ral de l’école, Dov Sebban, a assu­ré dans un cour­rier aux élèves daté du 27 mars, n'avoir été infor­mé pour la pre­mière fois qu'en mai 2022 que « des étu­diants accusent deux ensei­gnants de pro­pos et gestes dégra­dants » et a affir­mé avoir « pris des mesures à leur encontre », rap­porte le quo­ti­dien. Ces deux ensei­gnants, « un chef de cui­sine et un chef pâtis­sier », ont « fait l'objet de sanc­tions dis­ci­pli­naires consi­gnées dans leur dos­sier », qui doivent res­ter confi­den­tielles, a indi­qué Dov Sebban au jour­nal. Et ils n'ont depuis « pas fait l'objet de nou­velle alerte en interne », a‑t-​il attes­té au quotidien. 

La grève s'étant pour­sui­vie au-​delà d'une semaine, le direc­teur géné­ral de l’école a, dans un deuxième cour­rier daté du 5 avril, admis des « faits incon­tes­ta­ble­ment inac­cep­tables » et annon­cé faire appel à « des consul­tants exté­rieurs » pour mettre en place un « dis­po­si­tif d'alerte et de prise en charge d'éventuels risques psycho-​sociaux », détaille le quo­ti­dien. Ce der­nier sera opé­ra­tion­nel en sep­tembre 2023, a pré­ci­sé la direc­tion selon Ouest France.

De leur côté, les syn­di­cats ont annon­cé sou­tien­nir les élèves. Jean-​Virgile Crance, pré­sident du syn­di­cat patro­nal GNC (Groupement natio­nal des chaînes hôte­lier) a esti­mé, selon le quo­ti­dien, que « si cette situa­tion est avé­rée, elle est into­lé­rable » avant d'affirmer que « tous ceux qui œuvrent dans la for­ma­tion des jeunes recrues de nos métiers se doivent d'être exem­plaires ». Le pré­sident du syn­di­cat patro­nal des indé­pen­dants de l'hôtellerie-restauration (GNI), Didier Chenet, a pour sa part « condam­né avec la plus grande fer­me­té ce genre de com­por­te­ments », rap­porte encore Ouest France et a garan­ti que des référent·es ont été nommé·es dans l'école pari­sienne pour empê­cher « toute forme de dis­cri­mi­na­tion et de har­cè­le­ment ». Les étudiant·es espèrent, eux et elles, avec cette grève obte­nir un entre­tien avec le direc­teur géné­ral de l’école, Dov Sebban, ain­si que les pro­fes­seurs mis en cause.

À lire aus­si I Tohu Bahut, Ep 5 : « J’ai pris dix minutes de mon cours pour leur apprendre que les remarques sexistes sont répré­hen­sibles par la loi »

  1. le pré­nom a été modi­fié[][]
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