Selon des récentes informations de Mediapart, un protocole entériné cet été par le parquet de Paris prévoit que les viols conjugaux ne seront plus traités par la police judiciaire parisienne mais par les commissariats. Dans un communiqué envoyé à Causette, le Collectif français contre le viol conjugal réagit et dénonce « la gravité d'une telle décision ».
Fin novembre, Mediapart révélait que le parquet de Paris, la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) et la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP) avaient entériné en juillet un nouveau protocole sur le traitement judiciaire des viols conjugaux. Selon le média d’investigation, ce dernier prévoit qu’à Paris, les viols « commis dans un contexte conjugal » seront désormais traités par les commissariats et non plus par la police judiciaire. Cette dernière traite donc désormais uniquement les viols commis hors du contexte conjugal.
Mediapart rappelle que jusqu’à présent – et depuis 2006 -, lorsqu’une personne déposait plainte dans un commissariat parisien pour des violences conjugales, dont des violences sexuelles, les brigades criminelles de la police judiciaire se saisissaient automatiquement de cette partie de l’enquête tandis que les brigades locales de protection de la famille s’emparaient elles des violences physiques et psychologiques. C’est donc pour harmoniser le traitement judiciaire et éviter à la plaignante de devoir répéter son histoire à plusieurs services que le parquet de Paris a entériné ce protocole. « Les parquetiers ont déploré ce découpage, et cette multiplication d’interlocuteurs dans un domaine sensible et pour lequel le lien de confiance, coûteux à établir au début, est fastidieux à réitérer pour la victime avec chaque nouvel acteur », avait indiqué le parquet de Paris auprès de Mediapart pour expliquer sa décision.
« Retour en arrière »
Pour le Collectif français contre le viol conjugal (CFCVC), constitué en juillet dernier pour sensibiliser la société au consentement dans le couple et en finir avec la notion de « devoir conjugal », ce protocole signifie au contraire « un retour en arrière inquiétant ». Dans un communiqué envoyé à Causette, le collectif regrette qu’à Paris, « lorsqu’un viol est conjugal, il n’est plus pris en charge par la police judiciaire malgré son caractère criminel ». Le CFCVC explique que cela risque d’accroître au contraire « l’inégalité de traitement entre les viols conjugaux et ceux commis hors cadre conjugal ». Auprès de Mediapart, le Syndicat de la magistrature craint de son côté une « dégradation » de la réponse judiciaire : « Décider ab initio que telle catégorie de viols ne va pas mériter l’expertise et les moyens de la police judiciaire est problématique ».
Alors qu’en France, la moitié des viols sont conjugaux, le collectif français contre le viol demande « l’application légale du viol conjugal en tant que circonstance aggravante du viol ». Il réclame aussi « des juridictions spécialisées dans la prise en charge des victimes de violences sexistes et sexuelles » afin de permettre une « véritable harmonisation de l’accueil et du traitement des victimes sur l’ensemble du territoire ». Rappelant que le viol conjugal comporte des spécificités (la victime vit souvent avec son agresseur par exemple), le collectif demande aussi une journée de formation sur les violences sexuelles conjugales pour tous·toutes les professionnel·les d’État susceptibles de recueillir et de traiter la parole des victimes.