Sandra Merveille, direc­trice de MJC : « On essaie de don­ner un petit peu à tout le monde »

À la tête de la Maison des jeunes et de la culture (MJC) de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) depuis vingt-cinq ans, Sandra Merveille voit défiler, chaque jour, des dizaines de personnes, qui viennent pour des concerts, des projets créatifs ou un soutien logistique. La grande maison qu’elle dirige leur est toujours ouverte.

125 au boulot mjc besse
©Besse

"La première fois que j’ai mis les pieds ici, c’était le 30 juin 1996, il y a vingt-cinq ans ! Je venais de réussir mon diplôme d’État relatif aux fonctions d’animation (Defa), que je devais compléter par une année de formation. On m’a proposé un stage de quatre mois à la MJC Les Terrasses de Conflans-Sainte-Honorine et je n’en suis jamais partie. Je connaissais déjà cette grande bâtisse perchée sur les hauteurs de la ville – une ancienne école reconvertie en MJC dans les années 1980 par le maire de l’époque, Michel Rocard –, car j’étais venue assister à des spectacles.

Je suis née dans une famille d’ingénieurs, très loin du monde socioculturel, même si mes parents m’ont toujours emmenée au théâtre et au musée. J’ai suivi des études de gestion avant de devenir responsable de la paie dans une fonderie d’objets d’art. Plus que les bulletins de salaire à remplir, ce qui me plaisait, c’était le contact avec les salariés et la possibilité d’organiser des expositions dans l’entreprise. Très vite, je me suis dit qu’il fallait que je change de filière et j’ai bien fait ! Je m’occupe toujours des bulletins de paie des neuf permanents de l’association qui travaillent avec moi à la MJC, mais je fais mille autres choses en parallèle, du choix des activités proposées aux plannings, en passant par l’organisation des événements et parfois la buvette. Je déplace les tables, je range le bordel – car c’est un joyeux bordel chez nous –, je paie de ma personne et ça me maintient en forme. 

Ce matin, j’ai jonglé avec une fuite dans la salle de sport, des dizaines de coups de fil et la préparation de l’assemblée générale de notre conseil d’administration (CA). En effet, nous sommes une association loi 1901 régie par un CA élu par les adhérents et les adhérentes à qui nous devons rendre des comptes.

“Ce matin, j’ai jonglé avec une fuite dans la salle de sport, des dizaines de coups de fil et la préparation de l’assemblée générale de notre conseil d’administration”

La MJC appartient au public, aux 36 000 Conflanais et Conflanaises. Les MJC datent de la Résistance * et ont été créées pour véhiculer des valeurs d’éducation populaire, d’accès à la culture et d’ouverture pour les jeunes. Le cœur de notre boulot, c’est d’aider les jeunes à développer des projets culturels. Notre public va de 3 à 25 ans, du bambin qui vient au cours d’éveil corporel au jeune musicien qui vient répéter. On accueille même les retraités du club de bridge. Au sous-sol, il y a un studio de musique avec des instruments en accès libre et un studio d’enregistrement dont les jeunes peuvent disposer. En ce moment, chaque dimanche, on reçoit des groupes de lycéens et lycéennes d’Île-de-France qui participent au tremplin du festival Rock-en-Seine. 

La ville de Conflans est plutôt bourgeoise, mais elle compte quatre quartiers d’éducation prioritaire avec pas mal de difficultés. La crise sanitaire n’a rien arrangé. Nos six animateurs se démènent pour ne surtout pas rompre le lien. Nous allons à la rencontre des ados et essayons de leur proposer des animations dans les maisons de quartier : sorties au musée, escalade… On travaille aussi en lien étroit avec le SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation) pour prendre en charge certains jeunes qui effectuent des travaux d’intérêt général chez nous. Nous accueillons également les élèves des collèges exclus ou mis à pied, c’est mieux que de les laisser à la maison devant la console ! La MJC est un endroit de mixité sociale, ce qui est de plus en plus rare, notamment en matière de culture et de loisirs. Nous, on essaie de donner un petit peu à tout le monde et de créer du mélange. Mais tout n’est pas toujours simple. En octobre, nous avons vécu le drame de l’assassinat de Samuel Paty, qui a provoqué effroi et tensions dans la ville. On connaissait certains des élèves impliqués et ça a vraiment été un moment très difficile à vivre.

“Ce boulot, c’est du non-stop : six jours sur sept, de 9 heures à 20 heures en moyenne”

On fait partie des figures de référence de la commune et on travaille en lien étroit avec les services municipaux. Selon la couleur politique des maires, les choses peuvent parfois se tendre, mais en ce qui me concerne, ça s’est toujours plutôt bien passé. La mairie nous verse une subvention de 500 000 euros – c’est énorme, mais on est une très grosse structure et on prend en charge les jeunes des quartiers prioritaires. Le département et la région nous versent aussi de l’argent. Remplir les dossiers de subvention fait partie des aspects les moins agréables de ce métier. Je n’aime pas ça du tout parce que c’est très stressant. Stressant d’attendre les réponses, de craindre de ne pas obtenir l’argent dans les délais. Je me dois de tenir les comptes de la MJC à l’équilibre, donc j’ai cette responsabilité sur les épaules. Je n’aime pas trop être en représentation, non plus. Je suis sans cesse invitée à tel ou tel événement local. Depuis un an et demi, ça s’est calmé, évidemment. Mais je suis loin de faire du télétravail. Lors du premier confinement, mes proches n’en revenaient pas de me voir autant à la maison. Très vite, on a obtenu une dérogation de la préfecture pour continuer nos activités en comité réduit. Nous avons mis en ligne des spectacles. Il était impossible de ne rien faire. La MJC ne ferme que trois semaines en été, mais le reste du temps, on est là pour les gens qui ont besoin d’aide. Je pense que la phrase que j’entends le plus souvent, c’est : “Je ne sais pas si vous pouvez m’aider…” En général, on se débrouille toujours pour trouver une solution, que ce soit pour emmener une dame qui n’a pas le permis rendre visite à son fils en prison ou pour l’aider à remplir un document administratif. 

Ce boulot, c’est du non-stop : six jours sur sept, de 9 heures à 20 heures en moyenne. Depuis peu, je m’astreins à déconnecter le soir quand je rentre chez moi et à ne pas répondre aux appels après 22 heures. Je ne me plains pas, car j’ai neuf semaines de congés payés par an, qui me permettent de couper. On a une super équipe, hyper soudée, donc je n’ai aucun problème à passer le relais. Et je suis ravie de revenir. Je ne veux surtout pas changer d’endroit, ça ne m’intéresse pas d’aller ailleurs."

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.