Dans un entretien donné aux Echos dimanche, le ministre de l'Education annonce son ambition de colmater l'inquiétante érosion de la présence des filles dans les spécialités scientifiques depuis la réforme Blanquer.
« L'objectif est d'atteindre la parité filles-garçons dans les spécialités mathématiques, physique-chimie et mathématiques expertes », a indiqué Pap Ndiaye dimanche 13 novembre. Dans un entetien donné aux Echos, le ministre de l'Education affiche sa volonté de rééquilibrer le ratio filles-garçons des matières scientifiques au lycée, alors que la réforme du lycée général menée par son prédécesseur Jean-Michel Blanquer et effective en 2019 a entraîné un brutal effondrement de la part des filles.
Ainsi, le collectif Maths&Sciences, regroupant des associations de professeur·es du second degré, de l’enseignement supérieur ainsi que des associations militant pour la place des femmes dans les métiers scientifiques indiquait début octobre qu'entre 2019 et 2021, la baisse des effectifs scientifiques est de 20% pour les garçons et 28% pour les filles : de 94 522 filles suivant une filière S en 2019, nous sommes passés à 67 890 filles « à profil scientifique » (terme utilisé en raison de la disparition des filières due à la réforme Blanquer) en 2021. De quoi réduire à néant, selon Maths&Sciences, « un long combat contre les inégalités filles – garçons au lycée », qui « avait permis de faire progresser le taux de filles en formation scientifique au lycée de 40,2 à 47,5% entre 1994 et 2019 ».
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Pour contrer l'érosion générale, Pap Ndiaye a annoncé le retour des maths obligatoires pour les classes de première dès la rentrée 2023. Dans les faits, une heure et demie de mathématiques sera rendue obligatoire pour tous les élèves de première générale qui n'ont pas choisi la spécialité mathématiques, a précisé le ministère de l'Education nationale dans un communiqué. En parallèle, une campagne de sensibilisation aux maths sera menée en 2023, « année de promotion des mathématiques » dont le but affiché est de « réconcilier tous les élèves » avec cette discipline et « promouvoir l'égalité filles-garçons ».
Pas de quotas
En ce qui concerne les filles, le ministre, comme son prédécesseur, se montre défavorable à l'instauration de quotas : « On ne peut pas forcer les élèves à prendre des spécialités dont ils n'auraient pas envie », a‑t-il lancé dans son entretien aux Echos. A la place, Pap Ndiaye croit en la lutte contre les stéréotypes de genre dès la maternelle et à l'appui du travail des associations comme Elles bougent, qui interviennent dans les collèges et lycées pour promouvoir les métiers d'ingénieur et d'informatique auprès des filles.
Enfin, le rééquilibre de ces matières scientifiques devra être mené par les chef.fes d'établissement, indique Pap Ndiaye. Ainsi, chaque proviseur « devra donner son objectif au rectorat » pour la rentrée prochaine et « aller chercher une par une les filles qui ont une appétence en la matière », main dans la main avec les professeur.es et les familles. Une politique d'incitation réalisable selon le ministre puisque pour atteindre la parité en maths expertes, il suffirait en moyenne de « convaincre quatre filles par lycée ».
Des mesures contreproductives ?
Interrogée par Le Monde, la coordinatrice du collectif Maths et Sciences Mélanie Guenais, estime que les mesures annoncées peuvent être « contreproductives » pour les élèves les plus fragiles, sans permettre d’attirer davantage de lycéens vers les sciences alors qu’il est « absolument nécessaire d’élargir le vivier rapidement ». Les représentant.es des enseignant.es s'alarment aussi de la pénurie d'enseignant.es dans la matière. Selon Le Monde, « seule la moitié des postes ont été pourvus au Capes externe de mathématiques en 2022 ».
Les annonces de Pap Ndiaye pour redresser la barre des maths ont été faites la veille de l'ouverture, lundi 14 novembre, des assises des mathématiques organisées par le CNRS et où le ministre prononcera une allocution. Une table-ronde est d'ailleurs dédiée à l'enseignement, dans un contexte où les organisateur.rices martèlent que les maths sont « vitales pour préserver la souveraineté économique de la France ».
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