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Les vil­lages fran­çais qui accueillent des migrant·es loin de “l’apocalypse” pré­dite par l’extrême droite

Une inté­gra­tion réus­sie au prix d’un inves­tis­se­ment humain impor­tant : des vil­lages fran­çais pion­niers dans l’accueil des migrant⸱es se féli­citent d’avoir tor­du le cou aux pré­ju­gés véhi­cu­lés par les dis­cours “hors-​sol”, selon eux, qui agitent la cam­pagne des élec­tions européennes.

Alors que, selon les son­dages, le Rassemblement National (RN) arri­ve­ra grand gagnant des élec­tions euro­péennes, cer­tains vil­lages fran­çais s’inscrivent à rebours des dis­cours anti-​immigration en deve­nant des lieux d’accueil pour les migrant⸱es, afin de faci­li­ter l’intégration de ces dernnier·ères. “D’un déchaî­ne­ment de vio­lence à un élan de soli­da­ri­té qu’il n’imaginait pas”, le maire de Pessat-​Villeneuve (Puy-​de-​Dôme), Gérard Dubois, a tout connu à l’arrivée, en novembre 2015, des cin­quante pre­miers migrant⸱es dans sa com­mune de cinq cents habitant⸱es. ‘Ma mai­son va perdre de sa valeur’, ‘Ils vont vio­ler nos enfants’, ‘On ne sera plus en sécu­ri­té’ : c’était l’horreur abso­lue, ce que j’ai enten­du lors de cette pre­mière réunion publique”, se sou­vient l’élu sans éti­quette, pla­cé sous pro­tec­tion poli­cière à l’époque. “Jusqu’à ce qu’une voix s’élève dans la salle et demande : ‘Comment vont-​ils ?’ L’ambiance a alors chan­gé radi­ca­le­ment et une armée d’habitants s’est mise à pro­po­ser béné­vo­le­ment son aide”, pour­suit Gérard Dubois.

L’ancienne colo­nie de vacances de Pessat-​Villeneuve accueille pen­dant les cinq mois d’hiver de jeunes hommes sans-​papiers en pro­ve­nance de la jungle de Calais. Elle obtien­dra en 2019 un agré­ment de quinze ans pour se trans­for­mer en centre d’hébergement pro­vi­soire pour réfugié⸱es, et voit l’arrivée des pre­mières familles. En neuf ans, le vil­lage a accueilli 750 per­sonnes, une classe sup­plé­men­taire a été ouverte et 84 % des réfugié⸱es accompagné·es ont décro­ché un emploi sur le territoire.

“La plu­part des appré­hen­sions dis­pa­raissent dès que les ren­contres humaines ont lieu”, observe Léa Enon-​Baron, codi­rec­trice de l’Association natio­nale des villes et ter­ri­toires accueillants (Anvita) qui regroupe 87 membres (villes, inter­com­mu­na­li­tés, dépar­te­ments, régions), dont 25 situés en zone rurale. “Les dis­cours natio­naux paraissent hors-​sol par rap­port aux expé­riences vécues sur le ter­rain”, insiste la repré­sen­tante de l’association. L’extrême droite s’est oppo­sée avec viru­lence aux pro­jets de centres d’accueil de réfugié·es. Sous les pres­sions, Callac (Côtes‑d’Armor) a aban­don­né le pro­jet tan­dis qu’à Saint-​Brévin-​les-​Pins (Loire-​Atlantique), le maire a fini par démis­sion­ner après l’incendie de sa maison.

"Les lumières de la ville" 

Le “dan­ger” de l’immigration agite les débats des élec­tions euro­péennes de juin pour les­quelles le RN est don­né favo­ri, pour­tant, les cri­tiques des membres de l’Anvita portent davan­tage sur “les lour­deurs admi­nis­tra­tives et com­plexes” de la pro­cé­dure d’accompagnement. Pour Le Vigan, bourg des Cévennes dont la tra­di­tion d’accueil de migrant·es remonte au XVIe siècle, héber­ger des demandeur⸱euses d’asile “était natu­rel”, explique la maire, Sylvie Arnal (Divers gauche). Dans cette com­mune du Gard de quatre mille habitant⸱es, la liste d’extrême droite est arri­vée en tête lors des élec­tions euro­péennes de 2019. “Pour les arti­sans et chefs d’entreprise, cette main‑d’œuvre est bien­ve­nue. Ils sont très bien inté­grés”, rap­porte l’édile. Plus de 70 % des migrant⸱es qui ont sui­vi une for­ma­tion décrochent leur cer­ti­fi­cat d’aptitude pro­fes­sion­nelle (CAP).

La volon­té des migrant⸱es de rejoindre une grande ville, une fois les papiers obte­nus, reste cepen­dant très forte, s’accordent à dire les représentant⸱es des vil­lages interrogé⸱es. “On a beau leur dire qu’il y aura moins de soli­da­ri­té et qu’ils seront moins bien sui­vis, les lumières de la ville les font rêver”, regrette Sylvie Arnal.

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À Bégard, dans les Côtes‑d’Armor, l’association qui s’occupe depuis 2015 de l’accueil des migrant⸱es sou­ligne la grande dis­po­ni­bi­li­té néces­saire pour accom­pa­gner les nou­veaux et nou­velles venu⸱es dans leurs démarches. “On est loin de tout et ils ne sont pas véhi­cu­lés, cela demande beau­coup d’énergie” pour les trans­por­ter, des cours de fran­çais aux rendez-​vous en pré­fec­ture, explique Hubert Mériaux, copré­sident de l’association Bear Solidarité.

“De pas­sage”

Pour la com­mune de 4 800 habitant⸱es qui n’échappe pas à la pres­sion fon­cière, trou­ver un loge­ment est aus­si une gageure. “Nous avons réno­vé deux loge­ments d’urgence, mais nous ne pou­vons pas les mobi­li­ser sur une longue période”, com­mente l’adjointe aux Affaires sociales, Maryse Casanave. La bour­gade dans laquelle vivent quelques dizaines de migrant·es a ain­si confié leur prise en charge aux ser­vices sociaux et asso­cia­tions. Elle assure n’avoir jamais eu de pro­blème de vio­lence ou de délin­quance avec cette nou­velle popu­la­tion : “Beaucoup d’habitants ignorent même que des migrants sont sur la com­mune”, note l’adjointe.

L’accueil indi­vi­dua­li­sé a lais­sé place à une forme plus “imper­son­nelle pro­vo­quée par un turn-​over impor­tant” des migrant⸱es dans la com­mune, déplore de son côté le maire de Ferrette (huit cents habitant⸱es, dans le Haut-​Rhin), François Cohendet. En 2015, les pre­mières familles afghanes et syriennes étaient logées entre un et deux ans. Avec le dur­cis­se­ment des lois et leur inter­dic­tion de tra­vailler, les migrantes d’aujourd’hui, des femmes afri­caines avec enfants prin­ci­pa­le­ment, “savent qu’elles ne sont que de pas­sage et qu’elles ont peu de chances d’avoir des papiers, ce qui ne les incite pas à s’intégrer”, regrette le maire. Les enfants du vil­lage sont mélangé·es avec celles et ceux venu·es d’ailleurs “ce qui leur apporte une grande ouver­ture d’esprit”, se réjouit-​il toutefois.

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“On m’avait pré­dit l’apocalypse, j’ai eu beau­coup de réac­tions hos­tiles de per­sonnes exté­rieures à la com­mune au début et pour­tant, rien de tout ça ne s’est pro­duit”, retient François Cohendet. Sa com­mune est l’une des rares du dépar­te­ment à ne pas avoir pla­cé le RN en tête aux der­nières élections.

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