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© CC by Paola Breizh

Ségur de la san­té : l’accord signé, la pilule passe mal

Alors que Matignon a annon­cé, ce 13 juillet, la signa­ture offi­cielle des accords du « Ségur de la san­té », cer­tains pro­fes­sion­nels expriment leur décep­tion voire leur mécon­ten­te­ment. Et ne veulent sur­tout pas que l'hommage que le gou­ver­ne­ment leur a pré­vu en rem­pla­ce­ment du tra­di­tion­nel défi­lé du 14 juillet noie leurs reven­di­ca­tions pour plus de moyens et de meilleures condi­tions de travail.

Année excep­tion­nelle, céré­mo­nie excep­tion­nelle. En rai­son de la limi­ta­tion des ras­sem­ble­ments liés au coro­na­vi­rus, le défi­lé mili­taire tra­di­tion­nel du 14 juillet n’aura pas lieu cette année. A la place, le gou­ver­ne­ment pré­voit place de la Concorde à Paris un hom­mage appuyé aux mili­taires et civils, notam­ment les soi­gnants, mobi­li­sés pen­dant la crise sanitaire. 

La réponse de certain·es concerné·es ne s’est pas faite attendre : mer­ci mais non mer­ci. Les soi­gnants réclament des moyens finan­ciers et humains afin d’exercer cor­rec­te­ment leur métier. Pas de médaille ni de parade. Comme l’affirme Karine, inter­viewée par le Huffington post le 13 juillet. « Je ne suis pas un héros, je n’ai pas déci­dé de mou­rir au com­bat, mon objec­tif, ce n’est pas d’avoir mon nom sur un monu­ment aux morts. Je ne suis pas sol­dat parce que je n’ai pas choi­si les armes. Moi, j’aurais pré­fé­ré choi­sir mon masque, que je n’ai pas tou­jours eu. Je suis soi­gnante, je sais pour­quoi j’ai choi­si ce métier. Qu’on me laisse le faire dans de bonnes condi­tions » plaide cette auxi­liaire de pué­ri­cul­ture. Et elle n’est pas la seule.

Alors que Matignon a annon­cé, ce 13 juillet, la signa­ture offi­cielle des accords du « Ségur de la san­té » – cette grande concer­ta­tion lan­cée durant la crise sani­taire en mars par Emmanuel Macron en réponse aux efforts four­nis par les per­son­nels hos­pi­ta­liers – cer­tains pro­fes­sion­nels expriment leur décep­tion voire leur mécon­ten­te­ment. Le texte a été signé par les syn­di­cats de la fonc­tion publique hos­pi­ta­lière repré­sen­ta­tifs, à savoir la CFDT, FO et l’UNSA, satis­faits des avan­cées obte­nues. « Avec cet accord, une grande marche a été fran­chie » se féli­cite Eve Rescanières, secré­taire géné­rale de la CFDT Santé-​Sociaux, qui regrette tou­te­fois qu’il aura « fal­lu une pan­dé­mie mon­diale pour que l’engagement des per­son­nels soit recon­nu ». La CGT, elle, n’a pas signé le texte, pré­fé­rant d’abord consul­ter sa base. Une opé­ra­tion en cours jusqu’au 20 juillet, nous indique Mireille Stivala, secré­taire géné­rale de la CGT-​Santé Action Sociale. 

Que dit cet accord ?

L’accord trou­vé entre le minis­tère de la Santé et les syn­di­cats dote les per­son­nels hos­pi­ta­liers d’une enve­loppe de 8,1 mil­liards d’euros dont 7,5 mil­liards de reva­lo­ri­sa­tion sala­riale. Une aug­men­ta­tion de 183 € net par mois, en deux temps : 90 € net au 1er sep­tembre, puis 93 € en mars 2021, avec un effet rétro­ac­tif. Cette hausse de salaire concerne les infir­miers, aides-​soignants, tech­ni­ciens, bran­car­diers… Les syn­di­cats récla­maient une aug­men­ta­tion de 300 € par mois. Ils ont dû revoir leurs exi­gences en contre­par­tie d’une pro­messe d’embauches. Si rien ne figure noir sur blanc sur le docu­ment indique Le Monde, le minis­tère de la Santé main­tient l’annonce de 15 000 nou­veaux postes, dont 7 500 non pour­vus, et 7 500 créa­tions de poste.

« Ce n’est pas suf­fi­sant pour com­bler le manque de per­son­nel » dénonce Domingos Esteves, aide-​soignant à l’hôpital de la Pitié-​Salpêtrière et délé­gué syn­di­cal CFTC, inter­viewé par Causette. Le syn­di­cat n’a pas pu pour­suivre les dis­cus­sions du Ségur de la san­té car non représentatif.

Par ailleurs, selon cet accord, une révi­sion des grilles de salaires devra être fina­li­sée avant le prin­temps. Si tel est le cas, celle-​ci se tra­dui­ra par une hausse de salaire de 35 euros net en moyenne pour les agents concernés.

« Sur les car­rières, je pense que c’est une bonne chose pour les aides-​soignants de pas­ser en caté­go­rie B. En revanche, l’augmentation de salaire pour les infir­miers est faible au regard au tra­vail qu’ils four­nissent. Nous les para­mé­di­caux, sommes à chaque fois les bonnes poires » pour­suit Domingos Esteves. Qui regar­de­ra d'un oeil l'hommage gou­ver­ne­men­tal pour ne pas res­sas­ser de sou­ve­nirs dou­lou­reux. En effet, l'aide-soignant trouve « déso­lant d'attendre une pan­dé­mie pour être valo­ri­sé ». « Sachant que nous n'étions pas les seuls en pre­mière ligne. D'autres métiers comme les cais­siers, les pom­piers, les poli­ciers etc. méritent aus­si cet hom­mage. Et il ne faut pas oublier toutes les per­sonnes qui ont été empor­tées par le coro­na­vi­rus » conclut Domingos Esteves.

Le texte accorde aus­si aux méde­cins hos­pi­ta­liers une enve­loppe glo­bale de 450 mil­lions d’euros. Une somme qui per­met­tra d’augmenter l’indemnité de « ser­vice public exclu­sif » ver­sée aux méde­cins qui ne pra­tiquent pas de dépas­se­ment d’honoraires. De 490 € bruts par mois pour un temps plein aujourd’hui, cette indem­ni­té attein­dra 1 010 € en 2021. Là aus­si, la hausse s’effectuera en deux temps, avec une pre­mière étape en sep­tembre et une seconde en mars.

Par ailleurs, l’Etat débourse 124 mil­lions d’euros pour les internes qui ser­vi­ront à aug­men­ter leurs indem­ni­tés. Les étu­diants en méde­cine n'ont pas été oubliés. 55 mil­lions d’euros ont été déblo­qués à leur des­ti­na­tion, tan­dis que les étu­diants de filières para­mé­di­cales auront droit à 20 mil­lions d’euros.

Malgré ces annonces, la CGT appelle à se mobi­li­ser le 14 juillet sur tout le ter­ri­toire. Car, selon Mireille Stivala, l"hommage reste de la « pure com­mu­ni­ca­tion et cela, les pro­fes­sion­nels ne le sup­portent plus. La véri­table récom­pense pour nous ce sont les recru­te­ments et la recon­nais­sance du Covid 19 comme mala­die pro­fes­sion­nelle pour l'ensemble des salarié·es, pas uni­que­ment pour les cas sévères. »


Le Monde d’Après, c’est avec les soignant·es

Les hom­mages à des­ti­na­tion des soi­gnants se pour­suivent. Depuis le 10 juillet, les Parisiens peuvent admi­rer une ins­tal­la­tion gigan­tesque sur la façade de l’Opéra Bastille à Paris. 500 por­traits de soi­gnants réa­li­sés par David Hugonot Petit, Adrien Lachappelle et Nathalie Naffzger, trois pho­to­graphes qui ont sillon­né la France pour mettre en lumière ces héros.

Intitulé « Le Monde d’Après, c’est avec elles et eux », le pro­jet a été conçu par le col­lec­tif Protégeons nos soi­gnants, en col­la­bo­ra­tion avec l’Opéra natio­nal de Paris et Inside Out Project, le pro­jet d’art par­ti­ci­pa­tif ini­tié par l’artiste fran­çais JR. L’œuvre est visible jusqu'au 29 juillet.

Protégeons nos soi­gnants est un mou­ve­ment lan­cé par des citoyens. Depuis le 21 mars, le col­lec­tif a réuni plus de 7,4 mil­lions d’euros de dons de par­ti­cu­liers et d’entreprises qui ont été consa­crés à l’achat de maté­riel, com­man­dé et livré à près de 400 éta­blis­se­ments de san­té dans toute la France.

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