Après le Planning familial de Bordeaux visé par des identitaires il y a un an, c’est au tour du Planning de Lille d’avoir été la cible de dégradations en début de semaine.
Qui donc le Planning Familial, cette association nationale féministe indispensable à la santé reproductive des femmes, dérange-t-il ? La question se pose à nouveau, après que ses locaux situés en plein centre-ville de Lille ont été dégradés dans la nuit de lundi 19 février. “Les fenêtres du Planning ont été salies” et l’établissement “a été ciblé par des tags sur les affiches de la devanture”, affirme un communiqué publié par la structure nationale.
“Ces tags ressemblent à des gribouillis pour masquer la vitrine où se trouvent des affiches défendant les droits des personnes LGBT et le droit à l’avortement, précise à Causette Véronique Séhier, ex-coprésidente du Planning familial, qui milite toujours à l’association. Le geste n’est pas signé, mais au même moment, c’est le local de l’association environnementale L’Offensive qui a été dégradé de tags représentant une croix celtique et une inscription ‘fuck AFA’.” Le local de L’Offensive – qui assume une ligne également féministe – se trouve à sept minutes à pied du Planning.
Intimidation du public
L’association a porté plainte pour dégradation mais aussi pour délit d’entrave à l’IVG. “Avec ces tags, c’est d’une part le militantisme du Planning qui est visé et avec lui, un projet de société pour l’accès aux droits en matière de santé reproductive, fait remarquer Véronique Séhier. Mais ce sont également les personnes que l’on accueille qui sont attaquées, car pour ce public souvent jeune et précaire, il peut être très intimidant de pousser la porte d’un lieu pointé du doigt de la sorte.” Pour la militante, il ne serait pas étonnant qu’une fois encore, les coupables soient à chercher du côté de l’extrême droite, “dans un contexte de constitutionnalisation de l’IVG qui dérange, et de récente dissolution d’un groupuscule d’extrême droite lillois [La Citadelle, dissoute en début du mois, ndlr].”
Il y a un an pile, c’était le Planning de Gironde, en plein Bordeaux, qui avait été ciblé par le groupuscule d’extrême droite bordelais Action directe identitaire. “Une inscription en lettres rouges, ciblant l’IVG [et] revendiquée par Action directe identitaire, et une Croix de Lorraine” avaient dégradé la façade de ses locaux, rapportait alors l’association. C’était la deuxième fois que le Planning de Bordeaux était attaqué par ces identitaires, après un premier tag deux semaines auparavant disant : “Aujourd’hui stérilisés, demain pucés.” Véronique Séhier évoque aussi ces dernières années des attaques de locaux du Planning à Strasbourg et à Lyon, “où règne un fort vivier identitaire”, rappelle Véronique Séhier.
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Mais les attaques à l’encontre du Planning ne se formalisent pas seulement dans des actes de délinquance. Elles sont aussi politiques. En novembre dernier, la présidente de la structure nationale, Sarah Durocher, dénonçait auprès de Causette “l’intensification” des appels à couper ses subventions, sous la forme d’interpellations du gouvernement par des parlementaires RN, ou de demandes d’élus locaux·ales, notamment depuis l’été 2022. À cette époque, l’organisation avait sorti une série d’affiches pour défendre l’accès des personnes LGBTQIA+ au Planning. L’une d’elles portait le slogan “Au Planning, les hommes aussi peuvent être enceints”, avec un dessin représentant un homme transgenre (c’est-à-dire né biologiquement femme mais dont l’identité de genre est masculine) pendant sa grossesse.
“Nos lieux d’accueil resteront ouverts”
Havre de paix et de confidence pour de nombreuses femmes qui s’y rendent pour s’informer sur leur santé, leurs droits et accéder à une contraception ou à l’IVG, le Planning familial est né en 1956 sous le nom de La maternité heureuse dans l’objectif de diffuser l’information sur le contrôle des naissances. Dès 1960, il se structure dans le Mouvement français pour le planning familial et distribue des moyens contraceptifs aux femmes, dans une France où la pilule ne sera légalisée qu’en 1967.
“Au Planning familial, chaque année, c’est près d’un demi-million de personnes qui sont concernées directement par nos actions, individuellement ou lors de séances collectives, indique le Planning dans un communiqué publié à la suite de l’attaque des locaux lillois. […] Nos lieux d’accueil resteront ouverts à toutes et tous, sans discrimination, sans distinction et sans jugement.” Et de conclure : “Nous poursuivons notre objectif d’un égal accès de toutes les personnes aux mêmes droits, à la même information, à la santé sexuelle, à l’autonomie et à l’émancipation.”