Le tribunal correctionnel de Paris a relaxé, lundi 27 mai, l'écrivain François Bégaudeau, jugé pour diffamation, tout en estimant qu'il avait tenu à l'encontre de l'historienne Ludivine Bantigny des propos "indéniablement empreints de sexisme".
Le tribunal correctionnel de Paris a décidé de relaxer François Bégaudeau malgré des propos "indéniablement empreints de sexisme" à l'encontre de Ludivine Bantigny. L'écrivain était jugé début avril pour "diffamation publique à raison du sexe" à l’encontre de l’historienne. Il encourait un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
L’affaire portait précisément sur deux phrases écrites par François Bégaudeau sur le forum de son site Internet en 2020 : “Dans le milieu radical parisien, Ludivine est connue pour être jamais la dernière. Tous les auteurs de La Fabrique lui sont passés dessus, même [Geoffroy de] Lagasnerie.” Ludivine Bantigny avait porté plainte en mars 2021. Lors de l’audience, à laquelle Causette avait assisté, elle avait expliqué avoir ressenti “une souillure” à l’idée d’être considérée comme “un paillasson sur lequel les hommes passent”. L’association féministe Chiennes de garde avait également déposé plainte pour “diffamation publique à raison du sexe” à l’encontre de François Bégaudeau en mars 2021. S’agissant des mêmes propos, les juges avaient alors décidé d’instruire les deux dossiers simultanément.
Le tribunal y a vu une “affirmation inélégante […] sur un registre obscène”. “François Bégaudeau cherche à rabaisser Ludivine Bantigny, en tant que femme, au regard de sa disponibilité sexuelle exacerbée” et la plaignante “a pu légitimement être offensée par ces propos, indéniablement empreints de sexisme”, lit-on dans le jugement. Cependant, “faute de renvoyer à un fait précis, les propos incriminés ne revêtent pas les caractéristiques de la diffamation”, a tranché la 17e chambre correctionnelle.
Pour le ministère public, le délit de diffamation était établi et les juges devaient se déterminer en fonction de la bonne ou de la mauvaise foi de François Bégaudeau quand il plaidait le “gag” et la simple “faute de goût”. Lors de l’audience, il avait en effet avancé qu’il s’agissait d’un “sketch” commencé entre lui et un autre internaute de son forum, Hervé, quatre ou cinq jours avant les propos pour lesquels il était poursuivi. “Il me demande de lui recommander des intellectuels de la gauche radicale, je cite le nom de Ludivine Bantigny, dont je venais de lire le livre sur Mai 68 [1968, de grands soirs en petits matins, Seuil, 2018, ndlr], expliquait-il. Il se met à regarder des interventions d’elle dans les médias et là s’enclenche un sketch de jalousie entre lui et moi. Lui se prétend être un fan obsédé par Ludivine Bantigny et moi j’attise sa jalousie. C’est là que je commets ce post trivial et grossier, mais c’était une blague.”
François Bégaudeau avait justifié d’autant plus cette “blague” par la mention dans ses propos de Geoffroy de Lagasnerie. Pour rappel, Bégaudeau insinuait que le philosophe et sociologue, lui aussi figure de la gauche radicale, était “passé” sur Ludivine Bantigny comme tous les auteurs de La Fabrique. “Si je termine ces deux lignes par ça, c’est bien pour souligner que c’est une blague, Lagasnerie est homosexuel et n’est pas un auteur de La Fabrique”, pointait-il alors sans ambages.
“Ça a été comme un coup de poing dans l’estomac, une immense surprise, un choc et une blessure, avait de son côté, dénonçait Ludivine Bantigny. J’estime que ce qu’il m’a fait est un outrage sexiste, une violence.”