L’association de protection de l’enfance L’Enfant Bleu a annoncé son retrait de la Ciivise. Cette décision intervient après que l’un des directeur·rices de la commission, l’avocat Bruno Questel, a assuré la défense d’un père incestueux. Ce dernier a démissionné hier.
L’Enfant Bleu quitte le navire de la Ciivise. Dans un communiqué envoyé jeudi 23 mai, Isabelle Debré, présidente de l’association de protection de l’enfance et Laura Morin, sa directrice nationale, ont annoncé “avec regret” avoir pris la décision de se retirer de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). L’Enfant Bleu avait rejoint la commission en janvier dernier afin de “pouvoir faire avancer la protection des enfants victimes de violences”. L’association explique ce retrait quatre mois plus tard par “les récents événements” qui “ont mis à mal [sa] confiance”. “Les actions et prises de position récentes sont en totale contradiction avec nos valeurs et notre mission, indique-t-elle. Nous ne pouvons, en conscience, continuer à participer à la Ciivise.”
Contactée par Causette, l’Enfant Bleu n’a pas souhaité expliciter ces “actions et prises de position récentes”. Toutefois, le retrait de l’association intervient après qu’une polémique a de nouveau entaché l'image de la Ciivise. Le 16 mai dernier, un compte rendu d’audience au tribunal du Courrier de l’Eure révèle en effet que l’avocat Bruno Questel, l’un des quatre directeur·rices de la commission nommé·es en avril dernier, avait assuré la défense d’un père incestueux devant le tribunal correctionnel d’Évreux – ce dernier a été condamné à 10 mois de prison avec un sursis probatoire de trois ans. Lors de sa plaidoirie, Me Questel a notamment déclaré : “J’ai accepté d’assurer sa défense car je ne sais pas. On ne sait pas ce qui s’est exactement passé. Ce qui est sûr, c’est qu’il est meurtri et en souffrance et qu’il est très malheureux de ne pas voir ses enfants. S’il a commis une faute, c’est d’avoir dormi avec sa fille.”
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Une défense qui a suscité la colère de nombreux·euses militant·es de la protection de l’enfance, à l’instar d’Arnaud Gallais, ancien membre de la commission. Ce dernier dénonçait sur X : “La nouvelle ciivise ce n’est plus ‘On te croit, on te protège’, c’est devenu ‘On ne sait pas ce qui s’est exactement passé'”. Jeudi soir, les membres de la Ciivise ont indiqué dans un communiqué qu’ils et elles se “désolidarisent” des propos de Bruno Questel et souhaitent continuer leurs travaux sans lui. “La Ciivise est profondément attachée au droit inaliénable de chaque personne accusée d’être défendue selon les procédures normales d’un état de droit. Mais elle considère que fondamentalement, ses missions et ses prises de position n’ont de sens que si elles servent clairement l’intérêt des personnes victimes”, affirmaient-ils·elles. De son côté, Bruno Questel a annoncé sa démission de la Ciivise ce vendredi matin.
Démissions en cascade
Avec cette énième polémique et du départ de L’Enfant Bleu, la Ciivise semble s'enfoncer dans la crise depuis l’annonce de son maintien par le gouvernement en décembre dernier, sans le juge Edouard Durand – qui la présidait jusqu’alors et qui était pourtant largement plébiscité par les associations. Plusieurs membres de la commission avait alors démissionné en signe de protestation, dont Arnaud Gallais.
En février, le nouveau président Sébastien Boueilh démissionnait à son tour après la mise en retrait de la vice-présidente, Caroline Rey-Salmon, accusée d’agression sexuelle dans le cadre de ses fonctions de pédiatre légiste, spécialiste de la prise en charge médico-judiciaire des mineur·es, victimes de violences sexuelles.
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