L’Assemblée nationale a finalement adopté à la quasi-unanimité, dans la nuit du 21 au 22 juillet, l’indépendance financière des personnes bénéficiaires de l'Allocation adultes handicapés vis-à-vis de leur conjoint·e, longtemps refusée par la majorité.
L’espoir est devenu une certitude. La déconjugalisation de l’Allocation adultes handicapés (AAH) entrera en vigueur le 1er octobre 2023. Aux alentours de minuit et demi dans la nuit du mercredi 20 au jeudi 21 juillet, les député·es l'ont adoptée par 428 voix pour et une contre. La seule voix dissonante lors de ce vote a été celle de Thomas Mesnier, vice-président du groupe Horizons, qui n’a pas souhaité expliquer cette position personnelle. Une quasi-unanimité des député·es, donc, rassemblant à droite comme à gauche. C’est d’ailleurs avec une ovation collective et des cris de victoire que s’est conclu ce vote, qui scelle le premier consensus trouvé sur l’épineux projet de loi d’urgence pour le pouvoir d’achat examiné par l’Assemblée depuis lundi.
Rejetée à six reprises par la majorité lors du précédent quinquennat, la mesure, revendiquée de longue date par les associations, consacre l’indépendance financière des personnes bénéficiant de l'AAH, notamment des femmes, en ne tenant plus compte pour le calcul de cette aide les revenus du ou de la conjoint·e. « Des centaines de milliers de personnes n’auront plus à choisir entre le cœur et le porte-monnaie », s’est réjouie la présidente du groupe La France Insoumise, Mathilde Panot. En effet, dans certains cas, les bénéficiaires de l'AAH renonçaient à se marier pour ne pas perdre leur allocation.
Concrètement, la mesure doit permettre de changer le mode de calcul de cette aide financière (d'un montant de 907 euros maximum) qui concerne 1,3 million de personnes. Et surtout d’individualiser son montant pour 160.000 couples, pénalisés par le système actuel qui dégresse le montant de l'allocation en fonction du revenu du ou de la conjoint·e. En moyenne, l'augmentation attendue serait de 300 euros pour ces couples.
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Alors qu'il s'était opposé au cours de son premier mandat présidentiel à la déconjugalisation de l'AAH, mi-avril, Emmanuel Macron faisait volte-face dans un contexte de campagne pour sa réélection en déclarant : « Ce qui est vrai, c'est que ça [la conjugalisation de l'AAH] crée une situation aberrante pour les personnes en situation de handicap, donc on va le bouger. » Un virage confirmé début juillet par la Première ministre, Elisabeth Borne, lors de son discours de politique générale.
Si la députée Insoumise, Mathilde Panot s’est réjouie de cette avancée, elle regrette néanmoins le calendrier tardif. Les débats ont d’ailleurs été intenses sur la question de l’application de la mesure, que le gouvernement a fixé à octobre 2023. Les député·es de l’opposition souhaitent, elles et eux, l’avancer au 1er juillet 2023, voire au 1er janvier. « Si nous pouvons aller plus vite, nous irons plus vite », a promis le ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion, Olivier Dussopt.
« Les bases sont posées et qu’il n’y aura pas de recul en la matière. »
Olivier Véran, porte-parole du gouvernement
Pour justifier ce délai, le gouvernement fait valoir le sort des « 44 000 perdants de la déconjugalisation » qui selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DRESS) pourraient ainsi voir leur allocation diminuer avec le nouveau calcul. Le gouvernement estime que cette mesure leur ferait subir ainsi une perte moyenne de 270 euros. « Il y a tout le processus. Comme je vous l'ai dit, on veut éviter qu'il y ait des perdants », explique Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement ce jeudi sur France Info qui insiste toutefois sur le fait que « les bases sont posées et qu’il n’y aura pas de recul en la matière ».
Pour éviter la baisse du montant de l’allocation, le gouvernement a donc l’intention « d'instituer un dispositif transitoire permettant à un allocataire de l'AAH, qui serait susceptible de voir le montant de son allocation diminuer en raison de la déconjugalisation, de conserver le montant de cette allocation jusqu'à l'expiration des droits acquis », a expliqué le ministre devant la commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, lundi 11 juillet. Olivier Dussopt s’est d’ailleurs dit ouvert à la discussion sur ce point, proposant aux député·es « les plus investis sur le sujet » de participer à une réunion avec les acteur·rices concerné·es, avant le passage du texte devant les sénateur·rices, qui avaient largement voté pour en octobre 2021.
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