En fin de journée mardi, l’Assemblée nationale a rejeté la proposition de loi visant à étendre « la peine complémentaire d'inéligibilité » contre les membres du gouvernement et élu·es à l'origine de violences conjugales.
Après des débats houleux dans l'hémicycle entre le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, et le chef de file des député·es Les Républicains Olivier Marleix, l'Assemblée nationale s'est prononcée dans la soirée de ce mardi 7 mars contre la proposition de loi visant à « étendre le champ d’application de la peine complémentaire d’inéligibilité » à toute personne qui, au moment des faits de violence pour lesquels elle est condamnée, exerçait « une fonction de membre du gouvernement ou un mandat public électif ». Le texte avait été porté par la députée Renaissance Aurore Bergé, au moment de la condamnation pour violences conjugales du député de La France insoumise Adrien Quatennens le 13 décembre dernier.
La proposition de loi visait à étendre la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité à une série de violences aggravées : celles commises « sur un mineur de moins de 15 ans, une personne vulnérable, le conjoint, avec une arme, ou encore en cas de motivation raciste ». Les cas concernés par le texte sont ceux où les violences ont entraîné une incapacité totale de travail (ITT) inférieure ou égale à 8 jours, ou pas d'ITT, précise le texte. Actuellement, la loi prévoit déjà une peine d'inéligibilité automatique de cinq ou dix ans, pour les violences ayant provoqué une ITT de plus de 8 jours comme les discriminations et les violences graves. Le juge peut néanmoins décider de ne pas prononcer l'inéligibilité, mais il doit motiver sa décision, d'après franceinfo.
Un texte qui suscite la polémique
Lorsque le texte avait été présenté à l’Assemblée nationale en janvier dernier, il avait suscité la polémique. Sur le document de la proposition de loi, était notifié que « les auteurs de la présente proposition de loi s’inscrivent ainsi dans l’esprit et la pleine continuité de la loi du 15 septembre 2017 [citée ci-dessus et prévoyant notamment une peine d'inéligibilité pour les auteur·rices d'agressions sexuelles] ». Pourtant, Damien Abad, ex-ministre des Solidarités et de la Santé et cosignataire de cette proposition de loi, est visé par une enquête pour « tentative de viol ». Trois femmes accusent l'actuel député de viol, dont une qui a déposé une plainte en juin dernier pour « tentative de viol », selon Libération.
Ce mardi dans l’hémicycle, Aurore Bergé a été accusée d'« instrumentalisation » et d'« opportunisme » par les oppositions. En réponse, la députée des Yvelines a déclaré très émue : « Je sais exactement de quoi je parle quand je parle des violences conjugales », sous les huées d'une partie de l'hémicycle. Avant d'ajouter : « Entendre, intervention après intervention, remettre en cause la sincérité qui est la mienne sur ce combat, comme vous l'avez fait, je ne peux pas le laisser passer », d’après franceinfo.
Mais le spectacle législatif a par la suite viré à la farce, à cause du comportement d'Éric Dupond-Moretti. Lors des échanges, Olivier Marleix a attaqué le ministre de la Justice sur sa mise en examen en juillet 2021 pour « prise illégale d'intérêts ». Une prise de parole à laquelle le garde des Sceaux a répondu par un bras d’honneur. Selon Midi Libre, Éric Dupond-Moretti aurait précisé qu’« il n'y a pas [eu] un bras d'honneur, il y en a [eu] deux, mais accompagnés de paroles à chaque fois ». Il a assuré que le geste n'était « pas adressé au député Marleix » mais à l'atteinte « à la présomption d'innocence ».
Après plusieurs interpellations de l’opposition et des suspensions de séances, le garde des Sceaux a fini par s’excuser. « Je suis profondément affecté par ce moment […]. Je redis ici que je n’ai pas voulu viser le président Marleix. Si mon geste a été mal interprété, je lui présente mes excuses, ainsi qu’à toute la représentation nationale », a‑t-il plaidé selon Le Monde.
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