woman and man holding hands
©Roman Kraft

Journée natio­nale des aidant·es : « Quand ils viennent nous voir, ils sont à bout de souffle »

Ce jeu­di 6 octobre, c'est la Journée natio­nale des aidant·es. Ils·elles sont des mil­lions en France à s’occuper d’un·e proche en situa­tion de dépen­dance. Pour les sou­te­nir, des dis­po­si­tifs de sou­tien se mettent en place, comme la pla­te­forme de répit et d’accompagnement Amaelles.

Aidant·es, mais pas for­cé­ment aidé·es. En France, huit à onze mil­lions de per­sonnes sou­tiennent au quo­ti­dien un·e proche malade en perte d’autonomie ou en situa­tion de han­di­cap. Soit à peu près un·e Français·e sur cinq. Cela peut être un·e conjoint·e, un parent, un·e enfant, un frère ou une sœur. Des tra­jec­toires de vie tou­jours dif­fé­rentes avec un point com­mun pour tous·toutes : un sta­tut dif­fi­cile, pre­nant et dif­fi­cile à gérer au quo­ti­dien. C’est donc pour les sou­la­ger momen­ta­né­ment en leur offrant un peu de répit que la pla­te­forme Amaelles a été créée il y a plus de soixante-​dix ans.

Présentes dans les Ardennes, le Gard, le Haut-​Rhin, la Marne, la Meuse, l’Orne, la Saône-​et-​Loire et le ter­ri­toire de Belfort, les struc­tures de ce col­lec­tif fran­çais d’aide et de soins à la per­sonne accom­pagne les aidant·es au quo­ti­dien. À l’occasion de la Journée natio­nale des aidants qui se tient chaque année le 6 octobre, Amélie Barraud, res­pon­sable d’une struc­ture Amaelles dans l’Orne depuis 2013, revient pour Causette sur l’accompagnement pro­po­sé aux aidant·es fami­liaux et aux pro­blé­ma­tiques qu’ils·elles rencontrent. 

Causette : Qu’est que la pla­te­forme Amaelles ? 
Amélie Barraud :
Amaelles pro­pose un sou­tien per­son­na­li­sé et adap­té aux besoins de chaque aidant. Notre rôle est d’apporter des solu­tions de répit pour accom­pa­gner les aidants de proches atteints de mala­dies neu­ro­dé­gé­né­ra­tives ou de mala­dies rares ou chro­niques. Nous venons en aide à une cen­taine d’aidants par an dans notre struc­ture de l'Orne. Au sein de chaque pla­te­forme, nous avons des neu­ro­psy­cho­logues, des aides médico-​psychologiques, des aide-​soignantes et un méde­cin coordinateur. 

Quelles peuvent-​être ces solu­tions de répit ? 
A.B. :
On vient en aide aux aidants sous diverses formes. On pro­pose plu­sieurs ser­vices de répit qu’on adapte ensuite aux besoins de cha­cun. Le pre­mier, c’est l’accueil de jour qui per­met d’accueillir la per­sonne malade une jour­née ou plus par semaine. Nos équipes vont cher­cher la per­sonne malade à son domi­cile, ils l’emmènent sur le lieu d’accueil de jour et passent la jour­née avec elle avant de la rame­ner chez elle en fin de jour­née. Cela per­met à l’aidant de pou­voir se repo­ser, de pou­voir sor­tir, de faire les courses, en clair de pou­voir prendre du temps pour lui, en sachant que son proche est accom­pa­gné par des pro­fes­sion­nels. 
Si la per­sonne malade pré­fère res­ter chez elle, nous pro­po­sons éga­le­ment de la sti­mu­la­tion cog­ni­tive à son domi­cile. Pendant 1 heure, 2 heures ou 3 heures par jour, un pro­fes­sion­nel de l’équipe vient s’occuper du malade et réa­lise des acti­vi­tés avec lui. Là-​aussi, l'aidant peut en pro­fi­ter pour s’absenter. 
Nous pro­po­sons aus­si un ser­vice de répit 24h sur 24 au domi­cile du malade sur une durée maxi­mum de cinq jours. Une équipe de pro­fes­sion­nels du médico-​social se relaient nuit et jour au domi­cile, ce qui per­met à l’aidant de s’absenter sur une courte période. C’est un ser­vice qui peut être uti­li­sé en cas de vacances, d’événements ou d’hospitalisations pré­vues à l’avance. C’est un ser­vice appré­cié de nos usa­gers, car la per­sonne malade reste dans son envi­ron­ne­ment. 
En revanche, en cas d’hospitalisation d’urgence, ça ne mar­che­ra pas puisque cela néces­site une cer­taine pré­pa­ra­tion. En cas d’urgence, soit la per­sonne malade peut tem­po­rai­re­ment être accueillie dans un EHPAD s’il y a de la place, soit mal­heu­reu­se­ment, elle doit suivre son proche. 

« Les aidants ont ten­dance à se ren­fer­mer sur eux-mêmes »

Quelles sont les acti­vi­tés que vous pro­po­sez aux aidant·es ? 
A.B. :
On orga­nise des sor­ties à la jour­née pour les aidants ou pour les aidants et les aidés. Le but ce n’est pas for­cé­ment d’aller très loin, mais de sor­tir de sa rou­tine, de pen­ser à autre chose que la mala­die et de pas­ser du temps avec des per­sonnes qui tra­versent les mêmes choses que vous. Les aidants ont ten­dance à se ren­fer­mer sur eux-​mêmes. Ils ne voient plus grand monde. Beaucoup nous disent que les amis dis­pa­raissent avec l’arrivée de la mala­die.
La der­nière sor­tie qu’on a faite, c’était la visite d’une cidre­rie dans la région avec dégus­ta­tion de cidre et de gâteaux à la fin. Ce n’est pas grand-​chose, mais ça per­met de créer du lien social et de pou­voir refaire des choses qui aupa­ra­vant étaient normales. 

Vous pro­po­sez éga­le­ment des séjours de vacances ? 
A.B. : Tout à fait.
On appelle cela des séjours répits. On part cinq jours avec plu­sieurs aidants et leurs proches malades. On va les cher­cher à leur domi­cile le lun­di matin, on passe toute la semaine ensemble et puis on les ramène chez eux le ven­dre­di soir. Sur place, une équipe de pro­fes­sion­nels est pré­sente pour s’occuper au quo­ti­dien des per­sonnes malades. 
Comme pour les sor­ties à la jour­née, on ne va pas for­cé­ment loin, mais on coupe du quo­ti­dien. On a des aidants qui n’avaient pas revu la mer depuis des années par exemple. 

Lire aus­si I Santé men­tale : la souf­france des aidant·es

Les aidant·es souffrent en grande majo­ri­té de soli­tude. Proposez-​vous un accom­pa­gne­ment psy­cho­lo­gique ? 
A.B. :
Oui, à tra­vers des groupes de parole avec une psy­cho­logue. On pro­pose là-​aussi un ser­vice de trans­port et un ser­vice de sup­pléance, c’est-à-dire un « ser­vice de garde » au sein de notre struc­ture pour la per­sonne malade. Ces der­nières sont prises en charge par des pro­fes­sion­nels dans une salle à côté, tan­dis que les aidants peuvent dis­cu­ter des pro­blé­ma­tiques qu’ils ren­contrent et de leurs pré­oc­cu­pa­tions. On se réunit ensuite tous ensemble autour d’un café. 
On s’est ren­du compte que s’il n’y avait pas ces deux ser­vices (l’aide au trans­port et la prise en charge), bien sou­vent les aidants ne peuvent par­ti­ci­per au groupe de parole. Or, c’est très impor­tant de pou­voir dis­cu­ter de ce que l’on vit au quo­ti­dien et d’entendre que l’on n’est pas seul dans cette situa­tion. 
On pro­pose aus­si des entre­tiens indi­vi­duels avec une psy­cho­logue pour l’aidant, l’aidé ou les deux ensembles. Le but, c’est que l’aide soit tou­jours per­son­na­li­sée en fonc­tion des besoins. 
Nous pro­po­sons aus­si, à des­ti­na­tion des aidants, des for­ma­tions sur la mala­die dont souffre leur proche. Elles per­mettent de com­prendre les symp­tômes et d’apprendre à mieux les gérer. 

« Il ne faut pas perdre de vue que beau­coup d’aidants décèdent avant la per­sonne malade » 

Quelles sont les condi­tions d’accès à cette pla­te­forme ? 
A.B. :
Tout le monde y a droit dès lors que l’on est recon­nu comme l'aidant d’une per­sonne qui souffre de troubles cog­ni­tifs. C’est un ser­vice d’aide et d’accompagnement gra­tuit grâce au finan­ce­ment de l’Agence régio­nale de san­té (ARS). Une par­ti­ci­pa­tion finan­cière peut être deman­dée pour cer­taines sor­ties ou pour l’accueil de jour, mais celles-​ci sont finan­cées en tota­li­té ou en par­tie par l’Allocation per­son­na­li­sée d’autonomie (Apa). 

Quelles sont les prin­ci­pales dif­fi­cul­tés que ren­contrent les aidants ? 
A.B. :
La pre­mière, c’est de faire le pre­mier pas. On se rend compte que géné­ra­le­ment, les aidants sont, avant de venir deman­der de l’aide auprès de nos struc­tures, com­plè­te­ment épui­sés. Quand ils viennent nous voir, ils sont à bout de souffle. Il y a un véri­table tra­vail à faire en amont pour repé­rer les aidants de manière plus pré­coce, au cours des dif­fé­rents rendez-​vous médi­caux par exemple, pour pou­voir leur pro­po­ser de l’aide. Mais il faut prendre en compte d’autres aspects, comme le déni de la mala­die de son proche ou la culpa­bi­li­té de ne pas pou­voir l’aider seul. Il y a un gros bou­lot à faire de ce côté-​là. La majo­ri­té des conjoints-​aidants de nos struc­tures sont issus d’une géné­ra­tion de per­sonnes qui se sont mariées en se pro­met­tant de s’aimer à la vie à la mort. Ce n’est pas natu­rel pour elles de deman­der de l’aide. Je pense que ça sera dif­fé­rent avec les pro­chaines géné­ra­tions. 
On les accom­pagne aus­si sur le plan de la san­té men­tale et phy­sique. Ils peuvent souf­frir de dépres­sion, d’angoisse et de divers pro­blèmes de san­té. On a des gens qui ne prennent pas le temps d’aller chez le méde­cin et qui vont par exemple déve­lop­per des patho­lo­gies cardio-​vasculaires. Les aidants que l’on ren­contre sont géné­ra­le­ment des conjoint·es assez âgés. S’occuper d’un proche malade, ça fatigue. Il ne faut pas perdre de vue que beau­coup d’aidants décèdent avant la per­sonne malade. 

Selon le minis­tère des Solidarités, les femmes repré­sentent 57 % des aidant·es. La prise en charge est-​elle dif­fé­rente selon le genre ? 
A.B. :
Oui, car dans le public que l’on ren­contre, en géné­ral, les femmes avaient plus l’habitude de s’occuper des tâches domes­tiques et les hommes des tâches admi­nis­tra­tives. Les rôles s’inversent quand l’un est malade. La femme doit gérer l’administratif et l’homme doit apprendre à gérer le quo­ti­dien. On se retrouve d’un côté ou de l’autre avec des tâches sup­plé­men­taires qu’on n’avait pas l’habitude de faire. Dans ces cas, on inter­vient en fonc­tion des besoins. 

Lire aus­si I « Mon tra­vail ? Veiller à tout… » : des aidant·es épuisé·es témoignent

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