Cette mère condamnée à cinq ans de prison en septembre pour l’enlèvement de sa fille pendant onze ans et pour diffamation envers son ex-mari qu’elle accusait de viol sur ses enfants attend le délibéré de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 4 janvier prochain.
« Soutien à #PriscillaMajani et à toutes les mamans protectrices ». Ces derniers jours, l'affaire Priscilla Majani est devenue le symbole de la difficile lutte des mères pour protéger leurs enfants victimes d'inceste de la part du père. Cette Varoise a été condamnée à Toulon en septembre à cinq ans de prison pour l'enlèvement de sa fille pendant onze ans, non-présentation d'enfant et pour diffamation envers son ex-mari. Priscilla Majani accuse depuis douze ans le père de sa fille Camille de l'avoir violée, faits qui avaient été classés sans suite au début de l'année 2011 malgré le témoignage de la fillette, raconte 20 Minutes.
Alors âgée de 5 ans, Camille avait indiqué lors d'une audition devant la police à la suite d'une plainte pour viol émise par Priscilla Majani contre son ex-compagnon, qui bénéficie d'une garde alternée : « Papa m’a mis le zizi dans les fesses. Il était tout nu. Il m’a même enlevé la culotte. » Au bout de seulement deux jours d'enquête, la plainte avait été classée sans suite. Priscilla Majani et sa fille avaient, un mois après, fui en Suisse et étaient depuis recherchées. C'est à l'occasion d'un contrôle routier en mars 2022 que la quadragénaire a été arrêtée en Suisse puis extradée.
Ayant fait appel de sa condamnation en première instance, Priscilla Majani a à nouveau comparu, cette fois devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le 23 novembre dernier. « J’ai dû quitter mon pays, a‑t-elle reconnu à la barre, rapporte 20 Minutes. J’ai passé onze ans dans la clandestinité. J’avais un très bon salaire. » De son côté, Alain, le père de Camille, a continué à clamer son innocence : « Je vous le reconfirme et je le dis à la Terre entière. Je vais pas encore le répéter 100.000 fois. D’abord, en tant que père, ce n’est pas ma tasse de thé. Je n’ai jamais violé une femme. Je n’ai jamais eu besoin de le faire et je n’ai pas envie de le faire. »
Invocation du "syndrome d'aliénation parentale" par l'avocat général
L'avocat général, qui se range du côté du père, a utilisé la notion très controversée parce que non reconnue par la plupart des psychiatres de « syndrome d’aliénation parentale » de la part de Priscilla Majani sur Camille, pour arguer que l'enfant aurait menti en confiant avoir été violée par son père. Il s'appuie notamment sur le fait qu'à l'époque, une expertise judiciaire avait estimé le ton de la fillette « récitatif » lors de son témoignage. Comme en première instance, le représentant du ministère public a réclamé cinq ans de prison, dont quatre fermes à l'encontre de Priscilla Majani. Le délibéré sera connu le 4 janvier.
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Camille, aujourd'hui âgée de 17 ans, n'était pas présente aux deux audiences et a été placée sous curatelle en Suisse. Refusant de voir son père, elle a par ailleurs porté plainte selon 20 Minutes le 18 novembre contre son père pour violences sexuelles, physiques et psychiques.
Eva Darlan, Andrea Bescond, Enora Malagré
A l'approche du verdict du délibéré, une vague de soutien mêlant personnalités publiques et anonymes envers Priscilla Majani est apparue sur les réseaux sociaux. Utilisant les hashtag #PriscillaMajani ou #JauraisFaitCommeElle, Enora Malagré, Andrea Bescond, Corine Masiero Alex Lutz ou encore Eva Darlan, qui s'affiche comme instigatrice de cette campagne, ces personnes dénoncent la condamnation de Priscilla Majani.
En parallèle, la militante contre les violences sexuelles Sophia Antoine a lancé sur Change.org la pétition Relaxe pour Priscilla Majani !, signée par plus de 9.200 personnes au 26 décembre matin. Dedans, la militante cite des extraits de la lettre de Camille adressée au tribunal de Toulon où s'était tenu le procès de première instance : « Pour moi, la justice qui a traité cette affaire il y a onze ans n’a pas effectué son travail et n’a pas été juste. J’aurais voulu être crue, tout comme ma maman qui m’a crue quand je lui ai révélé les crimes commis par mon père. (…) La justice française n’a pas été capable d‘appliquer une vraie justice. (…) Que l’on accuse ma mère de menteuse est incompréhensible pour moi. C’est moi qui lui ai parlé des horreurs commises par mon père, je me souviens de ces moments. Je sais que tout ce que j’ai dit il y a onze ans est véridique. (…) Je ne comprends pas pourquoi la justice décide de fermer les yeux sur ça, en considérant que ma mère a commis un crime, dans le but de me protéger avant tout, alors que les crimes de mon père sont bien plus graves. »
En novembre 2021, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) avait émis une série des recommandations, parmi lesquelles la suspension des poursuites contre le parent protecteur pour non-présentation d'enfant dès lors qu'une enquête est diligentée pour agression sexuelle ou viol. Le gouvernement prévoit, de son côté, de légiférer pour créer un retrait systématique de l'autorité parentale en cas de condamnation pour inceste, suivant une autre des recommandations de la Ciivise formulées en mars dernier.