girl covering her face with both hands
© Caleb Woods

Inceste : la CIIVISE émet ses pre­mières pré­co­ni­sa­tions pour lut­ter contre les vio­lences sexuelles faites aux enfants

La Commission indé­pen­dante sur l'inceste et les vio­lences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) réa­lise un pre­mier bilan à mi-​parcours et for­mule vingt pré­co­ni­sa­tions. Parmi elles, la néces­si­té de cla­ri­fier l'obligation de signa­le­ment des enfants vic­times de vio­lences par les méde­cins et de sus­pendre les pour­suites dis­ci­pli­naires à l’encontre des méde­cins protecteurs.

Installée pour deux ans par le gou­ver­ne­ment, la Commission indé­pen­dante sur l'inceste et les vio­lences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) réa­lise ce jeu­di un point d'étape, après une pre­mière année d'action. L'organisme se veut être « le point de ren­contre entre la parole des vic­times et la prise de conscience par la socié­té tout entière de l’urgence d’entrer dans une véri­table culture de la pro­tec­tion », expliquent ses co-président·es, le magis­trat expert de la pro­tec­tion de l'enfance Edouard Durand et la direc­trice de l'association Docteurs Bru Nathalie Mathieu. 

Dans ses conclu­sions inter­mé­diaires, la CIIVISE, lan­cée en mars 2020 quelques semaines après la défla­gra­tion pro­vo­quée par la publi­ca­tion de La fami­lia grande de Camille Kouchner, révèle d'abord avoir reçu un nombre très impor­tant de témoi­gnages : 11 400. Parmi eux, 3000 appels télé­pho­niques, 2500 mails et cour­riers et 5750 réponses à un ques­tion­naire en ligne. 

Les résul­tats du ques­tion­naire en ligne per­mettent de mieux cer­ner le pro­fil des vic­times. Selon la CIIVISE, 9 vic­times sur 10 sont des femmes, et 13% sont en situa­tion de han­di­cap. Les filles ont en moyenne 7 ans et les gar­çons 8 ans quand les vio­lences sexuelles sont intra­fa­mi­liales. Iels ont 12 ans quand elles sont com­mises dans l'espace public. Par ailleurs, dans le cadre des vio­lences sexuelles sur les enfants et adolescent·es, 8 per­sonnes sur 10 sont vic­times d'inceste, et le père est l'agresseur dans 1 cas sur 3. 

À lire aus­si I Inceste : appel à témoi­gnages et mise en place d'une pla­te­forme d'écoute pour les victimes

Mieux repé­rer les victimes

La Commission indé­pen­dante for­mule éga­le­ment, dans ses conclu­sions inter­mé­diaires, vingt pré­co­ni­sa­tions répar­ties en quatre axes : le repé­rage, le trai­te­ment judi­ciaire, la répa­ra­tion et la pré­ven­tion.

L'organisme estime que 160 000 enfants sont la cible de vio­lences sexuelles chaque année en France. Il insiste donc dès le début sur l'importance de mettre en place un repé­rage sys­té­ma­tique des vio­lences sexuelles auprès des enfants, mais aus­si auprès des adultes, par les professionnel·les du milieu : infimier·ères, instituteur·rices, professeur·res, méde­cins, avocat·es, éducateur·rices, assistant·es sociaux·ales… Il s'agit pour chaque professionnel·le de poser la ques­tion des vio­lences sexuelles et de l'inceste aux plus jeunes et moins jeunes : rap­pe­ler la loi, l'interdit de la vio­lence, affir­mer que ce n'est pas nor­mal, créer un cli­mat de confiance… La prise de parole est mise en avant car la détec­tion de signes évo­ca­teurs ne suf­fit plus, ces der­niers variant d'une per­sonne à une autre. 

Afin de mieux repé­rer les vic­times de vio­lences, la CIVIISE appelle éga­le­ment à cla­ri­fier l'obligation de signa­le­ment des enfants vic­times de vio­lences par les méde­cins. Et de sus­pendre les pour­suites dis­ci­pli­naires à l’encontre des méde­cins pro­tec­teurs qui effec­tuent des signa­le­ments pen­dant la durée de l’enquête pénale pour vio­lences sexuelles contre un enfant.

Suspendre l'autorité parentale

Concernant le trai­te­ment judi­ciaire des affaires de vio­lences sexuelles, la Commission indé­pen­dante rap­pelle que les besoins des enfants « sont insuf­fi­sam­ment pris en compte au cours des enquêtes et des pro­cès ». Elle pré­co­nise donc que leur parole soit recueillie par des policier·ères et gen­darmes spé­cia­le­ment formé·es et habilité·es, de même pour leur exper­tise psy­cho­lo­gique et pédo­psy­chia­trique par des praticien·nes spé­cia­li­sées, et de déployer sur l’ensemble du ter­ri­toire natio­nal des uni­tés d’accueil et d’écoute pédiatriques.

En cas de clas­se­ments sans suite, ce qui arrive pour 70% des plaintes dépo­sées pour des vio­lences sexuelles selon la CIVIISE, il est aus­si deman­dé à ce que le pro­cu­reur de la République, ou toute per­sonne dési­gnée par lui, explique sys­té­ma­ti­que­ment et ver­ba­le­ment à la vic­time, même si elle est mineure, les rai­sons de cette pro­cé­dure. Afin qu'elle l'accepte « le mieux pos­sible ». En cas de pro­cès, la Commission indé­pen­dante appelle éga­le­ment à ce que la vic­time, lorsqu'elle se consti­tue par­tie civile, puisse faire appel des déci­sions pénales sur l'action publique (culpa­bi­li­té et peine), et pas seule­ment sur l'action civile (inté­rêts et dom­mages), comme c'est le cas actuellement. 

L'organisme conseille enfin de pré­voir dans la loi la sus­pen­sion de plein droit de l’exercice de l’autorité paren­tale et des droits de visite et d’hébergement du parent pour­sui­vi pour viol ou agres­sion sexuelle inces­tueuse contre son enfant. Mais éga­le­ment, d'inscrire le retrait sys­té­ma­tique de l'autorité paren­tale en cas de condam­na­tion.

À lire aus­si I Inceste : la Commission indé­pen­dante tor­pille le "syn­drome d'aliénation parentale"

Prévenir les vio­lences sexuelles

Dans ses conclu­sions inter­mé­diaires, la CIVIISE sou­ligne qu'une « exi­gence de répa­ra­tion est néces­saire » et insiste sur deux néces­si­tés : garan­tir la mise en place de soins spé­cia­li­sés en psy­cho­trau­ma et l’indemnisation des vic­times. Concernant ce der­nier point, elle pré­co­nise de rem­bour­ser l'intégralité des frais du méde­cin conseil, de recon­naître un pré­ju­dice intra­fa­mi­lial spé­ci­fique à l'inceste et de recon­naître de façon plus juste le pré­ju­dice sexuel. Comme il est dif­fi­cile d'évaluer pen­dant l'enfance les pré­ju­dices des vio­lences sexuelles, il est éga­le­ment pro­po­sé de répa­rer le pré­ju­dice sous la forme d'une somme d'argent lorsque la vic­time est mineure, puis de rééva­luer le mon­tant à l'âge adulte.

Enfin, s'il est néces­saire de mieux repé­rer les enfants vic­times de vio­lences sexuelles, il est tout aus­si impor­tant de pré­ve­nir ces der­nières, insiste la Commission indé­pen­dante. Elle conseille donc de ren­for­cer la for­ma­tion ini­tiale et conti­nue des professionnel·les avec un module spé­ci­fique. De les for­mer au res­pect de l'intimité cor­po­relle de l'enfant. Et d'assurer la véri­table mise en œuvre de séances d'éducation à la vie affec­tive et sexuelle à l'école.

Pour la CIVIISE, ces pré­co­ni­sa­tions, « aus­si pré­cises qu'ambitieuses », sont « réa­li­sables sans attendre » : « Elles pour­ront être mises en pra­tique effi­ca­ce­ment. Elles garan­ti­ront plus de pro­tec­tion pour les enfants car à la stra­té­gie de l’agresseur, il faut oppo­ser une stra­té­gie de pro­tec­tion. » Elle entend pour­suivre ses tra­vaux jusqu'à 2023, et sou­ligne évi­dem­ment que « la pro­tec­tion des enfants n’attend pas ».

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.