Face à la déconsidération de leur ministère, les enseignant·es appellent à la grève aujourd’hui. Voici ce à quoi il faut s’attendre pour cette journée de mobilisation.
“Exaspérés”, les enseignant·es sont appelé·es à la grève et à manifester partout en France, ce jeudi 1er février, pour “lancer un avertissement” au gouvernement sur leurs conditions de travail, leurs salaires et l’école publique. Une “colère” attisée par les déclarations de leur ministre, Amélie Oudéa-Castéra.
“On espère que les profs seront nombreux dans la rue, car ça suffit”, explique Benjamin Marol, professeur d’histoire-géographie en collège à Montreuil (Seine-Saint-Denis). “Je ressens un mélange de sentiments : la colère, toujours, et depuis un moment, mais aussi
l’exaspération, l’incompréhension : pourquoi aller chercher des recettes comme l’uniforme, les groupes de niveau, qui n’ont jamais marché ? Et en plus portées par des amateurs comme la nouvelle ministre qui est, disons-le, incompétente”, ajoute-t-il.
Cet appel à la grève à destination des enseignant·es et de l'ensemble des personnels de l'éducation a été lancé en décembre, avant l'arrivée d'Amélie Oudéa-Castéra rue de Grenelle pour succéder à Gabriel Attal, nommé à Matignon.
À Paris, une manifestation partira à 14 heures du Luxembourg en direction du ministère de
l’Éducation nationale, à l’appel des principaux syndicats enseignants (FSU, CGT, FO, SUD-
Éducation, UNSA-Éducation, SGEN-CFDT). D’autres sont annoncées dans de nombreuses
villes, parfois dès le matin comme à Marseille, Rennes ou Nantes. Dans l’entourage d’Amélie Oudéa-Castéra, on estime que “le mouvement de grève devrait être relativement suivi”.
"La situation s'est aggravée"
Dans le primaire (écoles maternelles et élémentaires), la FSU-SNUipp, principal syndicat du premier degré, table sur “une moyenne de 40 % de grévistes sur le territoire”. L’organisation prévoit “65 % de grévistes à Paris, plus de 50 % dans le Val-de-Marne, la Drôme, l’Ardèche ou encore dans les Pyrénées-Atlantiques” et “des centaines d’écoles fermées”.
Cette mobilisation sera "un avertissement lancé au gouvernement", qui "reste sourd" face
aux alertes "sur le quotidien, la souffrance au travail ainsi que sur le manque de reconnaissance notamment salariale", souligne le syndicat, pour qui "la situation s'est
aggravée avec la nomination d'une ministre à temps partiel qui s'est discréditée".
Promue il y a trois semaines à la tête d’un super-ministère, dans lequel l’Éducation et la Jeunesse s’ajoutent aux Sports et aux Jeux olympiques dont elle avait déjà la charge, “AOC” a cristallisé le mécontentement du monde enseignant.
"On a eu un retour de congés de fin d'année sous forme de douche froide", résume Élisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du syndicat SE-Unsa. "On a changé à nouveau le pilote", avec le départ de Gabriel Attal, resté moins de six mois à l'Éducation, "et puis s'est rajoutée à cette déstabilisation la nomination d'une ministre qui a eu un début catastrophique", poursuit-elle. Dans les cortèges de manifestant·es, le nom de la nouvelle ministre pourrait occuper une place importante.
“Ministre hors sol”
“Je serai dans la rue pour dire mon désaccord profond aux groupes de niveau au collège, mais aussi contre les propos de la ministre sur l’école publique”, témoigne Anne, prof de mathématiques à Nice. “Comme beaucoup, je me suis sentie blessée, humiliée par une ministre complètement hors sol”, lance-t-elle.
Les déclarations polémiques de la ministre dès sa prise de fonction, qui a justifié l'inscription de ses enfants à l'établissement privé élitiste Stanislas par "des paquets d'heures pas sérieusement remplacées" dans le public, affirmations démenties ensuite par l'ex- enseignante de son fils en maternelle, ne sont toujours pas passées.
Depuis, la ministre s’efforce de déminer. Elle mène “un travail minutieux”, assure l’entourage d’une ministre qui, mardi soir, s’en est pris à celles et ceux qui, “même au sein du Parlement”, font d’elle le “symbole d’une caste” à “abattre”.
Mais même au sein de la majorité, le doute demeure. "La difficulté, c'est qu'en six mois, on est arrivés à se créer une crédibilité en salle des profs. Et en trois jours, c'était fini", regrette un cadre de la majorité à l'Assemblée.
Pour le député écologiste Benjamin Lucas, "un premier signal d'apaisement" envers la "communauté éducative" serait de lui "offrir une interlocutrice ou un interlocuteur" et "donc de changer le ministre de l'Éducation nationale et des Sports".
Lire aussi I “Mépris”, “honte” : les profs disent leur ras-le-bol face aux propos d’Amélie Oudéa-Castera