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© Hà Nguyễn

Le som­meil désyn­chro­ni­sé dans les couples, un révé­la­teur d'inégalité sociale

Dans une étude publiée il y a quelques jours, l'Insee met en évi­dence les inéga­li­tés sociales et de genre jusque dans le lit, grâce à l'étude de la désyn­chro­ni­sa­tion du som­meil au sein d'un couple. Résultat : les couples de cadres ont un som­meil plus syn­chro­ni­sé que les couples d'ouvrier·ères.

Dormir en même temps que son ou sa conjoint·e serait un luxe que tous les couples ne peuvent pas se per­mettre. C’est ce que montre l’Insee dans une étude publiée le 6 avril der­nier : la syn­chro­nie du som­meil d’un couple ne serait pas la même en fonc­tion de la caté­go­rie sociale. L’étude a été réa­li­sée à par­tir d'enquêtes Emploi du temps faites à plu­sieurs inter­valles : 1985–1986, 1998–1999 et 2009–2010. Chacun·e des enquêté·es devait rem­plir un car­net indi­quant l'ensemble des acti­vi­tés de sa jour­née. L’échantillon final se com­pose de 19 076 jour­nées de couples différents. 

Le constat est édi­fiant : chez les couples dont le som­meil n'est pas syn­chro­ni­sé, le déca­lage entre les deux conjoint·es est de 1 h 45 pour les cadres, 2 h 45 chez les couples d’employé·es. Il atteint 3 h 00 pour les couples d’ouvrier·ères. Un écart d’1 h 15, entre la caté­go­rie socio-​professionnelle la plus éle­vée et la plus basse, consé­quence de plu­sieurs facteurs.

Le pre­mier et le plus évident : le tra­vail. Car si les nuits sont désyn­chro­ni­sées, c’est avant tout parce que les jour­nées le sont aus­si. Or, qui a le plus de contrôle sur l’organisation de ses jour­nées ? Les patrons, davan­tage que les ouvriers. Un rac­cour­ci qui paraît sim­pliste, mais que l’étude confirme. Elle rap­pelle ain­si que : « Les indi­vi­dus les moins qua­li­fiés ont plus sou­vent des horaires de tra­vail dis­cor­dant avec ceux de leur par­te­naire et il en va de même de leurs horaires de som­meil. Plus les conjoints sont libres dans la déter­mi­na­tion de leurs horaires de tra­vail, plus leur som­meil est syn­chro­ni­sé. » À l’inverse : « Moins les horaires de tra­vail concordent, moins les conjoints passent de temps ensemble et moins ils peuvent coor­don­ner le som­meil. » Ainsi, le som­meil des couples où les deux per­sonnes sont cadres homo­games est syn­chro­ni­sé à 82% quand ce n’est le cas que de 73 % du som­meil des couples où les deux per­sonnes sont ouvrières. 

Mais la désyn­chro­ni­sa­tion atteint son apo­gée lorsque l’un des conjoints exerce un métier de nuit : agent·es d’entretien, gardien·nes, infirmier·ères, éboueur·eures, boulanger·ères… Des pro­fes­sions qui conduisent l'un·e des conjoint·es à adop­ter un som­meil diurne. « Notre socié­té a besoin de ces per­sonnes qui ont des horaires par­fois déca­lés mais qui exercent des métiers assez peu valo­ri­sés » constate pour Causette Anne Brunner, direc­trice d'études à l'Observatoire des inéga­li­tés. « D’ailleurs, 13, 5 % des ouvriers tra­vaillent entre minuit et 5 h du matin, alors que cela ne concerne que 5 % des cadres. » Un déca­lage qui s’est ren­for­cé au fil des années. De plus en plus de femmes exercent des métiers de nuit. Ainsi l'étude pointe que « les couples où la femme tra­vaille la nuit et dort le jour res­tent mar­gi­naux, mais concerne 2,3 fois plus de couples en 2009 qu’en 1985. Les couples où la femme se lève tôt aug­mentent de 18 % sur la même période. »

Comme le tra­vail, la télé désynchronise 

Si l’activité pro­fes­sion­nelle est une contrainte subie face à laquelle les conjoint·es ont peu de prise, elle n’est pas la seule rai­son der­rière la désyn­chro­ni­sa­tion du som­meil : les loi­sirs jouent aus­si un rôle non-​négligeable. C’est par­ti­cu­liè­re­ment le cas de l’un d’entre eux, qui occupe une place de choix dans les soi­rées : la télé­vi­sion. Une pré­sence qui ne cesse d’augmenter au fil des années. D'après l'Insee « d’un quart d’heure en 1985, la télé­vi­sion repré­sente une demi-​heure de désyn­chro­ni­sa­tion en 2009. » Exception faite pour les couples où au moins une des deux per­sonnes est cadre. 

Car qui dit inéga­li­tés sociales dit aus­si dif­fé­rence dans la pra­tique des acti­vi­tés de loi­sirs. « Les caté­go­ries supé­rieures ont ten­dance à pri­vi­lé­gier les acti­vi­tés dites ''actives'' (acti­vi­tés pro­fes­sion­nelles, spor­tives, asso­cia­tives ou cultu­relles par exemple) au détri­ment des acti­vi­tés dites ''pas­sives'' comme le som­meil et la télé­vi­sion, alors que les indi­vi­dus les moins bien dotés et les inac­tifs y consacrent davan­tage de temps. » Il s’avère qu’au sein des couples de cadres, la télé­vi­sion entraîne une désyn­chro­ni­sa­tion de 12 min. Elle est de 25 minutes chez les couples d’ouvriers. 

Quand Monsieur dort, Madame nettoie 

L’étude n’a été réa­li­sée que sur des couples hété­ro­sexuels vivant ensemble afin d’étudier les dif­fé­rences de genre. Peu importe la classe sociale, le constat est le même : les femmes se lèvent en moyenne 30 minutes plus tôt que les hommes. Elles quittent le lit pour effec­tuer des acti­vi­tés col­lec­tives comme… les tâches ména­gères. « Tous types d’organisation [du couple] confon­dus, les femmes consacrent en moyenne 20 minutes aux tâches ména­gères pen­dant le som­meil de leur conjoint, soit une durée quatre fois plus longue que celle qui y est consa­crée par les hommes pen­dant le som­meil de leur conjointe. » Les femmes se lèvent plus tôt pour s’occuper du reste de la mai­son, quand les hommes, tirés de leur réveil avant l’heure, dédient ce temps à des acti­vi­tés dites « per­son­nelles » comme l'hygiène, la lec­ture ou la télévision. 

Quelles consé­quences à cette désyn­chro­ni­sa­tion du som­meil sur la vie à deux ? Difficile à dire, tant chaque couple et chaque situa­tion dif­fèrent. Mais plus le déca­lage est impor­tant, plus le reste du quo­ti­dien est impac­té. Pour Florence Escaravage, créa­trice de Love Intelligence, un site de coa­ching amou­reux, les consé­quences dépendent moins de la caté­go­rie sociale que de la capa­ci­té du couple à gérer le déca­lage : « Tous les couples vont vivre des évè­ne­ments exté­rieurs qui viennent les désta­bi­li­ser. Evidement, ne pas dor­mir ensemble est un évè­ne­ment sup­plé­men­taire. Le tout c'est : qu'est-ce qu'on en fait pour palier cette dif­fi­cul­té là ? »

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