La réalisatrice féministe, Andréa Bescond, a été condamnée hier par le tribunal de Caen pour diffamation à l’encontre de l’athlète Wilfried Happio, placé en garde à vue pour agression sexuelle en décembre 2022. Elle dénonce auprès de Causette une procédure bâillon, qui consiste à attaquer en diffamation les personnes qui dénoncent des violences sexuelles.
Le verdict est tombé hier. Pour avoir écrit « On va pouvoir monter le club des athlètes violeurs » , au sujet du sportif Wilfried Happio accusé de violences sexuelles, la réalisatrice féministe, Andréa Bescond, a été condamnée, jeudi 7 septembre, pour diffamation. L’athlète avait été placé en garde à vue pour agression sexuelle en décembre 2022.
. La militante féministe a été condamnée par le tribunal judiciaire de Caen (Calvados) à une amende de 2000 euros avec sursis, mais aussi à verser 1500 euros de dommages et intérêts à Wilfried Happio ainsi que le remboursement de ses frais d’avocats. Andréa Bescond était poursuivie par l’athlète de 24 ans pour l’avoir mentionné dans l’un de ses célèbres « posts noirs », dans lesquels elle interpelle, écriture blanche sur fond noir, régulièrement des hommes accusés de violences ainsi que les dysfonctionnements de la justice dans ce type d’affaires
Le 20 décembre 2022. Quelques heures après l’annonce de la mise en garde à vue d’Happio, Andréa Bescond rédige donc un de ces posts noirs dans lequel elle écrit : « Tu es Wilfried Happio. Tu es un athlète professionnel. Tu es en garde à vue car tu es accusé d’agressions sexuelles. On va pouvoir monter le club des athlètes violeurs » en référence aux nombreuses accusations de violence sexistes et sexuelles qui émaillent le milieu du sport depuis quelques mois.
Wilfried Happio avait été placé en garde à vue dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte après une plainte pour agression sexuelle déposée par une athlète de 19 ans. Les faits se seraient déroulés le 20 septembre 2021 à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) au retour d’une soirée organisée par un sponsor commun aux deux athlètes. La jeune femme dénonçait des attouchements répétés. Cinq mois avant sa mise en garde à vue, Wilfried Happio avait été frappé au visage lors des championnats de France d’athlétisme par le frère de la victime présumée. En juin dernier, la plainte de la jeune femme avait été classée sans suite par le parquet de Paris.
C’est donc pour avoir écrit « On va pouvoir monter le club des athlètes violeurs » que Andréa Bescond a été condamnée hier par le tribunal. « Je savais très bien que j’allais être condamnée, a réagi la réalisatrice auprès de Causette. Je suis arrivée au tribunal à 8h30 et j’ai été jugée toute la matinée. Le juge a fait tout un laïus comme quoi, je me prenais pour une justicière, ça m’a rappelé l’école et son principe punitif. »
Andréa Bescond a d'ores et dejà prévu de faire appel de cette condamnation. « En tant qu’avocate spécialisée, je suis choquée par le montant des dommages-intérêts de 1 500 euros, c’est habituellement ce qui est accordé comme préjudice moral aux parents d’enfants victimes d’agression sexuelle », a de son côté ajouté son avocate, Me Marie Grimaud.
Pour Andréa Bescond et son avocate, Me Marie Grimaud, derrière la décision du tribunal de Caen, il y a surtout une volonté de condamner le militantisme de la réalisatrice et, notamment, ses posts noirs. « La justice souhaite museler les gens qui dénoncent et qui pointent ses défaillances, elle m’a condamnée pour que je ferme ma gueule, mais ça ne me touche pas, affirme Andréa Bescond. C’est la première fois que je suis condamnée, mais ce n’est sûrement pas la dernière. »
L’artiste féministe compte en effet continuer « [son] combat » digital pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles. « Je n’ai plus peur de rien, j’ai été violée à 9 ans, j’ai déjà la mort en moi, a réagi l'artiste dans une vidéo postée ce vendredi matin sur son poste Instagram dans laquelle elle s’adresse à la justice. C’est mon but dans la vie, faire que ça n’arrive plus à d’autres personnes. »
C’est pourquoi, elle compte désormais aller plus loin. « Je vais proposer aux gens de faire leur propre post-noir, annonce-t-elle à Causette. Ça prend 20 minutes, il suffit d’ouvrir un moteur de recherche et d’y taper “Il viol” ou “Il frappe” pour tomber sur des dizaines d’affaires de violences sexuelles ou de violences conjugales. Il faut seulement vérifier la source et respecter le conditionnel. On doit tous le faire, c’est nécessaire qu’on informe sur les violences et les dysfonctionnements de la justice. »
Accusation de violences volontaires
Andréa Bescond rappelle également que les accusations de violences portaient à l’encontre de Wilfried Happio en 2022 n’étaient pas les premières. Deux ans plus tôt, son ex-petite amie et athlète, elle aussi, Janet Scott, avait en effet déposé plainte à son encontre pour violences volontaires. Elle l’accusait de l’avoir frappé sur le parking d’un restaurant quelques mois plus tôt. Dans une story Instagram, Wilfried Happio avait reconnu les faits tout en affirmant « avoir répondu à la violence par la violence ».
En décembre 2020, la commission disciplinaire de première instance de la Fédération française d’athlétisme avait relaxé le coureur, estimant que les faits n’étaient « pas suffisamment établis » et s’était dite incapable « d’établir si M. Happio a agressé Mme Scott ou s’il a agi en situation de légitime défense ».