Emmanuel Macron, invité ce vendredi matin de France Inter, a admis que les résultats de son quinquennat concernant les violences aux personnes, et en particulier les violences conjugales dont résultent les féminicides, « ne sont pas bons ». Il a promis d’« intensifier » cette lutte, prenant l’Espagne en exemple.
Ce vendredi matin sur France Inter, à deux jours du deuxième tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a, semble-t-il, amorcé un léger mea-culpa, concernant son bilan en matière de lutte contre les féminicides. Si le président-candidat a estimé avoir obtenu de « bons résultats sur le terrorisme, les vols et les cambriolages », il a reconnu que ces derniers « ne sont pas assez bons sur les violences aux personnes ». Avant de préciser : « Quand on décompose ce chiffre, il est à 80% constitué par les violences intra-familiales et en particulier par le sujet des féminicides. Et c’est pourquoi j’en fais une priorité pour les prochaines années. »
Les chiffres ne sont, en effet, pas du côté du chef de l’État. En France, en 2021 par rapport à 2020, les plaintes pour violences intra-familiales ont augmenté de 14% et celles pour violences sexuelles ont connu une hausse de 33%, selon les premières données du service statistique du ministère de l'Intérieur sur l'insécurité et la délinquance, diffusées fin janvier. Toujours l’année dernière, 113 femmes ont été victimes d’un féminicide, selon Nous Toutes, contre 102 en 2020. Ces deux données sont certes en baisse par rapport à 2019, avec 153 féminicides comptabilisés, mais restent tout de même importantes.
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En avance sur le sujet ?
Le mea-culpa d’Emmanuel Macron a été de courte durée. Il a, tout de suite après, affirmé avoir été le premier à aborder la question des violences faites aux femmes, dès son premier meeting, à Strasbourg, le 4 octobre 2016 : « Il y a cinq ans on ne prenait même pas les plaintes, c’est ce que nous disaient les femmes et les associations, on ne prenait que des mains courantes. Quand je disais que la priorité était le harcèlement et l’insécurité des femmes dans les transports en commun, tout le monde se marrait. On disait : "Lui c’est un charlot il n’a aucun programme."» Dans son discours de Strasbourg mis en ligne sur le site d’En Marche !, nulle trace pourtant de ces allusions au harcèlement et à l’insécurité des femmes.
Il s’est ensuite félicité de la mise en place du délit d’outrage sexiste ou sexuel, de la libération de la parole qui en a émané, de la formation de la police et de la gendarmerie concernant les violences sexuelles (« Tous ceux qui sortent sont formés sur le sujet »), et des moyens également mis du côté de la justice.
Un bilan en la matière qu’Oxfam jugeait « petit » dans un rapport publié au début du mois de mars. L’ONG observait, par exemple, concernant l’outrage sexiste, que « la principale limite de ce dispositif est que les flagrants délits [qui conditionnent l’infraction, ndlr] sont rares ». Elle déplorait également une sous-utilisation du téléphone grave danger, du bracelet électronique anti-rapprochement et tançait l’accompagnement des victimes et la prise en charge des plaintes par la police. Comme en atteste notamment l’apparition du mouvement #DoublePeine, critiquant l’accueil des plaignantes dans les commissariats, malgré une formation initiale et continue existante pour les forces de l’ordre.
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L’exemple de l’Espagne
Le président-candidat a enfin, dans sa volonté de prolonger la lutte contre les violences faites aux femmes lors de son prochain quinquennat, pris l’exemple de l’Espagne, pionnière sur le sujet. En 2004, les députés espagnols ont adopté une loi de protection intégrale contre les violences de genre, créant un parquet et des tribunaux spécialisés, mettant en place un système informatique de suivi et de protection des victimes et généralisant le port du bracelet anti-rapprochement pour les agresseur·ses. Depuis cette date, le nombre de féminicides a chuté de 24% chez nos voisins espagnols, comme le rapporte l’Humanité.
Face à cette législation en avance sur la France et les autres pays européens, et les résultats plus que probants qui en découlent, Emmanuel Macron souhaite donc « continuer de former et accompagner nos magistrats pour qu’ils puissent utiliser à plein et davantage le système de bracelets électroniques », la justice étant selon lui « un point clé » dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Il assure aussi vouloir mieux accompagner les associations et intensifier l’éducation des jeunes garçons « de telle sorte qu’ils ne soient pas violents avec leur compagne ». « Ce qu’on a commencé il y a trois ans, il faut maintenant l’intensifier. Je ne lâcherai rien là-dessus. (…) Je mettrai tous les moyens pour que le chiffre [des féminicides, ndlr] baisse et qu’on arrive à lutter contre ça », assure-t-il, à deux jours d’un scrutin fatidique.