Ces femmes et enfants arrivé·es de plusieurs pays d'Afrique avaient auparavant investi un ancien restaurant insalubre de Montreuil avant que la mairie ne prenne un arrêté d’extrême urgence début juin.
Hélène, Salimata, Mariam, Houaria, Afousiata et leurs compagnes d’infortune ont trouvé refuge depuis le 9 juin dans des bureaux vides et abandonnés à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Une situation précaire, mais meilleure que celles que ces cent vingt femmes et enfants connaissaient jusqu’à présent. Iels vivaient depuis trois semaines à quelques rues de là, avenue Pasteur, dans un ancien restaurant asiatique insalubre et abandonné. Les deux salles du restaurant vétuste – dont l’une a le toit qui s’effondre – avaient été transformées en dortoir. « Elles vivaient dans l’insalubrité la plus totale », souligne à Causette une membre du Collectif Pasteur, composé d’habitant·es du quartier qui viennent en aide à ces femmes depuis la mi-mai.
Avant de poser leurs maigres bagages à Montreuil, ces femmes venues de Somalie, de Côte d'Ivoire, du Mali, de Guinée ou du Cameroun, survivaient depuis quelques mois dans des tentes de fortune près du périphérique, porte de Bagnolet. Isolées, enceintes pour treize d’entre elles, les réfugiées avaient finalement décidé de se regrouper et de s’installer dans le fameux restaurant. Une décision jugée « dangereuse » par les politicien·nes locaux·ales.
« Il y avait une réelle dangerosité »
Le 17 mai, soit cinq jours après leur arrivée, la mairie de la ville de Montreuil – qui se trouve à 50 mètres du squat – prend ainsi un « arrêté d’extrême-urgence », pour demander l’évacuation des lieux. La situation s’enlise jusqu'à début juin lorsqu’un rapport est demandé par la préfecture de Seine-Saint-Denis. Ce dernier rend des conclusions alarmantes. Il pointe un « danger grave et imminent » lié au risque de chute d’éléments depuis le plafond et au risque d’électrocution et d’incendie lié aux branchements électriques illégaux, ainsi qu’un risque de maladies voire d’épidémie. « Il y avait une réelle dangerosité », explique la mairie de Montreuil à Causette. L’expert formule une préconisation : évacuer l’ensemble des occupant·es dans les 48 heures.
Pour ce faire, la mairie prend un nouvel arrêté de péril et d’extrême urgence. Menacées d’expulsion par la préfecture àtout moment, les femmes préfèrent alors quitter les lieux le 9 juin en quête d’un nouveau lieu. « La seule mise à l’abri proposée consistait à les remettre à la rue », dénonce le collectif Pasteur. Plutôt que la rue, le groupe choisira donc des bureaux vides situés dans la commune.« C’est un endroit sain pour vivre, la toiture est correcte, il y a même des pièces séparées, soutient le collectif. C’est parfaitement adapté. »
En matière de squat, la loi française prévoit une procédure d'expulsion accélérée dans laquelle le·la propriétaire des lieux doit faire constater l’occupation illégale par les forces de l’ordre et demander une évacuation forcée au préfet dans un délai de 48 heures. Au-delà, le·la propriétaire sera contraint·e d’engager une procédure judiciaire. La propriétaire des bureaux de Montreuil ayant porté plainte après ce délai de 48 heures, ces femmes et leurs enfants ne sont plus expulsables pour l'instant. « Elles sont toujours menacées d’expulsion à moyen terme mais la procédure prendra plusieurs mois voire un an ou deux, précise la membre du collectif. Elles sont en sécurité pour quelques temps au moins. »
Réquisition d’un logement public
En parallèle, le collectif a fait une demande auprès de la préfecture de la Seine-Saint-Denis pour obtenir la réquisition d’un logement public vide. « Il y a urgence, il y a un bébé de 15 jours qui maigrit à vue d’œil car sa mère ne mange pas suffisamment pour pouvoir l’allaiter convenablement et trois femmes vont accoucher avant fin juillet », alerte le collectif Pasteur, qui a mis en place une collecte sur la plateforme Helloasso pour acheter des produits de première nécessité.
Contactée par Causette, la préfecture n’a pas souhaité répondre à nos questions, prétextant ne pouvoir répondre « en raison de la période de réserve, en vigueur jusqu'à dimanche ». De son côté, la mairie assure « poursuivre les négociations avec le préfet pour que des solutions de relogement pérennes soient trouvées dans les meilleurs délais ». La municipalité a également assuré ne pas prévoir d’émettre un arrêté d’expulsion, « le nouveau lieu étant vétuste mais pas dangereux ».