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Dérives sec­taires : un nou­veau délit créé contre les “gou­rous 2.0” et leurs remèdes miracles

Face à l’essor des dérives sec­taires, le Parlement a défi­ni­ti­ve­ment adop­té mar­di un nou­veau délit visant notam­ment les “gou­rous 2.0” et leurs pré­ten­dus remèdes miracles pro­mus sur Internet. Une mesure contro­ver­sée sur fond d’inquiétudes pour la liber­té d’expression.

Ce mar­di soir, le Parlement a offi­ciel­le­ment adop­té un délit visant notam­ment les “gou­rous 2.0” et leurs pré­ten­dus remèdes miracles pro­mus sur Internet. Député·es et sénateur·rices n’étant pas parvenu·es à s’accorder sur cette dis­po­si­tion sen­sible, c’est l’Assemblée natio­nale qui a eu le der­nier mot. Elle a défi­ni­ti­ve­ment adop­té ce texte, por­té par le gou­ver­ne­ment, mar­di soir, avec 146 voix contre 104. 

Pour mieux lut­ter contre des pro­messes dan­ge­reuses comme celles d’une gué­ri­son du can­cer par des “injec­tions de gui” ou la consom­ma­tion de “jus de citron”, le pro­jet de loi crée un délit de pro­vo­ca­tion à l’abandon ou à l’abstention de soins. Il est pas­sible d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, voire trois ans de pri­son et 45 000 euros d’amende quand l’incitation a été sui­vie d’effets. Est visée “la pro­vo­ca­tion, au moyen de pres­sions ou de manœuvres réité­rées” à “aban­don­ner ou à s’abstenir de suivre un trai­te­ment médi­cal thé­ra­peu­tique ou pro­phy­lac­tique”, lorsque cet aban­don “est pré­sen­té comme béné­fique pour la san­té”, alors qu’il peut avoir des “consé­quences par­ti­cu­liè­re­ment graves”.

“Il est impé­ra­tif de lut­ter contre ce fléau” des dérives sec­taires qui “fait des mil­liers de vic­times chaque année”, a plai­dé dans l’hémicycle la secré­taire d’État Sabrina Agresti-​Roubache, visant notam­ment la “sphère com­plo­tiste” sur Internet. Mais “il n’est pas dans l’intention du gou­ver­ne­ment d’interdire la cri­tique médi­cale”, “d’empêcher les malades de déci­der en toute conscience et plei­ne­ment éclai­rés de prendre ou de s’abstenir d’un trai­te­ment”, ni “d’épingler les dis­cus­sions fami­liales ou ami­cales”, a‑t-​elle insis­té. Elle répli­quait aux inquié­tudes expri­mées dans les oppo­si­tions, par les député·es insoumis·es, com­mu­nistes, Les Républicains (LR) et Rassemblement natio­nal (RN), qui ont voté contre le texte, aler­tant sur une menace pour les “liber­tés publiques”, notam­ment des per­sonnes cri­ti­quant l’industrie pharmaceutique.

"Sujétion psy­cho­lo­gique"

Plusieurs par­le­men­taires ont invo­qué, lors des débats, le cas de la lan­ceuse d’alerte Irène Frachon et de son rôle déci­sif dans l’affaire du Mediator, ce médi­ca­ment contre le dia­bète uti­li­sé comme coupe-​faim et res­pon­sable de graves patho­lo­gies. “Les lan­ceurs d’alerte seront désor­mais muse­lés”, a dénon­cé le dépu­té RN Thomas Ménagé, cri­ti­quant l’adoption d’une mesure “atten­ta­toire à la liber­té d’expression comme à la liber­té du débat scien­ti­fique”.

Lire aus­si l Procès en appel du Mediator : Irène Frachon repart au front

En pre­mière lec­ture, l’ambiance élec­trique dans l’hémicycle et une série de passes d’armes avec le RN avaient ravi­vé les plaies des débats hou­leux sur le pass sani­taire et des vac­cins contre le Covid. “Votre objec­tif affi­ché de pro­tec­tion des vic­times est louable”, a esti­mé pour sa part la dépu­tée LFI élisa Martin, “mais à défaut de moyens, ce texte se contente d’empiler des peines et des sanc­tions en contra­dic­tion avec les liber­tés fon­da­men­tales”.

Face aux réti­cences des oppo­si­tions, il avait fal­lu deux votes à l’Assemblée pour adop­ter la prin­ci­pale mesure du texte en pre­mière lec­ture mi-​février. L’article, réécrit après avoir été sup­pri­mé, pré­serve la “liber­té d’expression” et “le rôle des lan­ceurs d’alerte”, a plai­dé la rap­por­teure Renaissance du texte Brigitte Liso (Nord), qui a été sou­te­nue par les socia­listes. Un sou­tien qui “n’est pas un qui­tus pour le gou­ver­ne­ment, ni sa poli­tique, ni même pour les moyens qui manquent encore pour ce texte” et la lutte contre les nou­velles formes des dérives sec­taires, a dit le dépu­té PS Arthur Delaporte. 

Le pro­jet de loi pré­voit éga­le­ment un délit de pla­ce­ment ou de main­tien en état de “sujé­tion psy­cho­lo­gique”, afin de mieux appré­hen­der les “spé­ci­fi­ci­tés de l’emprise sec­taire”, selon le gou­ver­ne­ment. Brigitte Liso a sou­li­gné que “le nombre de signa­le­ments” de dérives sec­taires avait “presque dou­blé entre 2015 et 2021”, avec 4 020 cas enre­gis­trés en 2021.

Lire aus­si l Santé : les dan­gers du crudivorisme

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