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© Clay Banks / Unsplash

IVG ins­tru­men­tales : les sages-​femmes dénoncent une demi-avancée

Depuis dimanche, les sages-​femmes peuvent pra­ti­quer des IVG ins­tru­men­tales en milieu hos­pi­ta­lier, mais seule­ment si quatre méde­cins sont aus­si présent·es sur site. Les professionnel·les dénoncent une attaque "insi­dieuse" à l’IVG.

L’annonce est enfin tom­bée au Journal offi­ciel. Depuis dimanche der­nier, les sages-​femmes peuvent pra­ti­quer des inter­rup­tions volon­taires de gros­sesse (IVG) ins­tru­men­tales en milieu hos­pi­ta­lier, jusqu’à 14 semaines de gros­sesse. L’intervention, qui consiste à aspi­rer le conte­nu de l’utérus après dila­ta­tion du col, est réa­li­sée sous anes­thé­sie locale ou géné­rale. Elle n’était pra­ti­quée jusqu’à pré­sent que par les méde­cins tan­dis que les sages-​femmes étaient déjà habi­li­tées à pra­ti­quer l’IVG médi­ca­men­teuse depuis 2016.

Votée dans la loi "Gaillot" de mars 2022 visant à ren­for­cer le droit à l’avortement, la mesure devait "consti­tuer une réponse forte aux dif­fi­cul­tés d’accès" à l’avortement sur le ter­ri­toire et en réduire donc les inéga­li­tés. Expérimentée pen­dant plus d’un an dans vingt-​six éta­blis­se­ments pilotes, sa publi­ca­tion au Journal offi­ciel a été saluée par le ministre de la Santé Aurélien Rousseau sur X (ancien­ne­ment Twitter), qui y voit une « avan­cée concrète pour un droit à pro­té­ger tous les jours ». Tandis que la ministre char­gée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Bérangère Couillard, assu­rait mar­di der­nier lors d’une visite à la Salpêtrière – l’un des pre­miers éta­blis­se­ments pilotes – que tout « se passe bien par­tout où [elle] va ».

Lire aus­si I IVG ins­tru­men­tale : en milieu hos­pi­ta­lier, les sages-​femmes pour­ront bien­tôt s'en charger

Un son de cloche confiant qui dif­fè­re­rait pour­tant bien de la réa­li­té du ter­rain. Dans un com­mu­ni­qué envoyé ce mar­di 19 décembre, l’association des sages-​femmes ortho­gé­nistes (ANSFO), l’association natio­nale des centres d’IVG et de Contraception, le Collectif « Avortement en Europe, les femmes décident » et le Planning Familial alertent effec­ti­ve­ment sur une des condi­tions du décret et dénoncent « une bataille idéo­lo­gique contre l’IVG ins­tru­men­tale ».

Si le décret d’application indique bien que les sages-​femmes peuvent réa­li­ser des IVG ins­tru­men­tales sans inter­ven­tion d’un·e méde­cin, l’article 1 pré­cise tou­te­fois que l'intervention est sou­mise a une stricte condi­tion. Une sage-​femme pour­ra pra­ti­quer une IVG ins­tru­men­tale seule­ment si quatre méde­cins – un·e méde­cin « com­pé­tent en matière d’interruptions volon­taires de gros­sesse par méthode ins­tru­men­tale », un·e gynécologue-obstétricien·ne, un·e anesthésiste-réanimateur·trice et un méde­cin capable de prendre en charge des embo­li­sa­tions arté­rielles – peuvent être prêt·es à inter­ve­nir en cas de pro­blème. « Les sages-​femmes sont for­mées, com­pé­tentes, elles pra­tiquent par­fois des accou­che­ments dif­fi­ciles où la vie de la femme et de l’enfant sont mena­cées. Ceci est recon­nu et ne pose pas de pro­blème. Pour l’IVG, visi­ble­ment leur com­pé­tence est mise en doute », condamnent les asso­cia­tions dans le com­mu­ni­qué, rap­pe­lant que l’embolisation arté­rielle, uti­li­sée en cas d’hémorragie uté­rine grave, reste excep­tion­nelle en cas d’IVG.

"Pourquoi exi­ger pour les sages-​femmes des condi­tions de for­ma­tion et de gardes-​fous non pré­vus pour les autres pro­fes­sion­nels médi­caux qui réa­lisent ce geste ?"

Des garde-​fous qui ne per­mettent pas sur­tout de réduire les inéga­li­tés d’accès à l’IVG, selon les professionnel·les. Bien au contraire. « Bien peu de struc­tures pra­ti­quant les IVG pos­sèdent les condi­tions requises dans ce texte », expliquent-​t-​elles. Pour elles, le but de ce décret est clair : « faire pas­ser l’IVG ins­tru­men­tale comme une inter­ven­tion sujette à com­pli­ca­tion alors que c’est un acte simple ne néces­si­tant pas une mobi­li­sa­tion tota­le­ment déme­su­rée ». Il s’agit pour les asso­cia­tions signa­taires du com­mu­ni­qué d’une attaque « insi­dieuse » à l’IVG.

Même constat du côté de l’Association natio­nale des étudiant·es sages-​femmes (ANESF), du Collège natio­nal des sages-​femmes de France (CNSF) et de l’Organisation natio­nale des syn­di­cats de sages-​femmes (ONSSF). « Pourquoi exi­ger pour les sages-​femmes des condi­tions de for­ma­tion et de gardes-​fous non pré­vus pour les autres pro­fes­sion­nels médi­caux qui réa­lisent ce geste ? Est-​ce une façon de contraindre les éta­blis­se­ments de san­té, de limi­ter le nombre de pra­ti­ciens et d’empêcher l’accès à l’IVG aux femmes ? », s'interrogent l’ANESF, le CNSF et l’ONSSF dans un com­mu­ni­qué publié sur X lun­di 18 décembre. Les asso­cia­tions demandent une modi­fi­ca­tion du texte et appellent les mili­tantes fémi­nistes à se mobi­li­ser dès le mois de janvier.

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