Lily, Méline, Myriam. Depuis octobre, au moins trois adolescentes placées en foyer sont décédées, par suicide ou dans des circonstances troubles. Alors que les professionnel·les de l’Aide sociale à l’enfance crient leur détresse, une commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements structurels de l’ASE va être lancée à l’Assemblée.
La série noire, ces derniers mois, de décès d’enfants placé·es à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) a créé un électrochoc suffisant pour que la République décide de faire face à ses responsabilités. Les député·es socialistes vont lancer une commission d’enquête parlementaire sur les “dysfonctionnements” de l’ASE, ont-ils annoncé mercredi, face au “scandale” de décès d’enfants placé·es. Le groupe PS utilise ainsi son droit de tirage annuel, qui lui donne de facto le droit de lancer une telle commission. La députée Isabelle Santiago devrait en être la rapporteure.
De nombreux·euses élu·es de différents bords politiques jugent préoccupante la situation de l’ASE et réclamaient une telle commission d’enquête, notamment en ce qui concerne les solutions d’hébergement proposées pour ces enfants éloigné·es de leurs familles. Le débat sur l’hébergement des jeunes de l’Aide sociale à l’enfance a été relancé, fin janvier, après la mort de Lily, une adolescente de 15 ans retrouvée pendue dans un hôtel du Puy-de-Dôme. Le drame a suscité l’indignation de militant·es des droits de l’enfant, qui dénoncent l’inaction de l’État et des départements qui ont la charge de la protection de l’enfance, un secteur à bout de souffle qui souffre d’une pénurie de personnel et de structures.
“Tous les clignotants sont au rouge”, estiment les député·es socialistes. Les professionnel·les travaillent dans des “conditions extrêmement précaires” et “les structures sont inadaptées à l’accueil de jeunes aux parcours traumatiques”, regrettent les élu·es. Le logement à l’hôtel est pointé du doigt depuis de nombreuses années, avec des enfants qui se retrouvent souvent livré·es à eux·elles-mêmes et peuvent, parfois, tomber dans la prostitution ou dans la drogue, faute d’un accompagnement social suffisant.
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Adoptée en 2022, la loi Taquet fixe comme principe l’interdiction du logement à l’hôtel des enfants de l’ASE au 1er février 2024. Mais son décret d’application, récemment entré en vigueur, laisse un goût d’inachevé aux spécialistes du secteur qui le jugent soit insuffisant, soit inapplicable.
En octobre, Méline, une fillette de 11 ans, placée à l’ASE, avait elle aussi été retrouvée pendue dans sa chambre, dans un foyer associatif de l’Oise. Début mars, on apprenait aussi le décès de Myriam, 14 ans, dans des circonstances troubles sur fond de drogue après une fugue de son foyer de Seine-et-Marne.
Une commission d’enquête parlementaire dispose de six mois pour mener des auditions et rendre un rapport. Celle sur l’aide à l’enfance devrait être constituée d’ici à quelques semaines. Devenu porte-voix des enfants placé·es depuis son livre Dans l’enfer des foyers, Lyes Louffok a indiqué, mercredi sur X, se tenir à disposition de la commission pour témoigner. “On n’a pas obtenu beaucoup de victoires ces dernières années, mais celle-ci est belle, a‑t-il commenté dans un autre tweet. Ce soir, je pense à Jess, Lily, Nour, Anthony, Myriam et tous les autres enfants placés morts dans l’indifférence. Le combat continue pour les vivants, pour la justice et la vérité.”