woman leaning against a wall in dim hallway
© Unsplach / Eric Ward

Aide sociale à l’enfance : Lina, pla­cée à 16 ans dans un hôtel, reste “trau­ma­ti­sée”

Lina, confiée à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) lorsqu’elle était adolescente, se confie sur une expérience qu’elle juge traumatisante, “livrée à elle-même” dans un hôtel du jour au lendemain.

C’était “l’enfer sur terre” : plus de cinq années ont passé, mais Lina, confiée à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) lorsqu’elle était adolescente, reste encore “traumatisée” par son placement à 16 ans dans un hôtel, “livrée à elle-même” du jour au lendemain.

“Rester dans un hôtel à 16 ans toute seule… Déjà qu’on n’est pas bien, ça multiplie les angoisses”, témoigne la jeune femme, quelques semaines après la mort de Lily, une adolescente de 15 ans retrouvée pendue dans un hôtel du Puy-de-Dôme dans lequel elle avait été placée par l’ASE.

“J’avais peur, je m’enfermais le soir à clé, je faisais tout pour ne pas être là-bas pendant la journée, je traînais”, poursuit Lina, décrivant un établissement de surcroît “insalubre”, avec “des cafards” et des “bouts de murs qui tombent”.

Les éducateur·rices ? “Ils venaient une à deux fois par semaine, mais ce n’était pas suffisant. Ils étaient dégoûtés de me voir là-bas, mais ils ne savaient pas quoi faire.” À bout, la jeune femme, qui sera placée dans deux hôtels du sud de la France à trois reprises, “fait des TS [tentatives de suicide, ndlr] faute de voir “le bout du tunnel”. “Je me disais ‘ça va mal se terminer cette histoire : ou je vais finir à la rue ou je vais finir prostituée’.”

Une vie cabossée

Dans les couloirs de l’un des deux hôtels où elle a été placée, elle croise régulièrement deux jeunes filles d’un précédent foyer. “Elles, c’était la prostitution, parfois, elles ne dormaient pas à l’hôtel.” Elle-même passe des journées à “aller chercher la drogue partout, juste pour oublier [qu’elle était] là-bas”. “Je cherchais à m’évader. Ce n’est pas une solution, mais quand tu es toute seule dans un hôtel, c’est la seule que tu trouves pour t’échapper un peu de cette vie.”

Une vie cabossée, rythmée depuis l’âge de 13 ans par des placements, de foyers en hôtels en passant par des familles d’accueil – “J’avais l’impression d’être comme un sac poubelle, on me jetait par-ci par-là.” “J’ai eu parfois de bons éducateurs et de bonnes éducatrices”, mais “il n’y a pas un endroit où je me sentais bien”, confie Lina, qui sera finalement “sauvée” par la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et vit désormais dans un petit studio à Nîmes.

"Arrêter le carnage"

"J'ai survécu à l'hôtel, je ne sais pas comment je l'ai fait mais je l'ai fait", déclare-t-elle. Aujourd'hui âgée de 21 ans, Lina travaille deux jours par semaine dans un centre de soin, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) et voudrait suivre une formation pour devenir masseuse.

Dans son nouveau chez elle, on trouve en bonne place des gants de boxe, le livre du porte-voix des enfants placés Lyes Louffok (Dans l’enfer des foyers) ou encore l’autobiographie de la rappeuse Diam’s. À côté de deux “doudous” qui l’ont “suivie tout le long” de cet “enfer”.

À lire aussi I Lyes Louffok : le porte-voix des enfants placé·es

Pointé du doigt par les défenseur·eures des droits des enfants comme inadapté et dangereux, le placement d’enfants de l’ASE dans des hôtels s’est multiplié ces dernières années en France face à la saturation des structures d’accueil existantes.

Interpellé à de nombreuses reprises, l’exécutif a fini par publier dimanche un décret interdisant le placement de jeunes de moins de 16 ans dans les hôtels et limitant celui des 16-21 ans. Le décret prévoit pour eux “une surveillance de nuit comme de jour au sein de la structure”, avec un “professionnel formé”. Des modalités jugées insuffisantes en termes d’accompagnement social par les spécialistes du secteur.

Lina, elle, "n'y croit plus". "Mon cœur est saccagé. Même si j'essaye d'aller de l'avant, de tout faire pour que ça aille mieux, l'ASE, ça laisse des cicatrices, des traces indélébiles." "Il faut que le gouvernement interdise totalement les placements à l'hôtel, qu'il prenne soin des enfants", insiste-t-elle. "On fait partie de la société, notre vie compte. Il faut arrêter le carnage."

À lire aussi I “C’est ça ou la rue” : les Départements dénoncent l’impossibilité d’appliquer la loi sur l’interdiction de loger à l’hôtel les mineurs de l’ASE

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