Très attendus, les débats autour d'une "aide à mourir" ne se réduiront pas aux clivages partisans traditionnels à l'Assemblée nationale, où les député·es de tous bords seront libres de leur vote face à un choix sociétal touchant à l'intime.
Les groupes politiques ne donneront pas de consignes à leurs membres pour l’examen du projet de loi sur la fin de vie, qui doit commencer le 27 mai dans l’hémicycle après sa présentation le 10 avril en Conseil des ministres. “Il devrait y avoir une majorité conséquente pour le voter”, estime le député Olivier Falorni (MoDem, majorité présidentielle), pressenti dans le rôle clé de rapporteur général de la commission spéciale prévue au Palais Bourbon.
Gauche et camp présidentiel devraient représenter l’essentiel des soutiens à son volet controversé, ouvrant la possibilité d’une assistance au suicide et même d’un acte d’euthanasie, face à l’hostilité qui domine à droite et à l’extrême droite. Mais “chaque député aura son approche, liée à son vécu personnel et à sa propre conception philosophique”, sans lien “mécanique” avec son appartenance politique, prévoit Olivier Falorni, auteur d’un texte autorisant l’euthanasie dont l’examen houleux en 2021 n’avait pu aller à son terme. “Ce n’est pas un sujet d’étiquette partisane, c’est un sujet citoyen”, acquiesce la députée LFI Caroline Fiat, ancienne aide-soignante, s’amusant d’avoir “pour la première fois applaudi Emmanuel Macron” quand il a dévoilé ses arbitrages.
"Rouleau compresseur"
Côté écologistes, "il y aura peut-être quelques votes d'abstention, mais ce sera marginal", selon la députée Sandrine Rousseau. Elle, qui s'était confiée en 2013 sur la "mort indigne" de sa mère après une longue agonie, plaidera pour une "ouverture la plus large possible des droits". Mais des voix, minoritaires, refusent de considérer comme "évident" le soutien de la gauche. Elles contestent notamment le choix de mêler dans un même texte la question consensuelle d'un meilleur accès aux soins palliatifs avec le sujet clivant d'une "aide à mourir".
Chez les communistes, le député Pierre Dharréville regrette ainsi le “continuum” que cette démarche pourrait laisser sous-entendre entre les deux démarches. “Un meilleur accès aux soins palliatifs change la donne quant au désir d’en finir avec la vie, il faut surtout assurer cet accès”, appuie le député PS Dominique Potier, regrettant aussi cette concomitance. Minoritaire au sein des socialistes, il estime que “l’interdit de donner la mort est un élément structurant de nos sociétés”. Et déplore le “rouleau compresseur” assimilant l’“aide à mourir forcément à un progrès”. À ces arguments, en phase avec ceux de la droite, Dominique Potier en ajoute certains “de gauche” : “On a observé un glissement dans certains pays : ce sont les personnes les plus défavorisées, par leur statut social ou leur solitude, qui ont le plus recours à l’euthanasie.” Sur les bancs des Républicains (LR), Maxime Minot, invoque au contraire l’argument social pour justifier son soutien, minoritaire à droite. “Aujourd’hui, seuls ceux qui ont les moyens d’aller à l’étranger ont accès à l’aide à mourir, c’est une discrimination”, déplore-t-il.
"J'ai évolué"
Marqué par les conditions du décès de sa mère après un cancer généralisé, il prévoit que “beaucoup de cas personnels vont resurgir” lors des débats. Son collègue Patrick Hetzel incarne pour sa part la position majoritaire des LR, inquiet·ètes d’une “banalisation du fait de donner la mort”. Mais “un certain nombre parmi nous se décideront au fur et à mesure” des débats, relève-t-il. Idem au Rassemblement national : “Il y aura une majorité” à s’opposer à l’“aide à mourir”, à l’instar de Marine Le Pen, mais “certains sont encore indécis”, observe le député RN Christophe Bentz.
Quant à la majorité présidentielle, elle se présentera encore moins comme un bloc homogène. “J’ai été étonné du nombre de personnes qui ont des réserves, plus ou moins fortes”, confie un ministre. Au sein du groupe macroniste Renaissance, certain·es s’interrogent sur l’efficacité des “garde-fous”, les modalités de la décision médicale ou encore la “question vertigineuse de la tierce personne” qui pourrait administrer une substance létale à un·e patient·e, relève un cadre. “Moi, j’ai évolué et peut-être que j’évoluerai encore”, admet la députée macroniste Stéphanie Rist, en phase avec l’“équilibre” défendu par le chef de l’État.