Larissa Meyer, référente PMA de l’association des familles homoparentales, revient pour Causette, sur l’annonce de la grossesse par PMA de la secrétaire d’État à la biodiversité, Sarah El Haïry, dans La Tribune dimanche, le week-end dernier.
Elle a été la première membre d’un gouvernement à faire son coming out lesbien, il y a six mois, dans le magazine Forbes. Elle est désormais la première à annoncer publiquement sa grossesse par procréation médicalement assistée (PMA) dans la presse. Le 8 octobre dernier, dans La Tribune dimanche, nouvelle publication dominicale, la secrétaire d’État chargée de la Biodiversité, Sarah El Haïry, a révélé être enceinte de six mois et avoir eu recours à la PMA avec sa compagne. En réaction, elle a été victime de lesbophobie sur X (ex-Twitter).
Plus de deux ans après l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens et femmes célibataires, que dit cette prise de position ? Courage ? Progressisme ? Communication politique ? Larissa Meyer, référente PMA de l’association des familles homoparentales (ADFH), répond aux questions de Causette.
Causette : Pendant longtemps, les femmes et les hommes politiques ouvertement lesbiennes ou gays se sont compté·es sur les doigts d’une main. L’annonce de la grossesse par PMA de Sarah El Haïry est-elle une bonne chose selon vous ?
Larissa Meyer : Complètement ! C’est une bonne nouvelle que des personnalités politiques s’engagent sur ce genre de sujet, surtout après l’homophobie qu’a subie récemment Muriel Robin en affirmant que son homosexualité assumée a été un frein à sa carrière de comédienne.
Sarah El Haïry avait déjà fait son coming out. Pour moi, c’est une deuxième forme de coming out de dire publiquement qu’on a eu un enfant par PMA, je trouve. C’est le même genre de démarche. Mais c’est dommage qu’il faille encore le saluer. Elle a reçu des injures homophobes sur les réseaux sociaux après son annonce, ça montre que, malheureusement, c’est encore nécessaire de le faire.
Après oui, il y a eu un changement de société depuis le mariage pour tous. Aujourd’hui, ça fait partie de l’ordre des choses alors qu’avant les familles homoparentales étaient réduites au silence et à la clandestinité. Il y a toujours des gens qui réagissent, mais pouvoir se marier ou avoir un enfant avec sa compagne, ça fait désormais partie du champ des possibles, et ce, même pour les personnes qui ne sont pas concernées. Moi, quand j’annonce que j’ai eu un enfant par PMA en solo, les gens trouvent ça normal. Mais le fait qu’une ministre l’annonce publiquement, et que cela soit encore un événement pour beaucoup, montre qu’il y a encore un besoin de revendiquer nos droits. Le sujet de la PMA reste un sujet d’engagement politique.
Le 2 août 2021, la loi relative à la bioéthique élargissait la PMA à toutes les femmes qui ont un projet parental, aux couples lesbiens comme aux femmes célibataires. Selon les derniers chiffres, 21 bébés sont nés de ce parcours, 2 000 premières tentatives de PMA et près de 23 000 demandes de première consultation ont été recensées. La visibilité de la PMA de Sarah El Haïry et de sa compagne est-elle, selon vous, un bon moyen de faire connaître la pratique et de la normaliser auprès du public ?
L.M. : Oui. Le souci, c’est qu’avant, ça restait un sujet clandestin, puisqu’il fallait aller à l’étranger pour le faire. Il y avait cette idée d’enfreindre la loi, même si on ne fait rien d’illégal quand on va faire un enfant à l’étranger. Et surtout, la deuxième maman n’était pas pleinement reconnue en tant que mère dans son pays. Le fait que Sarah El Haïry déclare publiquement qu’elle a eu recours à la PMA en France, ça normalise la pratique. Ça peut servir d’exemple, surtout pour les jeunes qui ont besoin de modèles et de personnalités à qui s’identifier. Ça aura toujours un effet positif sur les jeunes. Mais après, est-ce que ça va rendre la PMA plus accessible en France ? Je ne pense pas parce que le sujet d’une meilleure accessibilité du don pour les femmes n’est pas juste un sujet politique, c’est un sujet qui concerne les moyens donnés aux centres de dons. Aujourd’hui, l’accès aux dons de gamètes est compliqué en France. On manque de centres de dons, la pratique étant été interdite aux centres privés de PMA.
Certain·es ont vu une instrumentalisation politique derrière l’annonce de Sarah El Haïry – dont le bilan au secrétariat d’État à la jeunesse et au Service national universel a été largement critiqué et dont l’action politique au secrétariat d’État à la biodiversité, où elle a été nommée en juillet dernier, interroge régulièrement les défenseur·euses de l’environnement.
L.M. : Dès que les personnes LGBT sortent du placard, on avance des raisons politiques alors que lorsqu’une personnalité politique hétéro affiche sa grossesse, son conjoint ou ses enfants, personne ne parle d’instrumentalisation. L’annonce de la PMA de Sarah El Haïry dans la presse ne veut pas dire qu’il existe forcément un agenda politique caché la concernant. Toutes les personnes LGBT qui vivent ouvertement leur orientation sexuelle dans leur vie de tous les jours et dans leur vie publique participent d’une certaine manière à un engagement pour l’égalité.