En 2018, le parquet avait requalifié en simple « atteinte sexuelle sur mineure » le viol déclaré par Sarah, une collégienne de 11 ans, l’estimant consentante. L’homme comparaît finalement pour « viol sur mineur de moins de 15 ans » depuis le mercredi 2 novembre devant la cour criminelle du Val‑d'Oise.
Le procès de l’homme accusé d’avoir violé en 2017 une enfant de 11 ans revient devant la justice. Il s’est ouvert à huis-clos le mercredi 2 novembre, cette fois, devant la cour criminelle du Val d’Oise, à Pontoise. Sarah (prénom fictif donné à cette jeune fille aujourd’hui âgée de 16 ans), accuse un homme de 28 ans de l’avoir violée le 24 avril 2017 à Montmagny (Val‑d'Oise). En février 2018, le parquet, considérant que la jeune fille était consentante, poursuivait l’homme devant le tribunal correctionnel pour « atteinte sexuelle » alors que la famille de Sarah avait déposé plainte pour viol. Dans le premier cas, la peine encourue est de sept ans d’emprisonnement. Dans le second, elle est de vingt ans.
Face au tollé provoqué par cette décision dans les rangs des associations féministes et de protection de l’enfance, le tribunal s’était finalement déclaré incompétent et avait ordonné une nouvelle enquête. C’est donc au terme d’une longue instruction que l’homme d'aujourd'hui 33 ans comparaît pour « viol sur mineur de moins de 15 ans ». Les magistrat·es ont estimé que s’il n’y a eu ni violence ni contrainte physique, la « contrainte morale » et la « surprise » sont établies et justifient aujourd'hui le renvoi de l’accusé devant la justice.
L’accusé affirme qu’il ignorait son âge
Le 24 avril 2017, ce père de famille aborde Sarah, 11 ans, dans un parc à la sortie du collège. L’homme lui avait déjà adressé des compliments sur son physique deux semaines plus tôt. Il lui propose cette fois de se rendre dans son appartement. Sarah accepte. Dans l’ascenseur, il l’embrasse et lui demande une fellation, à laquelle elle procède. Une fois dans l’appartement, un rapport avec pénétration vaginale aura lieu, sans violence. Une fois sortie de l’immeuble, Sarah appelle immédiatement sa mère et lui dit avoir été violée.
Lors du procès en 2018, l’homme avait déclaré que la collégienne était consentante et qu’il ignorait son âge, pensant qu’elle avait entre 16 et 18 ans. De son côté, la victime présumée avait assuré lui avoir donné son âge dès leur première rencontre, lui montrant même son carnet de correspondance dans l’ascenseur. Elle a également expliqué ne pas s’être enfuie ni avoir exprimé son refus par peur d'être frappée.
La médiatisation de l’affaire dite « Sarah » avait contribué à faire évoluer la loi sur le seuil d’âge de consentement, établi à 15 ans en avril 2021 dans le cadre de la loi Billon. Depuis la promulgation de cette loi, les juges n’ont plus à établir une violence, une contrainte, une menace ou une surprise pour caractériser des faits de viol commis par un adulte sur un·e mineur·e de moins de quinze ans. Au-dessous de cet âge, il ne peut pas exister de consentement.
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Cependant, la loi ne peut s’appliquer au cas précis de Sarah en vertu du principe de non-rétroactivité de la loi pénale. Ce sont donc les textes en vigueur en avril 2017 qui seront pris en compte par les magistrat·es du tribunal de Pontoise chargé·es de juger le père de famille. « Les juges peuvent, avec la loi précédente mais éclairée par la loi d’aujourd’hui, avoir une conception plus souple des critères du viol, en particulier la notion de contrainte », a estimé la sénatrice PS et ex-ministre des Droits des femmes Laurence Rossignol auprès du Parisien. De son côté, l’avocat de l’accusé a déclaré à la sortie de la première journée d'audience : « Je souhaite que la cour ne soit pas la gardienne du temple de l’ordre moral, mais uniquement la gardienne du droit. »
Outre la question de la contrainte et celle du consentement ou non de la fillette, les juges devront établir si l’accusé avait conscience de cette différence d’âge. Pour la partie civile, l’homme à l’époque père d’un garçon de 9 ans, était en mesure d’évaluer l’âge de Sarah. L’accusé encourt vingt ans de réclusion criminelle. Le verdict est attendu ce vendredi.