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© Edmund Lou

Adoptions inter­na­tio­nales : le gou­ver­ne­ment recon­naît des “man­que­ments col­lec­tifs”, les asso­cia­tions attendent des excuses officielles

Le gou­ver­ne­ment fran­çais a recon­nu mer­cre­di des “man­que­ments col­lec­tifs” ayant per­mis des adop­tions inter­na­tio­nales illi­cites, après la publi­ca­tion d’un rap­port inter­mi­nis­té­riel, jugé “déce­vant” par les col­lec­tifs d’adopté·es, qui atten­daient des excuses de l’État.

Un petit pas vers la recon­nais­sance de la souf­france des per­sonnes vic­times des dys­fonc­tion­ne­ments de l’adoption inter­na­tio­nale ? “Le gou­ver­ne­ment recon­naît qu’il y a eu des man­que­ments col­lec­tifs dans la pro­tec­tion due aux enfants et qu’ils ont pu avoir des consé­quences jusqu’à leur vie d’adulte”, indique le secré­ta­riat d’État à l’Enfance dans un com­mu­ni­qué, après la remise d’un rap­port, mer­cre­di 13 mars, sur les pra­tiques illi­cites dans les adop­tions inter­na­tio­nales, géné­ra­le­ment réa­li­sées depuis la Seconde Guerre mon­diale à tra­vers des orga­nismes agréés pour l’adoption (OAA), mais aus­si via l’adoption directe indi­vi­duelle dans des cir­cons­tances par­fois très opaques.

Une mis­sion d’inspection inter­mi­nis­té­rielle (Affaires étran­gères, Justice, Enfance), man­da­tée en novembre 2022, a ren­du mer­cre­di un rap­port de 118 pages à la ministre char­gée de l’Enfance et des Familles, Sarah El Haïry, et au ministre délé­gué char­gé de la Francophonie et des Français·es de l’étranger, Franck Riester. Elle appelle la France à “recon­naître” offi­ciel­le­ment et “sans détours” des “carences col­lec­tives” et à prendre “en consi­dé­ra­tion” les “consé­quences” dom­ma­geables pour les adopté·es.

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“L’essor de l’adoption inter­na­tio­nale dans un contexte non ou peu régu­lé s’est accom­pa­gné d’importantes dérives”, recon­naissent les inspecteur·rices, qui ont pro­cé­dé à 179 audi­tions. L’adoption est deve­nue “un mar­ché poten­tiel­le­ment très lucra­tif, sus­ci­tant l’émergence de nom­breux inter­mé­diaires. Le ver­se­ment d’importantes sommes d’argent pour faci­li­ter les opé­ra­tions ou le recueil d’un consen­te­ment paren­tal en réa­li­té très peu éclai­ré, semblent avoir été des pra­tiques cou­rantes”, ajoutent les auteur·rices du rapport.

"Trafic" et "pro­duc­tion" d'enfants

L’adoption a “don­né lieu à de véri­tables tra­fics fon­dés sur la fal­si­fi­ca­tion de pièces pour rendre un enfant adop­table, la ‘pro­duc­tion’ d’enfants pour adop­tion, le vol d’enfants à la mater­ni­té…”, poursuivent-ils·elles. Il est “éta­bli” que “les auto­ri­tés publiques avaient été pré­co­ce­ment aler­tées et ont tar­dé à prendre les mesures qui s’imposaient”, observe la mission. 

120 000 Français·es ont été adopté·es à l’étranger depuis 1945, selon ce rap­port. L’adoption inter­na­tio­nale s’est déve­lop­pée à par­tir des années 1960, avec un pic de 4 079 enfants adop­tés en France en 2004, avant de refluer, à mesure qu’elle était enca­drée par des trai­tés inter­na­tio­naux et davan­tage contrô­lée, pour s’établir à 232 enfants en 2022.

"inter­mé­diaires douteux"

Mais si la pro­cé­dure d’adoption inter­na­tio­nale est “aujourd’hui orga­ni­sée du côté fran­çais de façon à mini­mi­ser les risques”, juge la mis­sion, le rap­port évoque néan­moins des “risques nou­veaux”, au rang des­quels des “simu­la­tions de gros­sesse” et de poten­tielles dérives autour de la GPA.

Par ailleurs, les per­sonnes adop­tées deve­nues adultes sont nom­breuses aujourd’hui à vou­loir se recon­nec­ter à leur his­toire. Dans ce contexte, la recherche des ori­gines consti­tue “le défi majeur des années à venir”, pré­vient la mis­sion, qui observe le “déve­lop­pe­ment d’un nou­veau mar­ché de la recherche des ori­gines”“pros­pèrent des inter­mé­diaires par­fois dou­teux”. Les inspecteur·rices pré­co­nisent de mettre en place “un cadre orga­ni­sé et sécu­ri­sé pour la recherche des ori­gines” : la porte d’entrée pour­rait être le “Conseil natio­nal pour l’accès aux ori­gines per­son­nelles” (CNAOP), dis­cret orga­nisme gou­ver­ne­men­tal exis­tant depuis 2002.

Le rap­port recom­mande en outre “d’engager une réflexion” sur l’usage des tests ADN inter­dits en France. Les asso­cia­tions d’adopté·es réclament de pou­voir recou­rir sans tar­der, pen­dant que leurs parents bio­lo­giques sont encore vivants, à ces tests, seul moyen de véri­fier leur filia­tion. Parmi les vingt-​huit recom­man­da­tions, la mis­sion recom­mande enfin de dis­po­ser dans chaque pays d’origine d’un “inter­lo­cu­teur recon­nu” pour accom­pa­gner les adopté·es par­tant en quête de leurs ori­gines. Ces dernier·ères disent se trou­ver livré·es à elles·eux-mêmes, qua­rannte ans après les faits, sans par­ler la langue, face à des admi­nis­tra­tions peu coopératives.

Déception des associations

Le gou­ver­ne­ment demande au Conseil natio­nal de l’adoption (CNA) et au CNAOP de “débattre des recom­man­da­tions for­mu­lées” et don­ner “un avis conjoint, dans un délai de six mois”, indique le com­mu­ni­qué du minis­tère de l’Enfance.

Lire aus­si l « Les Enfants de Reine de Miséricorde » : scan­dale de l’adoption en Éthiopie – Épisode 1

Du côté des asso­cia­tions, la com­mu­ni­ca­tion autour du rap­port laisse un goût amer. “La recon­nais­sance des man­que­ments des auto­ri­tés et du carac­tère sys­té­mique des pra­tiques illé­gales est impor­tante. Mais pour les vic­times et ceux qui ne retrou­ve­ront jamais leur famille, des excuses publiques étaient atten­dues”, regrette Céline Breysse, fon­da­trice du Collectif des adop­tés du Sri Lanka. “Nous atten­dons de voir com­ment les pré­co­ni­sa­tions seront mises en œuvre et si les col­lec­tifs d’adoptés vont y être asso­ciés. Il s’agit de tra­fics d’êtres humains, d’enfants volés, de parents abu­sés. Pour les mil­liers de per­sonnes que nous repré­sen­tons, c’est le com­bat d’une vie”, a décla­ré Marie Marre, fon­da­trice du Collectif des adop­tés fran­çais du Mali, qui se dit “déçue” et “indi­gnée”. En 2022, l’ONU avait affir­mé que les adop­tions illi­cites pour­raient rele­ver de crimes contre l’humanité.

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