Octobre rose : une femme témoigne du can­cer du sein de son père

Témoignage - En 2017, le père de Clara est décédé d’un cancer du sein. Depuis, elle a décidé de prendre la parole pour raconter son histoire. À l’occasion de la campagne d’Octobre rose, elle a décidé de s’emparer du sujet pour sensibiliser sur cette maladie qui touche aussi les hommes.

Cela faisait plusieurs années que le père de Clara1 avait un kyste en dessous d’un de ses pectoraux, mais il ne l’avait jamais dérangé. Un jour de 2012, des douleurs l'incite à consulter un médecin qui lui conseille de retirer cette grosseur. Au retour du bloc opératoire, c’est la stupeur : il apprend qu’il s’agissait d’une tumeur cancéreuse et qu’il venait de subir une mastectomie totale. Pour Clara, cette annonce fait l’effet d’une bombe. « Il y a un effet de surprise vicieux qui induit une forme de déni, car avant mon père, on ne sait pas du tout que cette maladie existe. » L’extrême rareté de la maladie et sa méconnaissance sont ressenties comme une injustice pour la jeune femme.

Une maladie encore trop peu connue
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Mikel Seblin, conseiller municipal à Montpellier. © Agathe Catel

Le cancer du sein chez l’homme est très rare. En France, 1 % des cancers du sein affectent les sujets masculins, selon les chiffres de l’Institut national du cancer. Le sujet est traité par les associations de lutte contre le cancer, mais pour Clara, ce n’est pas assez. « Lorsque nous avons appris la maladie de mon père, j’ai mis beaucoup de temps à l’accepter, car je n’avais tout simplement pas les outils pour le comprendre. » Avant d’être hospitalisé dans un établissement spécialisé, son père séjourne dans un hôpital classique qui, selon Clara, n’a pas su les informer suffisamment. Elle décide alors de se renseigner de son côté. Après avoir écumé les sites Web, elle finit par comprendre et apprivoiser la situation. Elle regrette ce cruel manque d’information. « Je n’en reviens toujours pas d’avoir eu à chercher moi-même. Pendant mes recherches, je ne trouvais que des articles anciens, c’est affligeant. » Elle se rend aussi compte qu’aucun des membres de son entourage n’était au courant qu’un homme pouvait aussi être touché par le cancer du sein.

Lorsqu’une mère est touchée, les médecins conseillent à ses filles de subir des examens, mais lorsqu’il s’agit d’un homme, tous ses enfants doivent le faire. Une source supplémentaire d’angoisse pour Clara. « Toute de suite après le diagnostic de mon père, avec mes frères, on a été examinés. Tout s’est enchaîné si vite, c’était d’une violence absolue », raconte-t-elle. En 2013, après une année de chimiothérapie, son père est en rémission. Mais, un an et demi plus tard, on lui diagnostique un cancer métastatique, c’est-à-dire que la maladie s’est propagée et touche plusieurs organes. Finalement, après cinq années de lutte, son père décède en 2017. Clara s’est sentie impuissante devant l’avancée fulgurante de la maladie. « Le cancer du sein est généralement bien traité lorsqu’il est dépisté tôt. Pour le cas de mon père, malgré la mastectomie et la chimiothérapie, il me semble qu’on l’a
diagnostiqué trop tard. »
En effet, le cancer du sein est le même pour les
hommes et les femmes, donc le traitement et les chances de survie ne diffèrent
pas. Dans 80 % des cas, il est diagnostiqué assez tôt pour que
la chirurgie suffise. C’est pour cela que Clara a décidé d’en parler autour d’elle.

Sensibiliser pour lever le tabou

En ce mois d’Octobre rose, synonyme de campagne de sensibilisation sur le cancer du sein, Clara aurait souhaité que la maladie de son père soit davantage mise en avant. « Pendant les campagnes d’Octobre rose, j’aimerais qu’on montre aussi le torse d’un homme qui a subi une mastectomie, explique Clara. Ça enverrait un message fort. » En attendant, la jeune femme ne reste pas les bras croisés. Elle a pris l’habitude d’utiliser ses réseaux sociaux pour parler de ce sujet au plus grand nombre. Le 1er octobre, sur sa page twitter, elle raconte l’histoire de son père, de la découverte de la maladie jusqu’à son décès en 2017. Pour elle, ce témoignage est un cri du cœur. Le thread 2 de Clara a suscité de vives réactions. « Beaucoup de personnes m’ont remercié de leur avoir appris quelque chose, raconte-t-elle. J’étais remplie de bonheur et d’émotion. » Dans ce thread, Clara veut aussi montrer à tous et toutes que le cancer du sein n’est pas que le problème des femmes et encourage les hommes à se renseigner davantage sur le sujet. « S’ils sont au courant qu’ils peuvent être touchés par ce cancer, alors ils n’attendront pas, comme mon père, que la grosseur soit douloureuse pour consulter. » Elle regrette aussi qu’on n’apprenne pas l’autoexamen des seins à tout le monde. Pour elle, ce sont ces petits gestes qui ont manqué à son père et qui pourraient sauver d’autres hommes.

Si Clara s’investit dans cette cause, c’est parce qu’elle est inspirée par son père. Dès l’annonce de sa maladie, en parallèle de sa chimiothérapie, il se met en contact avec la Ligue contre le cancer. Très vite, il ressent le besoin de se rendre utile : une manière pour lui
de mettre son expérience au service des autres. « Mon père a toujours été très combatif et ce n’est pas le cancer qui allait l’arrêter », témoigne-t-elle.

Malgré le manque de sensibilisation, Clara veut rester positive. Depuis 2012, années de la découverte du cancer de son père, les choses semblent avoir évolué. Ces dernières années, les témoignages se multiplient, de nombreux hommes brisent le tabou en racontant
leur histoire. En 2020, neuf ans après sa double mastectomie, Mikel Seblin, conseiller municipal à Montpellier, a décidé de raconter son histoire et a posé torse nu pour montrer sa cicatrice. Sur twitter, certains commentaires parlent d’une honte pour un homme d’être atteint d'un cancer du sein. Pour Clara, cela n’a pas lieu d’être. « À aucun moment j’ai ressenti une honte de raconter la maladie de mon père, c’est justement contre cela je me bats aujourd’hui. »

  1. Elle a souhaité rester anonyme []
  2. Une série de tweets publiés par une personne et connectés entre eux.[]
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