Justyna Wydrzyńska, une militante polonaise en faveur du droit à l'avortement, a été condamnée mardi à huit mois de travaux d’intérêt général pour avoir aidé une femme à avorter en lui fournissant des pilules abortives.
L'activiste Justyna Wydrzyńska a été condamnée, mardi, en Pologne à huit mois de travaux d’intérêt général pour avoir aidé une femme à avorter en lui fournissant des pilules abortives, a indiqué sur Twitter l'organisation pro-IVG Aborcyjny Dream Team, dont elle est une des cofondatrices.
La militante, âgée de 48 ans, a été reconnue coupable « d'avoir prêté assistance » à la pratique d'une interruption volontaire de grossesse et s'est vu infliger huit mois de travaux d'intérêt général à raison de 30 heures par mois, a détaillé l'organisation sur le réseau social. Il s'agit d'une première condamnation pour ce motif dans ce pays, où l'accès à l'IVG est extrêmement restreint.
Judge literally said that Justyna in guilty of PROVIDING HELP – 8 months of community service, 30 hours per month. Not guilty of having pills with an intention of putting them on the market. Justification of the judgment will not be public.
— Aborcyjny Dream Team (@aborcyjnydream) March 14, 2023
« Les pilules abortives sont le moyen le plus sûr pour avorter en Pologne, a affirmé Justyna Wydrzyńska, lors de l'audience, selon une retranscription d'Aborcyjny Dream Team. Elles sont largement utilisées en Europe et à travers le monde par des millions de personnes. (…) Je le sais grâce à des rapports de l'OMS qui recommandent un accès illimité à ces pilules. Il n'y a aucune contre-indications pour elles. »
À lire aussi I La Pologne continue de restreindre l’accès à l’IVG en instaurant un « registre numérique de grossesses »
L'avortement quasi interdit
En 2020, Justyna Wydrzynska a souhaité aider Ania, enceinte de 12 semaines, à interrompre une grossesse non désirée, en lui envoyant ses propres pilules abortives, permettant une IVG médicamenteuse, relate la correspondante du Monde, présente au procès. Cette mère de famille, aux prises avec un partenaire violent, avait fait appel au collectif Aborcja Bez Granic (Avortement sans frontières), dont l'activiste fait partie. Mais son compagnon, qui lui avait interdit de se rendre en Allemagne pour avorter, s’était emparé du colis et avait contacté la police. Ania avait alors fini par faire une fausse couche.
En Pologne, l’avortement est quasi interdit depuis un arrêté de la Cour constitutionnelle polonaise entré en vigueur en janvier 2021. Il n’autorise l’IVG que dans deux cas : si la grossesse provient d’un acte criminel, ou si la santé ou la vie de la femme enceinte sont en danger. Mais en pratique, l’IVG n’est pas systématiquement réalisée même en invoquant ces raisons, comme l’a prouvé le cas d’Izabela, une jeune femme de 30 ans décédée après le refus de médecins de lui pratiquer un avortement immédiat en novembre 2021 alors que son enfant était condamné – il souffrait de malformations – et que sa vie était menacée. Une mort tragique qui avait embrasé tout le pays et mobilisé des dizaines de milliers de personnes à défiler dans les rues polonaises contre le gouvernement.
Après sa condamnation, Justyna Wydrzynska a affirmé vouloir faire appel car elle ne se sent « pas du tout coupable », indique Le Monde. « Nous allons tout simplement continuer notre travail et répondre à chaque appel à l’aide pour une IVG », a‑t-elle conclu.