Le gouvernement allemand a promis de se pencher sur une possible dépénalisation de l'avortement, toujours interdit par la loi. Mais reste très prudent, par crainte que le débat n'enflamme le pays.
Une “dépénalisation totale” de l’Interruption volontaire de grossesse (IVG) jusqu’à douze semaines : voilà ce que propose la commission d’expertes mandatée par le gouvernement allemand, dans un rapport de quelque six cents pages, remis le 15 avril. Car oui, en Allemagne, l’avortement est illégal – sauf en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère – comme le veut le paragraphe 218 du Code pénal, adopté il y a 153 ans. Dans les faits, les femmes qui avortent en Allemagne – soit 90 000 à 100 000 par an – sont rarement poursuivies. Toléré, mais pas autorisé pour autant, l’avortement est aujourd’hui illicite. Donc d’autant plus stigmatisé et d’autant moins accessible.
En juin 2022, la coalition du chancelier Olaf Scholz (qui rassemble sociaux-démocrates, écologistes et libéraux) avait fait un pas en faveur d’un assouplissement de la législation, en abrogeant une loi remontant à la période nazie, qui limitait l’information sur l’avortement (assimilé à de la “publicité” pour l’IVG) et avait entraîné la condamnation de plusieurs gynécologues. Ira-t-elle jusqu’à légaliser l’IVG, à l’heure où ses voisin·es français·es ont inscrit cette liberté dans la Constitution ?
Le 15 avril, lors d’une conférence de presse, le ministre allemand de la Justice, Marco Buschmann (libéral), a certes promis que le gouvernement étudierait “soigneusement le rapport pour déterminer les étapes suivantes”. Mais il a aussi fait preuve de beaucoup de prudence. Évoquant la Pologne ou les États-Unis, il a mis en garde contre “des débats susceptibles d’enflammer [la] société” allemande. Ce que redoute, précisément, le gouvernement d’Olaf Scholz, en s’attaquant à cette question sensible.
Lors de cette même conférence, le social-démocrate Karl Lauterbach, ministre de la Santé, a ainsi renchéri sur la nécessité de rechercher “un consensus large au sein de la société et bien sûr du parlement”. Pas gagné, puisque conservateurs·rices et extrême droite rejettent catégoriquement tout assouplissement de la loi actuelle.
De son côté, la ministre de la Famille, Lisa Paus (écologiste), s’est félicitée de disposer, avec ce rapport, d’une “bonne base pour mener désormais une discussion nécessaire et ouverte, basée sur des faits”, tout en reconnaissant l’aspect “émotionnel” du sujet. Quant à la porte-parole adjointe du gouvernement, Christiane Hoffmann, elle n’a pas souhaité s’engager sur un éventuel changement de la loi avant la fin de la législature – qui se terminera avec les élections de l’année prochaine : “Cela dépendra de l’évolution du débat.” La bataille s’annonce rude.
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