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Dorota Loboda, députée de la Diète de Pologne depuis 2023 et militante au sein du mouvement Grève des femmes. ©DR

Pologne : le Parlement fait un pre­mier pas vers une libé­ra­li­sa­tion de l’accès à l’IVG

Dans et devant la Diète à Varsovie, député·es et militant·es se sont écharpé·es au sujet de l’avortement en Pologne. Trois projets de loi pour une libéralisation et un pour une criminalisation poussée ont passé la première validation ce vendredi 12 avril.

Quatre projets de textes sur le droit à l’avortement en Pologne, soumis par les membres de la coalition pro-Europe au pouvoir, ont franchi ce vendredi un premier obstacle au sein de la Diète polonaise, dans un contexte de divisions profondes sur l’assouplissement de la loi, parmi les plus restrictives d’Europe. Trois des textes visent à légaliser et à dépénaliser l’accès à l’avortement. Le dernier, soumis par le parti Troisième Voie, parti démocrate-chrétien membre de la coalition au pouvoir, souhaite rétablir l’interdiction intégrale de l’avortement de 1993 et criminaliser les personnes qui aideraient les femmes à avorter.

Les motions appelant à rejeter ces textes ont été écartées par la majorité des député·es, dans ce pays à forte tradition catholique. L’alliance des partis pro-Europe est arrivée au pouvoir en octobre dernier en promettant de légaliser l’avortement. À l’heure actuelle, la Pologne a la loi la plus restrictive de l’Union européenne en matière d’Interruption volontaire de grossesse (IVG). Elle n’est autorisée qu’en cas de viol ou d’inceste, ou lorsque la vie de la mère est en danger. “Nous tenons notre parole ! Le Parlement traitera tous les projets relatifs au droit à l’avortement”, s’est félicitée la Coalition civique du Premier ministre, Donald Tusk, sur les réseaux sociaux. Les quatre propositions de loi doivent désormais être soumises à une commission parlementaire spéciale, convoquée dans la foulée.

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Le résultat de ces votes très attendus a également été un test pour l’alliance gouvernementale, car certains député·es de la coalition au pouvoir étaient réticent·es à soutenir la législation. “Nous avons voté pour tous les projets. Nous l’avons fait par respect pour la démocratie et pour la durabilité de la coalition”, a déclaré Szymon Holownia, président du Parlement, après le vote. “Le programme minimum pour la coalition gouvernementale était de ne pas se brouiller”, a indiqué de son côté aux journalistes Donald Tusk, en évoquant “une satisfaction modérée et prudente”.

Décisions "historiques"

Les groupes de défense des droits des femmes et les activistes polonaises ont salué les résultats de ces décisions “historiques”. “Pour la première fois depuis 1996, des projets libéralisant l’accès à l’avortement en Pologne seront examinés en deuxième lecture. C’est un moment historique”, a ainsi déclaré Kamila Ferenc, de la Fédération des femmes et du planning familial. “Nous sommes heureuses que le projet de dépénalisation de l’avortement soit passé, car c’est une chance pour la Pologne de cesser de poursuivre les partenaires, les militants, les mères et les sœurs de celles qui ont besoin d’un avortement”, a réagi de son côté Marta Lempart, leader du mouvement Grève des femmes pour le droit à l’IVG en Pologne dans un communiqué. Plusieurs membres du mouvement ont d’ailleurs fait irruption dans la Diète brandissant des drapeaux où il est inscrit “STRAJK KOBIET” (Grève des femmes).

“Nous sommes également heureuses de voir que les propositions visant à légaliser l’avortement ont été renvoyées, a-t-elle poursuivi. Nous attendons avec impatience le début d’un travail solide, concret et substantiel qui prenne en compte la réalité actuelle de l’avortement – y compris le travail des militants de l’avortement en Pologne.” La militante polonaise espère que les projets de loi atterrissent sur le bureau du président Andrzej Duda en “juin au plus tard”.

Veto présidentiel

Mais même si le parlement polonais approuve les réformes, il est en réalité peu probable qu’Andrzej Duda, catholique conservateur et allié au parti nationaliste d’opposition PiS, les promulgue. L’alliance gouvernementale, composée de la Coalition civique et de ses partenaires de Troisième voie et de la gauche, ne dispose pas de la majorité des trois cinquièmes requise pour renverser un veto présidentiel.

En cas d’impasse, l’alliance devra attendre l’élection présidentielle de l’année prochaine, dans l’espoir de voir Andrzej Duda remplacé par un candidat libéral. Mais “même si cette marche sera moins rapide, plus longue, elle va se poursuivre”, a assuré Donald Tusk. “J’aimerais que cette commission termine son travail avant l’élection présidentielle”, a déclaré Natalia Broniarczyk, de l’association Abortion Dream Team – groupe de défense des droits à l’avortement en Pologne –, aux journalistes après le vote. “J’ai une question très sérieuse à poser aux candidats à la présidence : que ferez-vous de la proposition de loi qui sortira de cette commission ?” s’est-elle interrogée.

Selon un sondage de l’institut Ipsos, publié jeudi, 35 % des Polonais·es soutiennent le droit à l’avortement jusqu’à la douzième semaine de grossesse. Un rétablissement de ce droit en cas de malformation du fœtus, aboli par le pouvoir nationaliste, est à cet égard souhaité par 21 % des personnes interrogées, alors que, pour 14 % d’entre elles, l’état actuel de la législation est satisfaisant. Et près d’un quart des Polonais·es voudraient un référendum national sur la question.

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