A l'occasion du jubilé de platine de la reine d'Angleterre, Causette a décidé de passer sa majesté au détecteur de féminisme. Badass, la Queen ? C’est ce qu’on va voir !

Ce mois-ci, c’est grosse teuf chez nos voisin·es British ! Jours fériés, défilé militaire, ballet aérien, immense parade de rue, rétrospective géante, concerts titanesques et « Big Lunch » populaire : du 2 au 5 juin, le pays fête le jubilé de platine de sa reine, la Queen Elizabeth II, soixante-dix ans de règne au compteur et une popularité sans pareil. Le pays tout entier retient son souffle pour qu’elle tienne le coup jusque-là : à 96 ans et depuis qu’elle a contracté le Covid, la reine montre de réels signes de fatigue. Vu de France, c’est vrai qu’on a un peu de mal à partager, et parfois même à comprendre, la ferveur que suscite cette vieille dame couronnée. Un drôle de personnage, qui incarne la monarchie, les traditions les plus old school et un conservatisme évident, mais qui a également su faire sien ce rôle auquel elle n’était pas tout à fait destinée, jusqu’à devenir une figure mondialement connue.
« Il y a peut- être une ou deux personnes au fin fond de la Chine qui ne la connaissent pas, s’amuse l’Anglais Kevin Loader, producteur d’un documentaire décalé, Elizabeth, regard(s) singulier(s), qui sort pile le jour du jubilé. Mais c’est quand même la femme la plus célèbre de la planète. » Et sans doute la seule, sur Terre, qui puisse à la fois se targuer d’avoir eu les puissant·es de ce monde à sa table, de toucher sa bille en mécanique et d’avoir adoubé les Spice Girls. « Je suis tombée amoureuse de la reine. C’est la féministe ultime », dira même d’elle l’actrice Olivia Colman, qui a interprété son rôle dans la magistrale série The Crown. Euhhhhh… L’actrice ne se serait-elle pas laissée déborder par son enthousiasme ? Un peu dubitative, Causette a donc décidé de passer la reine au détecteur de féminisme. Badass, la Queen ? C’est ce qu’on va voir !
Progressisme
Si Elizabeth s’est retrouvée sur le trône, ce n’était pas ce qui était prévu au départ. Quand son grand-père, le roi George V, a rendu l’âme, c’est l’oncle Edward III qui a hérité de la couronne. Sauf qu’il l’a rendue fissa, préférant épouser une mondaine américaine, deux fois divorcée. Damn ! Résultat, c’est George VI, le daron de Babeth, qui a pris sa succession. Manque de bol, le pauvre homme est décédé quinze ans plus tard, à l’âge de 56 ans. En 1952, à 25 ans, Elizabeth a donc été catapultée reine.

Outre-Manche – où la loi salique interdisant aux femmes de monter sur le trône n’existe pas –, les hommes n’ont pas le monopole du pouvoir. D’ailleurs, les deux monarques britanniques les plus puissant·es de l’histoire ont été des femmes : Elizabeth Ire, au XVIe siècle, et Victoria, entre 1837 et 1901. Pas mal ! Et si la jeune Elizabeth II s’est globalement pliée sans moufter au jeu protocolaire (elle n’en a guère le choix, à dire vrai), elle a aussi apporté quelques petites touches de modernité à la couronne britannique. À la hauteur de ce que son statut lui permettait…
Par exemple en envoyant son fils Charles à l’école, faisant de lui le premier héritier direct à se mélanger à d’autres enfants de sa génération. Ou en 2013, lorsqu’elle a donné son assentiment pour changer les règles de la succession royale : rompant avec une tradition vieille de trois siècles, cette nouvelle loi a instauré la primogéniture absolue. En clair, la reine a dit « yes » pour mettre fin à la primauté masculine : dorénavant, c’est l’aîné·e du souverain ou de la souveraine qui prendra sa suite, fille ou garçon. Certes,« cette mesure, dans l’air du temps, a été prise par le gouvernement. Et l’assentiment royal est une formalité », rappelle Philippe Chassaigne, universitaire spécialiste de la famille royale britannique. N’empêche que la symbolique est forte.
« En assumant son rôle avec stoïcisme et dévouement, elle a sans le vouloir fait beaucoup pour banaliser l’idée qu’une femme soit au pouvoir », assurait la journaliste britannique Emma Barnett, en 2015, dans le quotidien conservateur The Telegraph. Dans le pays, sa manière d’exercer le pouvoir est plutôt appréciée. « Je pense que le fait qu’elle soit une femme a été important pour le succès de son règne. Elle a un côté matriarche, elle incarne quelque chose d’assez accessible pour nous, les Anglais, même si ça peut sembler paradoxal », analyse Kevin Loader, producteur d’Elizabeth, regard(s) singulier(s), en salles le 2 juin.
Depuis soixante ans, le pouvoir a un visage féminin. Hélas, ça ne va pas durer. Quand Elizabeth mourra, il n’y aura plus de femme sur le trône avant au moins… trois générations.
L'avis de la rédac : trop timide. On aurait aimé quelques actions plus offensives sur le terrain du girl power, mais pas si simple avec ce foutu protocole.
Émancipation féminine
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