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Définition du viol fon­dée sur l'absence de consen­te­ment : pour­quoi l'UE peine à se mettre d'accord

Un direc­tive euro­péenne pré­voit une défi­ni­tion du viol basée sur l'absence de consen­te­ment. Le Parlement euro­péen et cer­tains pays comme l'Espagne, la Belgique, la Grèce, la Suède et l'Italie, sont sur la même ligne. Mais d'autres États membres, notam­ment la France et l'Allemagne, s'opposent à ce que le viol soit inclus dans la légis­la­tion, esti­mant que l'UE n'a pas de com­pé­tence en la matière. 

La défi­ni­tion du viol doit-​elle être har­mo­ni­sée au niveau euro­péen, et fon­dée sur l'absence de consen­te­ment ? Ce sujet sen­sible revient ce mer­cre­di 13 décembre au coeur de dis­cus­sions entre les États membres de l'Union euro­péenne et les eurodéputé·es, qui font pres­sion sur la France et l'Allemagne.

Cette qua­trième séance de négo­cia­tions, pré­vue dans l'après-midi, s'annonce tou­te­fois de courte durée, et un com­pro­mis semble encore dif­fi­cile à ce stade.

Les pour­par­lers concernent une direc­tive euro­péenne des­ti­née à lut­ter contre la vio­lence à l'égard des femmes. Elle vise à rap­pro­cher les légis­la­tions et la réponse pénale des 27 pays membres sur les muti­la­tions géni­tales, la divul­ga­tion de vidéos intimes, le har­cè­le­ment en ligne. Mais la ques­tion du viol s'avère la plus controversée.

Le pro­jet, tel que pré­sen­té le 8 mars 2022 par la Commission, pré­voit dans son article 5 une défi­ni­tion du viol basée sur l'absence de consen­te­ment. Le Parlement euro­péen et cer­tains pays comme l'Espagne, la Belgique, la Grèce, la Suède et l'Italie, sont sur la même ligne.

Mais d'autres États membres, notam­ment la France et l'Allemagne, s'opposent à ce que le viol soit inclus dans la légis­la­tion, esti­mant que l'UE n'a pas de com­pé­tence en la matière. Pour ces pays, ce crime n'a pas la dimen­sion trans­fron­ta­lière néces­saire pour être consi­dé­rée comme un "euro­crime" sus­cep­tible de don­ner lieu à une har­mo­ni­sa­tion euro­péenne. Ce que contestent le Parlement euro­péen et la Commission, qui consi­dèrent que le viol peut entrer dans le cadre de l'"exploitation sexuelle des femmes", qui fait par­tie des "euro­crimes".

"Le dis­po­si­tif pénal fran­çais est déjà l'un des plus sévères en Europe sur la ques­tion des viols", fait-​on valoir de source fran­çaise. Paris et Berlin estiment aus­si qu'il y a un risque que le texte soit reto­qué en cas de recours devant la jus­tice européenne.

À lire aus­si I Pour Catharine Mackinnon, illustre juriste amé­ri­caine, il faut en finir avec le consen­te­ment dans la loi

"Passer du bon côté"

Mais eurodéputé·es et mou­ve­ments fémi­nistes ne sont pas convaincu·es, et ne cessent d'interpeller le pré­sident Emmanuel Macron pour que la France se ral­lie à une défi­ni­tion euro­péenne du viol fon­dée sur l'absence de consentement.

"Nous met­tons la pres­sion sur la France, nous espé­rons qu'elle va bien­tôt com­prendre qu'elle doit pas­ser du bon côté de l'histoire", a décla­ré l'eurodéputée sué­doise Evin Incir (groupe Socialistes & démo­crates). Selon elle, un chan­ge­ment de posi­tion d'Emmanuel Macron pour­rait entraî­ner celui du ministre alle­mand de la Justice, Marco Buschmann, de la même famille poli­tique que le pré­sident français.

L'Allemagne a chan­gé en 2016 sa défi­ni­tion du viol, qui repose sur le prin­cipe de "non, c'est non". "Mais ne pas avoir été en mesure de dire non ne veut pas dire que vous avez dit oui", objecte Evin Incir.

L'eurodéputé fran­çais Raphaël Glucksmann, du même groupe, s'indigne que "qua­torze États membres, dont la France, la Pologne et l'Autriche, uti­lisent encore des défi­ni­tions dépas­sées repo­sant sur la vio­lence phy­sique, la menace ou la coer­ci­tion". La péti­tion "non au sabo­tage de la loi euro­péenne" lan­cée par son mou­ve­ment Place Publique a récol­té plus de 190.000 signa­tures.

Les appels viennent même de la majo­ri­té pré­si­den­tielle : 23 eurodéputé·es français·es membres du groupe Renew Europe (cen­tristes et libé­raux) ont signé une tri­bune dans Le Monde mar­di, pour sou­te­nir une "défi­ni­tion euro­péenne du viol en phase avec les aspi­ra­tions de notre temps". Ils estiment que "les argu­men­taires juri­diques byzan­tins oppo­sés par les États membres donnent un sen­ti­ment de décon­nexion totale avec la souf­france vécue par les vic­times".

À droite, Manfred Weber, pré­sident du prin­ci­pal groupe poli­tique au Parlement euro­péen, le PPE, a aus­si mis en cause l'attitude d'Emmanuel Macron et du chan­ce­lier Olaf Scholz. "Chaque année, plus de 100.000 viols sont enre­gis­trés dans l'UE. Il est temps d'agir et ce n'est pas avec une loi au rabais que nous pour­rons pro­té­ger les vic­times", a fus­ti­gé l'élu allemand.

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