La rentrée scolaire a eu lieu ce mercredi en Afghanistan. Pour la troisième année consécutive, les filles du secondaire en étaient exclues, bannies de l’école par les autorités talibanes.
“Ça fait presque trois ans que je ne peux plus aller à l’école. J’ai frôlé la dépression”, raconte à Kaboul (Afghanistan) Zuhal Shirzad, une jeune femme de 18 ans. Moins d’un an après leur retour au pouvoir, les talibans avaient interdit en mars 2022 aux Afghanes de suivre les cours de l’enseignement secondaire. La rentrée de ce mercredi 20 mars, annoncée hier par le ministère de l’Éducation, se tient le premier jour de l’année calendaire afghane et marque la troisième année d’exclusion des filles des écoles du secondaire du pays.
Retard et désocialisation des filles
“C’est très dur pour moi que les garçons de mon âge étudient et pas moi. C’est de la discrimination de genre”, poursuit la jeune Afghane, qui observe avec chagrin cette rentrée, qu’elle aurait dû faire en terminale, avant de préparer son entrée à l’université. L’Afghanistan est le seul pays au monde où l’éducation des filles a été interdite après l’école primaire. Des alternatives en ligne existent, mais elles sont réservées aux adolescentes ayant un accès à Internet et ne les empêchent pas d’accumuler un retard scolaire par rapport aux garçons, tout en les désocialisant. Zuhal Shirzad affirme pourtant qu’elle n’abandonnera “jamais [ses] rêves”, et ajoute que “si les écoles ne rouvrent pas [aux jeunes filles], [elle] continuerait à étudier en ligne pour devenir un jour une femme d’affaires”.
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De leur côté, les garçons déplorent aussi l’injustice de cette interdiction. Faiz Ahmad Nohmani, un adolescent de 15 ans qui a fait sa rentrée en troisième dans un établissement privé de Hérat (à l’ouest), se dit “vraiment désolé que les filles ne viennent pas à l’école”. Il raconte : “Aujourd’hui, quand je suis arrivé, j’aurais aimé que nos sœurs viennent elles aussi à l’école, parce qu’elles représentent la moitié de la société.” Ses sœurs “sont restées à la maison”, alors qu’elles “devraient étudier comme nous”, conclut-il.
"Apartheid de genre"
Depuis leur arrivée au pouvoir par la force en août 2021, les autorités talibanes ont imposé dans le pays une interprétation ultra rigoriste de l’islam dont les femmes sont les premières cibles, au nom d’une politique décriée par les Nations unies comme étant un “apartheid de genre”. Les femmes, désormais interdites de sport, de hammam, de musée, de parc ou de salon de beauté, et dont l’accès à l’emploi a été très restreint, ont peu à peu été effacées de l’espace public sous l’administration talibane. La question de leur traitement est aujourd’hui l’obstacle majeur à des relations diplomatiques entre la communauté internationale et l’Afghanistan, dont le gouvernement n’est reconnu à ce jour par aucun pays.
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