Le Conseil d’Etat turc a validé, mardi 19 juillet, le retrait du pays de la Convention d'Istanbul, traité international contraignant les Etats signataires à légiférer pour lutter contre les violences faites aux femmes.
La perte d'un précieux garde-fou pour les droits des femmes turques semble bel et bien actée. Après la vague de colère et les manifestations qu’avait provoquées la décision du président Recep Tayyip Erdogan de se retirer de la Convention d’Istanbul, le 20 mars 2021, plusieurs ONG et partis politiques avaient saisi le Conseil d’Etat pour tenter d'annuler ce retrait. Leur tentative de sauvegarde du traité international a pourtant échoué.
La plus haute autorité administrative a en effet annoncé, ce mardi 19 juillet, approuver le retrait du pays de la Convention d’Istanbul, un texte international fixant des normes juridiques pour obliger les gouvernements signataires à lutter contre les violences faites aux femmes. Comme l’estiment les défenseur·ses des droits, cette décision risque de rendre les femmes turques bien plus vulnérables face aux violences. Zeynep Gambetti, politologue à l’Université du Bosphore (Bogaziçi) à Istanbul détaillait pour Causette en mars 2021 l'importance de la Convention : « Elle représentait pour les femmes, pour les militantes, un énorme soutien. Il y avait un volet préventif, mais elle imposait également à l’Etat de prendre des mesures légales, des mesures juridiques ou de mettre en place des dispositifs comme des foyers de refuge. La Convention veillait aussi à ce que certains préjugés sexistes soient combattus au sein de l’opinion publique. »
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Les réactions face à cette annonce ont été immédiates. Le principal parti d’opposition turc, le Parti Républicain du peuple (CHP), a aussitôt fait part de son intention de faire appel de cette décision. « Quand nous serons au pouvoir […], nous rétablirons la convention d’Istanbul dès la première semaine, voire les premières 24 heures », a assuré Kemal Kilicdaroglu, chef de file du parti et possible candidat à l’élection présidentielle prévue en juin 2023, selon l'AFP.
L'association turque « Stop aux féminicides », connue pour son inlassable combat contre les violences faites aux femmes et farouchement opposée au retrait de la Convention, a organisé des rassemblements dans plusieurs villes du pays mardi soir et mercredi pour manifester contre une décision qualifiée d’« illégale ». Sur son compte Twitter, l'association a répertorié les différentes actions des militant·es, d'Istanbul à Ankara, en passant par Izmir et Eskişehir, en martelant ces phrases : « Nous n'abandonnons pas le combat pour la Convention d'Istanbul. Nous ne reconnaissons pas la décision du Conseil d'Etat. »
« Le Conseil d’Etat a estimé que [le président turc] a fait usage de son pouvoir discrétionnaire. C’est terrifiant du point de vue du droit, s’est indignée Ipek Bozkurt, avocate de la plateforme, auprès de l’AFP. Cette erreur aurait dû être arrêtée par la justice turque. »
Comble de l'ironie, c'est sur son propre territoire, à Istanbul, que la Turquie avait accueilli le Conseil de l'Europe pour signer le traité en 2011. Elle a donc naturellement été le premier pays à ratifier la Convention en 2012. Elle est maintenant le premier Etat à en sortir. En mars 2021, la justification donnée par le gouvernement d’Erdogan pour abandonner le traité avait été d’accuser la Convention d’encourager l’homosexualité et de menacer la structure familiale traditionnelle.
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