Cinq ans après le meurtre de cette figure militante de gauche, l’enquête touche à son terme. Et révèle l’implication de policiers et hommes politiques corrompus.
Il aura fallu cinq ans. Dimanche 24 mars, la police fédérale brésilienne a interpellé l’ex-chef de la police civile de Rio, Rivaldo Barbosa ; l’ex-conseiller de la Cour des comptes de Rio, Domingos Brazao ; et son frère, le député Joao Chiquinho Brazao, soit les trois commanditaires présumés de l’assassinat de la conseillère municipale de gauche Marielle Franco, en mars 2018.
À l’issue d’une longue enquête, les trois hommes ont été désignés par Alexandre de Moraes, le juge de la Cour suprême fédérale en charge de l’affaire, comme les présumés “architectes” de l’assassinat de Marielle Franco et de son chauffeur, Anderson Gomes. “Le crime a été orchestré par les deux frères et méticuleusement planifié par Rivaldo avec son chauffeur Anderson Gomes [Barbosa]”, a déclaré le magistrat dans le document ordonnant leur placement en détention provisoire. Ils ont été placés sous les verrous dans une prison fédérale, à Brasilia.
Le ministre brésilien de la Justice, Ricardo Lewandowski, a déclaré lors d’une conférence de presse que l’enquête “était terminée”, même si de nouveaux éléments pourraient encore apparaître. Précédemment, la police avait affirmé être munie de mandats pour arrêter une quinze personnes liées à cette affaire. “Nous savons très clairement qui sont les auteurs de ce crime odieux, car il est clairement de nature politique”, a affirmé le ministre, qui a également célébré la “victoire de l’État brésilien et des forces de sécurité contre le crime organisé”.
“Aujourd’hui, un grand pas a été accompli pour tenter d’obtenir la réponse à la question que nous nous posons depuis des années : qui a tué Mari, et pourquoi ?”, s’est réjouie sur X Anielle Franco, sœur de Marielle et actuelle ministre de l’Égalité raciale.
Milices et usurpation des terres
Figure de la lutte pour les droits des communautés noires et LGBTQIA+, Marielle Franco s'était dressée contre les milices. Elle sortait d'un débat avec de jeunes femmes noires et rentrait chez elle quand sa voiture a été criblée de balles, le 14 mars 2018.
Divulguant un extrait de l'enquête policière, le ministre Ricardo Lewandowski a lié la "motivation fondamentale" du crime à l'activité des milices, ces groupes réunissant notamment d'anciens policiers, des militaires à la retraite et des pompiers, qui sont apparus il y a une quarantaine d'années face aux gangs des trafiquants de drogue.
Le rapport d'enquête fait ainsi état de "divers indices d'implication" des frères Brazao, en particulier Domingos, "dans des activités criminelles, y compris celles liées aux milices et à l'usurpation de terres". Il souligne également des "divergences dans le domaine politique". Plus précisément, la conseillère municipale s'était opposée à un groupe qui souhaitait régulariser des terrains à des fins commerciales, alors qu'elle encourageait une utilisation sociale, a expliqué le ministre de la Justice.
Alors que l'enquête est longtemps restée du ressort du parquet de Rio, Ricardo Lewandowsk a déploré "presque cinq ans d'investigations infructueuses" en raison de "l'obstruction" de certains de ses membres. Elle a été prise en main par la Police fédérale en février 2023, après l'arrivée au pouvoir du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.
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