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Aux obsèques d'Alexeï Navalny, le 1er mars 2024 © Capture d'écran d'une vidéo diffusée sur X par le compte de l'équipe de l'opposant, @teamnavalny

Bravant les risques, des Russes crient “non à la guerre” en Ukraine devant le cime­tière où a été enter­ré Alexeï Navalny

Plusieurs mil­liers de partisan·nes de l’opposant russe Alexeï Navalny se sont rassemblé·es ven­dre­di pour lui rendre hom­mage dans une église de Moscou avant ses obsèques, mal­gré le risque d’arrestation. En marge de la mise en terre au cime­tière de Borissovo, une foule a scan­dé “non à la guerre !” dans un ultime hom­mage à l’opposant au conflit en Ukraine.

Ce ven­dre­di 1er mars, le corps du prin­ci­pal adver­saire de Vladimir Poutine a été briè­ve­ment expo­sé dans une église du sud-​est de la capi­tale russe, en pré­sence notam­ment de ses parents. La dépouille d’Alexeï Navalny était pré­sen­tée à cer­cueil ouvert, selon le rite ortho­doxe, des dizaines de fleurs rouges et blanches le cou­vrant, tan­dis que les per­sonnes pré­sentes tenaient des cierges, a rap­por­té une jour­na­liste de l’AFP. Le cor­billard trans­por­tant le cer­cueil était arri­vé quelques ins­tants plus tôt sous les applau­dis­se­ments de la foule, quatre hommes avec des bras­sards noir et rouge le trans­por­tant à l’intérieur.

À l’extérieur de l’église, une impor­tante foule de plu­sieurs mil­liers de per­sonnes s’est ras­sem­blée, for­mant une très longue queue, cer­taines per­sonnes étant venues avec des fleurs, d’autres avec les larmes aux yeux. La police était pré­sente en nombre et a par­se­mé la zone de bar­rières. “C’est dou­lou­reux, des gens comme lui ne devraient pas mou­rir, des gens hon­nêtes, avec des prin­cipes, prêts à se sacri­fier”, témoigne Anna Stepanova, en sou­li­gnant aus­si “le sens de l’humour” de l’opposant. “Même en souf­frant, il fai­sait des blagues.”

Le porte-​parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a, lui, aver­ti de poten­tielles sanc­tions en cas de par­ti­ci­pa­tion à toute mani­fes­ta­tion “non auto­ri­sée” à l’occasion de ces funé­railles. Lors de sa confé­rence de presse quo­ti­dienne, Dmitri Peskov a aus­si affir­mé qu’il n’avait “rien à dire” à la famille du défunt.

“Pardonne-​nous !”

Après de rapides obsèques, la dépouille de l’opposant est arri­vée au cime­tière de Borissovo, situé à proxi­mi­té, selon une jour­na­liste de l’AFP sur place. “Nous ne t’oublierons pas !”, “Pardonne-​nous”, ont crié des gens dans la foule à l’arrivée du corps. Devant le cime­tière, une foule réunie pour scan­der “Non à la guerre !” en signe de pro­tes­ta­tion à l’assaut russe déclen­ché il y a plus de deux ans contre l’Ukraine. “Il n’avait pas peur et nous n’avons pas peur !” ont encore lan­cé les sym­pa­thi­sants de Navalny, qui avait dénon­cé, lors de son der­nier pro­cès en août der­nier, “la guerre la plus stu­pide et la plus insen­sée du XXIsiècle” à pro­pos du conflit mené par Poutine.

Détracteur du Kremlin et cha­ris­ma­tique mili­tant anti­cor­rup­tion, Alexeï Navalny est mort le 16 février à l’âge de 47 ans dans une colo­nie péni­ten­tiaire russe de l’Arctique, dans des cir­cons­tances qui res­tent obs­cures. Ses collaborateur·rices, sa veuve Ioulia Navalnaïa et les dirigeant·es occidentaux·ales ont accu­sé Vladimir Poutine d’être res­pon­sable de sa mort, ce que le Kremlin nie. Après avoir tar­dé à remettre la dépouille du mili­tant à ses proches, les auto­ri­tés russes s’y sont fina­le­ment réso­lues le week-​end der­nier, per­met­tant des funérailles.

L’ambassadrice amé­ri­caine et les ambas­sa­deurs fran­çais et alle­mand se sont rendu·es sur place, ain­si que trois figures de l’opposition encore en liber­té : Evguéni Roïzman, Boris Nadejdine et Ekaterina Dountsova. Selon Maxime, un infor­ma­ti­cien de 43 ans venu rendre hom­mage à l’opposant requé­rant l’anonymat, Alexeï Navalny a “mon­tré la liber­té”. Denis, 26 ans, béné­vole dans une asso­cia­tion cari­ta­tive, salue lui un homme grâce auquel il s’est “inté­res­sé à la poli­tique”, dans un régime de plus en plus auto­ri­taire où le dés­in­té­rêt des jeunes pour les ques­tions poli­tiques est très fort.

Lire aus­si l “Avec la mort de Navalny, l’espoir d’un ave­nir meilleur meurt aus­si” : à Moscou, des jeunes Russes sous le choc

Depuis la remise du corps d’Alexeï Navalny à sa mère, same­di, l’équipe de l’opposant cher­chait un lieu pour un “adieu public, mais se voyait “reje­ter” toute demande, accu­sant les auto­ri­tés de faire pres­sion sur les gérants.

“Mémoire bafouée”

Son équipe avait mal­gré tout appe­lé les Moscovites à venir faire leurs adieux à Alexeï Navalny, et ses sou­tiens dans les autres villes et à l’étranger à se ras­sem­bler devant des mémo­riaux pour hono­rer sa mémoire. Des ras­sem­ble­ments qui pour­raient être gênants pour le pou­voir, deux semaines avant l’élection pré­si­den­tielle (15−17 mars) cen­sée pro­lon­ger le règne de Vladimir Poutine au pou­voir. Près de quatre cents per­sonnes ont été arrê­tées par la police dans les jours qui ont sui­vi la mort de l’opposant, lors de ras­sem­ble­ments impro­vi­sés en sa mémoire.

Ioulia Navalnaïa a regret­té, mer­cre­di, qu’aucune céré­mo­nie civile n’ait été auto­ri­sée pour per­mettre l’exposition du corps de son mari à un plus large public, comme c’est sou­vent le cas après le décès de grandes per­son­na­li­tés en Russie. “Les gens au Kremlin l’ont tué, puis ont bafoué son corps, puis ont bafoué sa mère et main­te­nant bafouent sa mémoire”, a‑t-​elle fus­ti­gé, accu­sant Vladimir Poutine et le maire de Moscou, Sergueï Sobianine, d’être res­pon­sables de cette situation.

Lire aus­si l Ioulia Navalnaïa : l’épouse d’Alexeï Navalny, le cou­rage fait femme

Avant son empoi­son­ne­ment, en 2020, auquel il avait sur­vé­cu de jus­tesse et pour lequel il accu­sait Vladimir Poutine, puis son arres­ta­tion et sa condam­na­tion à 19 ans de pri­son pour “extré­misme”, Alexeï Navalny par­ve­nait à mobi­li­ser des foules, en par­ti­cu­lier dans la capi­tale russe. Son mou­ve­ment, qui s’appuyait sur des enquêtes dénon­çant la cor­rup­tion des élites russes, a été métho­di­que­ment déman­te­lé au cours des der­nières années, envoyant nombre de ses col­la­bo­ra­teurs der­rière les bar­reaux ou en exil. Après la mort de son mari, Ioulia Navalnaïa a pro­mis de pour­suivre son combat.

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