Plusieurs milliers de partisan·nes de l’opposant russe Alexeï Navalny se sont rassemblé·es vendredi pour lui rendre hommage dans une église de Moscou avant ses obsèques, malgré le risque d’arrestation. En marge de la mise en terre au cimetière de Borissovo, une foule a scandé “non à la guerre !” dans un ultime hommage à l’opposant au conflit en Ukraine.
Ce vendredi 1er mars, le corps du principal adversaire de Vladimir Poutine a été brièvement exposé dans une église du sud-est de la capitale russe, en présence notamment de ses parents. La dépouille d’Alexeï Navalny était présentée à cercueil ouvert, selon le rite orthodoxe, des dizaines de fleurs rouges et blanches le couvrant, tandis que les personnes présentes tenaient des cierges, a rapporté une journaliste de l’AFP. Le corbillard transportant le cercueil était arrivé quelques instants plus tôt sous les applaudissements de la foule, quatre hommes avec des brassards noir et rouge le transportant à l’intérieur.
À l’extérieur de l’église, une importante foule de plusieurs milliers de personnes s’est rassemblée, formant une très longue queue, certaines personnes étant venues avec des fleurs, d’autres avec les larmes aux yeux. La police était présente en nombre et a parsemé la zone de barrières. “C’est douloureux, des gens comme lui ne devraient pas mourir, des gens honnêtes, avec des principes, prêts à se sacrifier”, témoigne Anna Stepanova, en soulignant aussi “le sens de l’humour” de l’opposant. “Même en souffrant, il faisait des blagues.”
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a, lui, averti de potentielles sanctions en cas de participation à toute manifestation “non autorisée” à l’occasion de ces funérailles. Lors de sa conférence de presse quotidienne, Dmitri Peskov a aussi affirmé qu’il n’avait “rien à dire” à la famille du défunt.
“Pardonne-nous !”
Après de rapides obsèques, la dépouille de l’opposant est arrivée au cimetière de Borissovo, situé à proximité, selon une journaliste de l’AFP sur place. “Nous ne t’oublierons pas !”, “Pardonne-nous”, ont crié des gens dans la foule à l’arrivée du corps. Devant le cimetière, une foule réunie pour scander “Non à la guerre !” en signe de protestation à l’assaut russe déclenché il y a plus de deux ans contre l’Ukraine. “Il n’avait pas peur et nous n’avons pas peur !” ont encore lancé les sympathisants de Navalny, qui avait dénoncé, lors de son dernier procès en août dernier, “la guerre la plus stupide et la plus insensée du XXIe siècle” à propos du conflit mené par Poutine.
Détracteur du Kremlin et charismatique militant anticorruption, Alexeï Navalny est mort le 16 février à l’âge de 47 ans dans une colonie pénitentiaire russe de l’Arctique, dans des circonstances qui restent obscures. Ses collaborateur·rices, sa veuve Ioulia Navalnaïa et les dirigeant·es occidentaux·ales ont accusé Vladimir Poutine d’être responsable de sa mort, ce que le Kremlin nie. Après avoir tardé à remettre la dépouille du militant à ses proches, les autorités russes s’y sont finalement résolues le week-end dernier, permettant des funérailles.
L’ambassadrice américaine et les ambassadeurs français et allemand se sont rendu·es sur place, ainsi que trois figures de l’opposition encore en liberté : Evguéni Roïzman, Boris Nadejdine et Ekaterina Dountsova. Selon Maxime, un informaticien de 43 ans venu rendre hommage à l’opposant requérant l’anonymat, Alexeï Navalny a “montré la liberté”. Denis, 26 ans, bénévole dans une association caritative, salue lui un homme grâce auquel il s’est “intéressé à la politique”, dans un régime de plus en plus autoritaire où le désintérêt des jeunes pour les questions politiques est très fort.
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Depuis la remise du corps d’Alexeï Navalny à sa mère, samedi, l’équipe de l’opposant cherchait un lieu pour un “adieu public”, mais se voyait “rejeter” toute demande, accusant les autorités de faire pression sur les gérants.
“Mémoire bafouée”
Son équipe avait malgré tout appelé les Moscovites à venir faire leurs adieux à Alexeï Navalny, et ses soutiens dans les autres villes et à l’étranger à se rassembler devant des mémoriaux pour honorer sa mémoire. Des rassemblements qui pourraient être gênants pour le pouvoir, deux semaines avant l’élection présidentielle (15−17 mars) censée prolonger le règne de Vladimir Poutine au pouvoir. Près de quatre cents personnes ont été arrêtées par la police dans les jours qui ont suivi la mort de l’opposant, lors de rassemblements improvisés en sa mémoire.
Ioulia Navalnaïa a regretté, mercredi, qu’aucune cérémonie civile n’ait été autorisée pour permettre l’exposition du corps de son mari à un plus large public, comme c’est souvent le cas après le décès de grandes personnalités en Russie. “Les gens au Kremlin l’ont tué, puis ont bafoué son corps, puis ont bafoué sa mère et maintenant bafouent sa mémoire”, a‑t-elle fustigé, accusant Vladimir Poutine et le maire de Moscou, Sergueï Sobianine, d’être responsables de cette situation.
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Avant son empoisonnement, en 2020, auquel il avait survécu de justesse et pour lequel il accusait Vladimir Poutine, puis son arrestation et sa condamnation à 19 ans de prison pour “extrémisme”, Alexeï Navalny parvenait à mobiliser des foules, en particulier dans la capitale russe. Son mouvement, qui s’appuyait sur des enquêtes dénonçant la corruption des élites russes, a été méthodiquement démantelé au cours des dernières années, envoyant nombre de ses collaborateurs derrière les barreaux ou en exil. Après la mort de son mari, Ioulia Navalnaïa a promis de poursuivre son combat.